Les films sur l’empire colonial représentent un moyen de propagande très fort. Jean Zay, fin connaisseur de cinéma et homme de gauche incontestable, s’est arrangé pour que deux odes à la gloire coloniale de la France soient présents à Cannes, une fiction et un documentaire. Etonnant ? En fait, il avait besoin de rappeler à ceux qui menaçaient son pays combien la puissance d’un empire donne de force.
La France est un empire
Jacques de Baroncelli est, en 1938, un habitué des films qui vantent la colonisation. Il se lance alors dans le tournage de l’ « Homme du Niger », qui se déroule en AOF (Afrique Occidentale Française), cet immense territoire contenant en entier le fleuve Niger. Autour d’une intrigue de trio amoureux, les personnages, blancs uniquement, montrent toutes les facettes de la colonisation. Les militaires mettent sur pied, en vrais ingénieurs, de vastes projets de développement, comme ce barrage que le commandant Breval rêve de construire, pour apporter de l’eau à toute la population. Et leurs médecins, le major Bourdet dans le film, joué par un Harry Baur au mieux de sa forme, apporte aux indigènes les soins et les acquis de la science pour combattre les terribles maladies tropicales, dont la lèpre.
Un empire sain et bien développé
Harry Baur
Si l’histoire est un peu sommaire, la réalisation est intéressante : la vision du pays, les paysages autour du Niger, les sables, les villages de paillotes, les dispensaires. Le rapport protecteur des Blancs aux Noirs, les traitant tous comme des enfants qu’il faut prendre en charge, semble finalement bienveillant. Aucune image franchement choquante ; c’est plutôt les rapports impliqués par l’action des Blancs qui le seraient.
Dans la dernière partie, le film prend une ampleur hollywoodienne avec un nombre considérable de travailleurs-figurants sur un barrage et les foules en pirogue de Noirs révoltés. L’assassinat du Blanc est presque prémonitoire de l’après-guerre, même si dans le film la révolte qui le précède n’a aucun contenu réel.
Film de Blancs dans lequel les Noirs ne sont que des silhouettes, le point de vue est clair : l’important c’est la possession du pays et de ses habitants. C’est la domination, c’est l’empire, un empire en bonne santé et en développement.
Bilan outrageusement positif
« La France est un empire », film de montage, fait un bilan de l’envergure de la colonisation en 1938. Mené par Jean d’Agraives avec des documentaristes dans tous les pays, son axe est clairement, et presque outrageusement, le bilan positif. Sur chacun des continents, la France semble amener la prospérité, le savoir, le progrès, la santé et l’instruction. Et avec tout cela, sa vision du monde, sa « way of live », comme on dira à propos d’autres colonialistes !
Avec environ le double d’habitants que la métropole elle-même, cet empire où « la science remplace la magie » n’ouvre à aucune discussion ! Elle est aussi, et la fin du documentaire le montre bien, un réservoir de soldats. Ils se sont magnifiquement mobilisés pendant la guerre de 14, ils peuvent dans la minute recommencer.
39, l’apogée de l’empire français
C’est sans doute là qu’il faut chercher la raison de la présence de ce documentaire dans la liste des films de Cannes 39. Car c’est Jean Zay lui même qui y a tenu. Olivier Loubes, en présentant le film, a parfaitement mis en avant cette thématique. En rappelant aussi, et c’était important, que nous ne devons pas voir ce film avec notre état d’esprit de 2019. 1939 était sans doute l’apogée de l’empire. L’après guerre a vu ses contours se disloquer lentement et douloureusement.
Cet état des lieux, aussi propagandiste qu’il soit, était donc passionnant à regarder.
BC
Festival de Cannes 39 à Orléans
Du 12 au 17 novembre
Projections au Théatre et au cinéma Les Carmes
Programme détaillé et grille des projections sur le site www.festivalcannes1939.com
Pass à acheter en ligne : www.festivalcannes1939.com ou aux points de vente Office de tourisme, Auchan, Carrefour, FNAC, Leclerc.
Aucun pass vendu au Théatre ou aux Carmes.
Soirée d’ouverture mardi 12 novembre au Théatre
Remise des prix samedi 16 novembre à 19h30 au Théatre