Il y a des moments magiques où l’on voudrait que le temps s’arrête. Il en était ainsi de la soirée du samedi 19 octobre à l’occasion du dernier concert d’All That Jazz avec l’extraordinaire Anne Paceo. Cette artiste est batteur, mais aussi et peut-être surtout compositrice. Pour son nouvel album, Bright Shadows, sorti récemment, elle a su s’entourer de six musiciens et chanteurs particulièrement talentueux et polyvalents, Pierre Perchaud à la guitare, Christophe Panzani au saxophone, Tony Paeleman au clavier, Florent Mateo et Ann Shirley au chant.
Anne Paceo
Une harmonie entre instruments et voix
Pour entrer dans l’ambiance, le premier morceau est particulièrement doux et mélancolique, presque intimiste avec de magnifiques jeux de voix, avant de lancer les rythmes. Cet ensemble instruments et voix est harmonieux, presque hors du temps, comme dans un rêve. Le moment est magique avec des voix fabuleuses, belles, profondes. Les morceaux s’enchainent les uns après les autres. Même les morceaux seulement instrumentaux sont inspirés ; il se passe vraiment quelque chose de particulier ce soir sur scène et dans la salle. Au milieu d’un morceau instrumental, une voix se réveille, puis s’éteint.
Ann Shirley
On sent des influences africaines dans cette musique. Les expérimentations vocales, dont la magnifique voix de tête de Florent Mateo, sont remarquables ; même la batterie, sous les mains d’Anne Paceo, se fait subtile. Les instruments et les voix, qui se répondent pour de vrais moments de grâce, sont au service les uns des autres : c’est beau, très beau, et même souvent sublime. Il y a un vrai bonheur palpable dans cette équipe, une vraie joie d’être ensemble sur scène. Anna Paceo sourit beaucoup en regardant ses musiciens et ce sourire est communicatif ; les spectateurs se sentent bien dans cette salle : le public est dans un état de plénitude, de grâce. Quand les musiciens sourient, le public est heureux.
A la batterie et au chant
Dans un magnifique duo saxophone et voix, les musiciens et chanteurs jouent aussi avec leurs corps. Puis, c’est un fabuleux trio vocal avec Anne Paceo qui se révèle être une très bonne chanteuse : le morceau est doux, tout en nuances et en subtilités, aérien, magnifique. L’harmonie est totale, belle, presque spirituelle, aérienne, en communication avec quelque chose qui nous dépasse.
Les morceaux ont du sens. Démarrant par un beau solo de batterie, l’un d’eux rend hommage à une résistante du Zimbabwe, symbole des femmes combattantes qui ont marqué l’histoire, mais dont beaucoup sont restées inconnues. Pour donner des accents africains marqués, les percussions sont bien présentes. Le public applaudit à tout rompre ; c’est un vrai succès. Les musiciens reviennent pour un bis avec une chanson sur les migrants, dans laquelle les voix sont encore mises en valeur, en particulier celle d’Ann Shirley et les paroles intenses : « tu es là devant moi, ne détourne pas ton regard ».
Le plein d’émotions
Il y a énormément d’émotions dans ce concert hors du commun. On est rarement déçu à All That Jazz par les choix de Didier Bergen, qui prépare déjà la prochaine saison, mais ce soir, c’est un moment fabuleux et magique, de beauté et de grâce. Le 2e rappel est une composition ancienne d’Anne Paceo : il a fallu deux rencontres pour lui donner vie, celle d’Ann Shirley pour la voix et de Florent pour les paroles : ce moment de grâce se termine par un dialogue chanté avec le public qui en redemande encore.
Le prochain concert d’All That Jazz aura lieu le jeudi 7 novembre avec la chanteuse coréenne Youn Sun Nah.
Eve