L’Elysée n’a pas apprécié les remarques de Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis de la commission des lois, lors de l’examen en séance au Palais du Luxembourg, la semaine dernière, des crédits de la mission « pouvoirs publics », qui comprennent ceux de la présidence de la République. Le sénateur socialiste du Loiret avait regretté que le directeur du cabinet du Président, Patrick Strzoda,, ne l’ait pas reçu « sans convaincre juridiquement,» ( Magcentre du 30 novembre).,
.Dans un courrier au journal Le Monde, parti de l’Elysée le 4 décembre, M. Strzoda rappelle que la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 fait obligation aux pouvoirs publics de se soumettre, dans le cadre de l’exécution des lois de finances, aux seules demandes des commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat. Et le directeur du cabinet du président de la République de conclure : « Dès lors, et de manière générale quand je suis sollicité pour un entretien, je ne reçois que les personnes respectables et/ou celles qui ne me font pas perdre mon temps. » Plus aimable on ne fait pas !
L’incendie de l’affaire Benalla ne serait-il pas encore éteint ? Jean-Pierre Sueur, co-rapporteur de la commission d’enquête créée par le Sénat en juillet 2018 après les révélations sur les agissements de l’ex-chargé de mission de l’Elysée, devant laquelle M. Strzoda avait été auditionné à deux reprises s’était montré républicainement très incisif. A l’issue de ces travaux, le Sénat avait décidé de transmettre à la justice le dossier de trois proches collaborateurs du président de la République, dont son directeur du cabinet, pour « suspicion de faux témoignage» . Même si l’enquête a été classée sans suite, le haut fonctionnaire s’en estime apparemment toujours offensé…
Tensions entre l’Elysée et le Sénat
Les coups bas se ramassent à la pelle. Alors que les régimes spéciaux de retraite sont mis en cause, le directeur du cabinet du président de la République a rappelé aux sénateurs qu’ils ne sont pas de ce point de vue les plus mal lotis. Certes, depuis 2010, le Sénat a supprimé, tout comme l’Assemblée nationale, le principe de la double cotisation, qui permettait d’acquérir en vingt ans de mandat 37,5 annuités. Mais. en 2018, la trésorerie cumulée de la Caisse de retraite des anciens sénateurs et de la Caisse de retraite des personnels du Sénat s’élevait à un peu plus de 1,4 milliard d’euros, dont le placement permet de générer des revenus plus que conséquents : en dix ans, ce magot a prospéré de 250 millions d’euros. La pension moyenne d’un sénateur avoisine les 4 500 euros nets.
.Cette vive passe d’armes intervient alors que les sujets de tension s’accumulent entre l’Elysée et le Sénat : le projet de révision constitutionnelle à l’avenir incertain, l’opposition sur les textes législatifs , notamment ceux concernant les collectivités territoriales et que les relations entre Emmanuel Macron et Gérard Larcher sont loin d’être fluides. Interrogé dimanche 1er décembre au Grand Jury RTL-Le Figaro-LCI, à quelques jours de la grève du 5 décembre, le président du Sénat a renvoyé la responsabilité de la situation au chef de l’Etat..
Le président du groupe socialiste du Sénat s’est immédiatement élevé contre les « propos insultants que vient de tenir le directeur de cabinet du président de la République » à l’égard de Jean-Pierre Sueur. « Celui-ci a exercé au nom du Sénat les missions de contrôle prévues par la Constitution. Il l’a fait avec l’intégrité et la rigueur qui caractérisent depuis toujours son travail parlementaire. Il est inquiétant de voir le mépris dont fait preuve le premier collaborateur du président de la république à l’égard de la représentation nationale », a-t-il écrit dans un communiqué.
Ces échanges acides ne sont qu’un épisode de plus dans la tension qui s’est accumulée entre le Sénat et l’Elysée,
Françoise Cariès