Bourges : un congrès au cœur des départements de France

De toute la France hexagonale et d’outre-mer les présidents des départements de France ont convergé sur Bourges pour leur congrès annuel, le 89ème, (16,17,18 octobre). Ce n’est pas un hasard s’ils ont choisi le cœur de France, c’est une façon élégante d’affirmer qu’ils sont le territoire de la France, qu’ils en sont la chair, des moteurs et les « assistants sociaux ».

« Congrès pluvieux mais pas heureux » dans son discours d’ouverture le président de l’Assemblée des départements de France (ADF), Dominique Bussereau, a donné le ton des débats. Il y a de la grogne dans l’air et pas que fiscale : celle des pompiers, celle provoquée par les 80km/h, celle de la problématique des mineurs non accompagnés, d’autres diverses …. Les départements souffrent et ne se privent pas de le dire d’autant plus qu’ils sont soutenus dans leurs récriminations par le président du Sénat, Gérard Larcher (LR), par Renaud Muselier président de l’Association des Régions de France (LR), par les représentants de la très puissante Association des Maires de France (AMF), tous présents à Bourges.

Les départements ont mal à leurs finances

A la tribune, Dominique Bussereau n’y va pas par quatre chemins. « Pour l’ensemble des prestations sociales qui nous ont été transférées, il nous manque 9 milliards chaque année. Avec la dégradation générale des finances publiques, la montée du chômage et les problèmes sociaux, Bercy s’arrange toujours pour éroder les compensations ». Des propos largement repris et amplifiés par la salle. Un à un, les présidents de Conseils départementaux montent au créneau avec une unanimité confondante, «  le gouvernement nous supprime l’impôt sur le foncier bâti en nous annonçant une compensation par un apport de TVA. Le compte n’y est pas Nous perdons là une clef de notre autonomie financière et donc de notre capacité d’action. C’est d’autant plus mal ressenti que nous demandions au gouvernement de nous permettre un prélèvement supplémentaire sur les droits des notaires. Le premier ministre nous l’a refusé. Donc on nous prend un impôt pour compenser une suppression de la taxe d’habitation que les communes ne demandaient pas. C’est un peu comme le sapeur Camembert qui bouche des trous avec ce qu’il a creusé ailleurs ».

Aussi sont-ils vent debout contre la réforme de la fiscalité locale inscrite dans le projet de loi de finances 2020. Celle-ci prévoit de transférer aux communes la part départementale de la taxe foncière sur les propriétés bâties (14,5 milliards d’euros) pour compenser en partie la suppression à l’horizon 2023 de la taxe d’habitation promise par le candidat Macron à la présidentielle. Devant cette conjecture, droits dans leurs bottes, en bloc, les présidents récusent les accusations de trop de dépenses ou de dépenses excessives, « contrairement à l’Etat nous présentons toujours des budgets en équilibre, dire le contraire c’est vouloir nous infantiliser », lance le président du département du Nord, René Le Cerf. 

Décentralisation et déconcentration

Coincé dans l’organisation territoriale de la République mise en place par la Loi NOTRE du 7 août 2015 entre les Régions et les intercommunalités, privé de toute intervention directe sur le tissu économique local, le département a tiré son épingle du jeu et assumé pleinement sa vocation de garant dans leur globalité et leurs différences des solidarités départementales (accueil des jeunes enfants, collèges, handicapés, RSA, mineurs isolés etc). Il a prouvé sa raison d’être d’échelon de proximité, ce qu’a largement souligné en creux le mouvement des « gilets jaunes ».

Alors que ce profile une nouvelle étape de la décentralisation, annoncée par le président de la République pour 2020 dans le cadre du projet « 3D » (décentralisation, différenciation, déconcentration) les départements insistent sur « moins de verticalité et plus de déconcentration ce qui n’enlèverait rien au pouvoir de l’Etat »). Dominique Bussereau donne en exemple de cette nécessaire simplification les difficultés qu’il rencontre avec certains intendants de collèges dans son département de Charente-Maritime. Si les agents de cantine et les cuisiniers ont été transférés aux départements, les intendants restent fonctionnaires d’état et dans 21 collèges sur les 54 que compte son département ces derniers ont refusé les repas bio parce que « trop prenants, demandant trop de travail ». Impossible de ne pas accepter leur refus car ils dépendent de l’Etat et non du département.

En un mot les présidents de département demandent que leur entité territoriale soit repensée, qu’une confiance, ils insistent sur ce mot, s’établisse entre le gouvernement et eux. C’est plus qu’une prière, c’est un souhait clairement exprimé, en quelque sorte une mise en garde pour le gouvernement dans la perspective des prochaines municipales suivies une petite année plus tard des départementales et des régionales.

Invité sans réelle conviction le Premier ministre, Edouard Philippe, a préféré ne pas faire le voyage jusqu’à Bourges, l’accueil risquant de ne pas être très cordial. Ce vendredi, accompagnée du ministre de l’Education nationale Jean-Michel Blanquer, Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires est attendue en quasi voisine pour conclure ce congrès aura-t-elle dans ses bagages des propositions susceptibles d’amadouer les congressistes ? Pas sûr.

Ce serait en tout cas l’ouverture d’une saison 2 plus apaisée que la précédente entre l’Etat et les collectivités locales. En quelque sorte, un printemps de Bourges avant l’heure.

F.C.

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