« Ce n’est plus possible », Marc Gaudet, président du conseil départemental du Loiret fulmine. Avec la quasi-totalité de ses collègues présidents des conseils départementaux de France il vient de quitter ce vendredi, l’amphithéâtre du palais d’Auron à Bourges où depuis l’avant-veille se tient le congrès annuel de l’Assemblée des départements de France (ADF). A la tribune, la ministre de la Cohésion des territoires, Jacqueline Gourault continue de parler devant des rangées vides. Personne ne l’écoute, l’important est dans le hall.
Jacqueline Gourault.ministre de la Cohésion des territoires
Alors que le Premier ministre avait choisi de s’abstenir de sa visite, après un discours sans relief du ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer, Jacqueline Gourault, naguère sénatrice (Modem) du Loir-et-Cher, défendait sans en changer un iota la réforme de la fiscalité locale imposée par le gouvernement . Jusqu’au bout, les présidents avaient espéré une annonce, une ouverture. Il n’y en avait pas.
La crise s’est déplacée sur le plan politique
Alors la coupe a débordé. Dans le hall, les présidents ont entonné une vigoureuse et retentissante Marseillaise. Ce chant martial pour clamer haut et fort que la fracture était consommée entre les départements et l’exécutif. « On nous enlève tout simplement l’autonomie financière, la possibilité de lever l’impôt et d’avoir un rapport avec nos concitoyens sur l’impôt », expliquaient-ils à tous les micros présents pour justifier leur bronca inédite.
Marc Gaudet, président du Loiret.
Le gouvernement a en effet décidé que la suppression totale de la taxe d’habitation d’ici 2023 serait compensée par le transfert aux communes de la part de la taxe d’habitation sur le foncier bâti qui revenait aux départements, soit 14,5 milliards d’euros annuels que l’exécutif a prévu de compenser avec une part de TVA. « Le compte n’y est pas » disaient tous les présidents de départements, exemples à l’appui. « Au fil des années on finit par oublier la compensation, le taux d’inflation et au bout d’un certain temps ça peut se terminer très mal » disait le président Costes de la Corrèze, reprenant les termes du président Bussereau à l’ouverture du congrès.
« La situation est explosive », constatait Marc Gaudet. « Dans la régionalisation nous sommes l’échelon punching-ball. L’année dernière à notre 88ème congrès à Rennes, il y avait encore de l’espoir. On peut dire qu’il s’est évanoui. Pour tous « Paris tient beaucoup à une direction verticale, veut toujours tout décider » Dans sa motion finale adoptée à la quasi-unanimité l’ADF « déplore la politique du fait accompli du gouvernement par cette réforme inadmissible de la fiscalité locale. La concertation proclamée urbi et orbi s’est résumée à un monologue gouvernemental ».
A Bourges, le congrès de l’ADF s’est terminé par un affrontement frontal avec le gouvernement La colère s’est déplacée sur le plan politique et plus d’un président proclamait « les comptes se régleront dans les urnes ».
Françoise Cariès
Gérard Larcher : « Ecrivons le projet de décentralisation »
A la tribune de palais d’Auron à Bourges, le président du Sénat a rappelé comme il l’avait fait à Bordeaux, il y a quinze jours au congrès des Régions de France, qu’il « n’envisage pas le pays sans les départements, incarnation d’une forme de proximité à l’heure de la mondialisation et de la métropolisation ».
Aussi a-t-il proposé qu’à l’issue du congrès des maires qui se tiendra fin novembre à Paris, les élus rendent public et remettent au gouvernement un avant-projet rédigé en collaboration avec la Haute Assemblée concernant le futur acte de décentralisation annoncé pour 2020 par le gouvernement. Prudent, Gérard Larcher a bien précisé que « l’idée n’est pas de le faire contre l’Etat ou l’exécutif. Le temps n’est pas aux guerres de tranchées mais de retrouver le chemin de la confiance entre l’exécutif, le Parlement et les collectivités »
La confiance avec un grand C face à une « méthode verticale qui ne marche plus. Défendre les libertés locales, c’est répondre à la crise, c’est répondre à des besoins de proximité mais c’est aussi répondre à la perte totale de confiance dans la parole publique ». Enfin, parce qu’il était à Bourges, patrie de Jacques Cœur, il a martelé la devise du grand argentier de Charles VII « A vaillant cœur, rien d’impossible » ce qui était inviter les congressistes à ne pas baisser les bras.