Cannes 1939, le festival entre dans la légende

Pari gagné pour le cercle Jean Zay et les organisateurs du Festival de Cannes 39 pour cette soirée d’ouverture de mardi soir au Théatre d’Orléans où la foule est venue massivement pour une cérémonie animée par le comédien orléanais Alex Lutz, cérémonie qui fut d’abord un hommage à Jean Zay, le créateur de ce festival devenu mondialement célèbre. Ce fut en quelque sorte, après l’hommage de la République au Panthéon en 2015, l’hommage (enfin) d’Orléans à ce grand ministre du Front Populaire, novateur tant sur le plan de l’éducation que de la culture, victime expiatoire de la barbarie vichyste. Emues , Catherine et Hélène Zay, ses filles, reçurent l’ovation publique que leur initiative méritait, se transformant en témoignage de reconnaissance de l’œuvre de leur père, bien au delà du Festival de Cannes.

Hélène et Catherine Zay

Un Festival du monde libre

Mais cet hommage, par sa forme festive et culturelle, prend une tournure très concrète, très vivante avec une programmation incroyablement riche et complète tant par les films de la sélection officielle 1939 (29 sur 38), que par les documentaires sur l’époque où les leçons de cinéma des professionnels présents au Festival. Et il faut croire que la cinéphilie n’est pas morte car le public se presse aux séances et les Carmes ont réussi à recréer l’ambiance des bousculades cannoises avec des séances qui affichent presque toutes complet. Et puis, il y a ce plaisir de festivalier d’enchainer les films, en grignotant entre deux séances ou en discutant avec quelques autres passionnés sur les pépites visionnées.

Cinq films aujourd’hui dont trois soviétiques, un américain et un français… Une tranche de cinéma à la veille de la guerre au contraste politique saisissant. Entre Pacific Express de Cecil B deMille, catalogue générique du western américain qui plaide pour l’unité américaine après la guerre de Sécession avec un ennemi commun: l’indien féroce et stupide, les Tractoristes comme A La Frontière, deux films soviétiques qui ouvrent directement sur la guerre à venir, glorifiant le sacrifice du peuple avec batailles et démonstrations de chars en manœuvre, films lourds même si le premier se veut une comédie musicale, préparation idéologique sans faille d’un peuple qui paiera le plus lourd tribu à l’anéantissement de la puissance nazie.

Et puis le film français, la Loi du Nord nous propose (dans une copie rayée comme un bon vieux vinyle) une idylle glacée entre trois hommes et une femme dans le grand nord canadien avec ce plan inoubliable du trappeur fermant les yeux de Michel Morgan morte d’épuisement comme une étrange volonté de ne pas voir le monde. Pour l’anecdote, on remarquera que quatre films sur cinq proposent une histoire de rivalité amoureuse pour la même femme, et plus sérieusement, on ne peut que s’interroger sur ce choix étrange pour cette ouverture et hommage à Jean Zay, homme épris de liberté, du certes magnifique film du couple Eisenstein/Prokofiev, véritable symphonie visuelle à la gloire d’Alexandre Newski, transposition historique transparente du génial Staline (la taille en moins). Mais toute l’histoire de ce Festival tient dans ces contradictions avec ces films d’un monde libre qui justifient le massacre des indiens, l’élimination des trotskistes, ou qui demain vanteront les colonies françaises (La France est un empire).

La tache du jury (présidé par le cinéaste Amos Guittaï) promet d’être difficile et c’est sans doute pas le moindre des paradoxe de ce festival Cannes 39, mais aussi son intérêt que de confronter notre vision de la liberté à celle d’une autre époque et d’un autre monde. Le travail de mémoire c’est aussi ça.

GP

Festival Cannes 39 à Orléans

Du 12 au 17 novembre

Projections au Théatre et au cinéma Les Carmes

Programme détaillé et grille des projections sur le site www.festivalcannes1939.com

Pass à acheter en ligne : www.festivalcannes1939.com ou aux points de vente Office de tourisme, Auchan, Carrefour, FNAC, Leclerc.

Aucun pass vendu au Théatre ou aux Carmes.

Soirée d’ouverture mardi 12 novembre au Théatre

Remise des prix samedi 16 novembre à 19h30 au Théatre

Commentaires

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  1. Il y a eu aussi le film tchécoslovaque d’Hugo Hass, “la grande Solution”, mettant en garde contre un dictateur voulant anéantir le voisin et agrandir ses terres, ceci sous la forme d’un conte, et le film US de Frank Capra, “Monsieur Smith au Sénat”, dénonçant la corruption généralisée de ceux qui tiennent le pouvoir politique et surtout financier.

    Deux très beaux films fort éloignés idéologiquement de ceux cités dans l’article.

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