Françoise Spiekermeier, invitée d’honneur des Rencontres photographiques d’Ingré*

Reporter de guerre, en recherche constante de beauté, Françoise Spiekermeir sera l’invitée d’honneur des Rencontres photographiques d’Ingré, du 6 au 11 novembre. Et proposera une conférence le dimanche 10 novembre, à 16h30, suivie d’une séance de dédicace de son ouvrage « Beauties, la beauté sauvera le monde ».

Interview

MC Invitée d’honneur des Rencontres photographiques d’Ingré 2019, vous venez y montrer la beauté du monde. Quel est votre parcours photographique ?

Françoise Spiekermeir

C’est toujours un plaisir pour moi d’échanger sur les pratiques photographiques et je suis heureuse de venir rencontrer le public de la région Centre Loire à l’occasion des Rencontres d’Ingré. La beauté commence au moment où vous décidez d’être vous-même disait Coco Chanel.

Et selon Oscar Wilde, la beauté commence dans les yeux de celui qui regarde. La beauté est donc une question de ressenti, de sincérité, d’émotion. Chacun possède en soi ses propres critères. La beauté est donc au-delà des codes sociaux, profondément ancrée en chacun de nous. En tant que photographe, il s’agit d’aller la chercher pour la vivre et pour la faire vivre. Pour ces Rencontres, je vais donc exposer des portraits d’hommes et de femmes qui m’ont inspirée à un instant t, celui de la “rencontre”, cette émotion sublime qui m’a fait quitter ce monde pour mieux le trouver!

Car la beauté, le sentiment du beau, en tant que ravissement, c’est un peu comme un kidnapping…On n’est plus vraiment de ce monde. On touche à l’inexplicable.

Concernant mon parcours, j’ai commencé le journalisme “sur le tas”, après une maîtrise de sociologie à Paris V, par l’écriture d’articles, puis j’ai décidé de raconter des histoires en proposant des reportages de voyage ou tourisme complets comprenant textes et photographies. A 33 ans, j’ai décidé de vivre mon rêve, devenir reporter de guerre. A Perpignan au festival Visa pour l’Image, les femmes reporters m’ont montré que ce métier était difficilement conciliable avec une vie de famille. J’ai donc choisi. C’était en septembre 1996. Un mois plus tard, je partais en Tchétchénie avec un photographe américain, Stanley Greene, qui m’a mis le pied à l’étrier. Et trois ans plus tard, j’y retournais seule, en clandestine, en commande pour Paris-Match. Ce fut cinq ans d’une vie engagée et passionnante.

MC  Donc, après avoir été reporter de guerre, vous souhaitez montrer une autre facette de la vie. Comment expliquez-vous ce changement ?

Ce qui est justement intéressant, ce n’est pas le changement mais la continuité: quand on devient conscient et qu’on tire le fil rouge de ce qui fait sens, en reliant des univers qui semblent opposés. Je suis toujours reporter de guerre, même si je vais plus rarement sur les terrains de guerre. On reste marqué, on reste tenté. On est prêt à partir du jour au lendemain, à quitter sa zone de confort si les moyens et les circonstances le permettent. Mais l’entropie du quotidien est extrêmement forte. Le fil rouge entre le reportage de voyage ou ce travail de photographie documentaire sur la Beauté Humaine commencé en 2008, et le reportage de guerre, c’est la recherche du sens, en ce qui me concerne. J’ai compris que sans appareil photo, je n’aurai jamais pu couvrir ces conflits: l’objectif me permettait à la fois de regarder l’horreur, de la fixer, mais aussi de la sublimer. C’est inséparable de l’acte photographique.

Niger / Françoise Spiekermeir

C’est à la fois aller au bout de l’horreur et en tirer le sens, grâce à la lumière. On ne peut séparer cette action d’aller au bout de l’horreur d’une quête de sens, de vérité, de justesse. Un idéal de pureté se dégage. Et je l’ai touché en réalisant des portraits de femmes, pendant la guerre, dans ces “à-cotés”, ces parenthèses qui étaient des instants suspendus, des instants qui laissaient place à la grâce: la grâce d’une lumière sur la peau, quand tout autour de vous s’effondre et que la mort plane. Il a fallu que j’ai un cancer en 2004, que je me remémore ces femmes tchétchènes qui se faisaient belles au milieu des bombes, et que pour sauver ma peau, je cherche une voie plus calme: commencer un travail sur les codes de beauté m’a donné une direction nouvelle mais dans la continuité du reportage de guerre: mettre en évidence la recherche de la beauté comme trait humain universel.

MC Vous proposerez une conférence lors de ces rencontres le dimanche 10 novembre.  Quel message souhaitez-vous faire passer au public ? Et aux photographes en particulier ?

La recherche de la beauté est un instinct inscrit en chacun de nous, que ce soit à travers l’usage d’un appareil photo ou de techniques de mise en beauté, la contemplation d’un paysage ou un geste de compassion, de solidarité. Pour un photographe, la pratique est indissociable d’une prise de conscience de ce qui nous habite, des images qui sont au fond de nous et que le monde nous invite à extraire, à sortir, à matérialiser. Car les images, étrangement, même figuratives, sont des émanations de notre intériorité.

MC Enfin, avez-vous des projets photographiques précis pour l’avenir ? Un autre livre, par exemple ?

Publier mon livre de photographies et textes sur la Beauté, “Beauties, la beauté sauvera le monde” aux éditions de la Martinière en 2016, m’a permis de poser une base solide pour continuer de rechercher et documenter les rituels de beauté dans le monde. Mais sans financement d’un éditeur ou d’une Fondation, difficile de continuer! Je souhaite repartir en Tchétchénie faire un travail sur la mode et la beauté après la guerre.

J’aimerais aussi mettre en place un projet de photographie solidaire en Ethiopie, la vente des photos permettant de redistribuer des fonds aux femmes pour permettre de “sauver” des rituels qui nécessitent l’achat de matières premières onéreuses pour elles… Pour l’instant, ce sont des envies qui ne peuvent exister sans la participation d’investisseurs intéressés. Sauf à devenir moi-même productrice, ce que j’ai déjà fait et nécessite une organisation à plus long terme!!!

Propos recueillis par Jean-Luc Bouland

 *Les RPI 2019 auront lieu à l’espace Boutrouche d’Ingré,
du 6 au 11 novembre.

Exposition, diaporama, et conférences par les invités d’honneur les samedi 9 et dimanche 10.

Plus d’infos sur Françoise Spiekermeier : www.spiekermeier-photography.com .

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