Le Grenelle contre les violences conjugales vient de se clôturer. Trente mesures sont proposées pour combattre le fléau des violences faites aux femmes.
par Jean-Paul Briand
La mesure 6
La mesure 6 consiste à affranchir les médecins du secret médical. Cette mesure est ainsi rédigée : « Les professionnels de santé pourront lever le secret médical en cas de danger immédiat pour la victime, parce que sauver des vies est notre priorité absolue. Le secret professionnel constitue l’un des fondamentaux de l’exercice médical et garantit la nécessaire relation de confiance entre un professionnel et un patient. Toutefois, dans des situations bien définies, la déontologie médicale exige de déroger au secret professionnel. Le code pénal prévoit ainsi ces dérogations pour les mineurs ou les majeurs considérés vulnérables victimes de violences. Néanmoins, seulement 5% des alertes de mise en danger d’une personne pour violences conjugales sont données par des professionnels de santé. Face à ce constat, à la fois pour sauver des vies, protéger les victimes tout en sécurisant les professionnels, il sera possible-mais non obligatoire pour ces derniers de déroger au secret médical en signalant l’existence d’un danger immédiat pour la victime, notamment en cas de risque de renouvellement des violences, lorsque son accord ne peut être obtenu. Cette évolution est travaillée en concertation avec le Conseil national de l’Ordre des médecins ».
Les dérogations au secret médical
Le secret professionnel est institué dans l’intérêt des patients et s’impose à tout médecin. Il couvre tout ce qui est venu à la connaissance du praticien dans l’exercice de sa profession, c’est-à-dire non seulement ce qui lui a été confié mais aussi ce qu’il a vu, entendu ou compris. Cette obligation est inscrite dans la loi (articles 226-13 du code pénal – L.1110-4 du code de la santé publique et du code de déontologie médicale – article R. 4127-4 du code de la santé publique). Des sanctions sont prévues si le médecin déroge à cette règle. Il existe néanmoins des exceptions qui libèrent le médecin du secret professionnel :
- il peut signaler au procureur de la République, avec l’accord de la victime, des sévices ou privations laissant présumer que des violences physiques, sexuelles ou psychiques ont été commises ;
- il doit informer les autorités judiciaires, médicales ou administratives de privations ou de sévices infligées à un mineur ou une personne incapable de se protéger ;
- en cas de dopage d’un sportif, le médecin peut faire un signalement au médecin responsable de l’antenne médicale de prévention du dopage ;
La loi a prévu d’autres cas où le secret professionnel n’est pas strictement respecté :
- un médecin informe le préfet des personnes dangereuses pour elles-mêmes ou pour autrui qui détiennent une arme ou désirent en acquérir une ;
- il doit déclarer certaines maladies contagieuses à l’autorité sanitaire ;
- il établit un certificat médical préalable à une admission en soins psychiatriques à la demande d’un tiers ou en cas de péril imminent ;
- il remplit un descriptif lors de maladie ou d’accident liés au travail ;
- il rédige une demande circonstanciée au Procureur de la République quand il pense qu’il y a la nécessité de placer un individu sous sauvegarde de justice.
Primum non nocere*
L’historique et traditionnel serment d’Hippocrate énonce : « Tout ce que je verrai ou entendrai au cours du traitement, ou même en dehors du traitement, concernant la vie des gens, si cela ne doit jamais être répété au-dehors, je le tairai, considérant que de telles choses sont secrètes ». Le patient s’adresse au médecin sous cette protection du secret médical. Au delà des exceptions prévues par la loi, il existe des situations douloureuses et complexes qui rendent difficile l’application absolue du secret médical. Les violences faites aux femmes en est un préoccupant et mortifère exemple. Qu’une loi permette la dénonciation d’actes de violences conjugales, sans l’accord de la victime, paraît être une proposition protectrice vis à vis des femmes. Dans le secret médical existe une dimension légale mais également une dimension morale à ne pas oublier. Celles qui s’adressent au médecin souhaitent pouvoir compter sur son entière et absolue discrétion. Le doute, qu’induirait la loi, pourrait avoir des conséquences contreproductives. Certaines femmes, en proie à des violences, pourraient peut-être préférer être victime de leur silence que de l’indiscrétion de leur médecin, même parée de bonnes intentions. Il lui paraît souhaitable de ne pas légiférer dans l’urgence et l’émotion d’autant que la loi permet déjà au médecin de se soustraire à son obligation de secret professionnel. L’article 223-6 du code pénal spécifie : « Quiconque pouvant empêcher par son action immédiate, sans risque pour lui ou pour les tiers, soit un crime, soit un délit contre l’intégrité corporelle de la personne s’abstient volontairement de le faire est puni de 5 ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende ».
*Primum non nocere (d’abord, ne pas nuire)