La violence est un fait social universel sombre et persistant. Les manifestations de la violence diffèrent d’une société à une autre, d’une époque à une autre. Au sein des couples, les femmes payent le plus lourd tribu.
Normes sociales de la violence
En 2002, l’Organisation mondiale de la santé (OMS), a défini la violence comme « la menace ou l’utilisation intentionnelle de la force physique ou du pouvoir contre soi-même, contre autrui ou contre un groupe ou une communauté qui entraîne ou risque fortement d’entraîner un traumatisme, un décès, des dommages psychologiques, un mauvais développement ou des privations. ».
La notion de violence comporte deux éléments dont l’un est facilement identifiable : la force physique. L’autre plus difficile à appréhender est le non respect de critères sociaux. Ainsi, il y a des faits que nous nous accordons tous à considérer comme violents, comme la torture et les coups, mais d’autres qui dépendent des normes sociales en vigueur. Ainsi, dans la société française, la violence vis à vis du personnel domestique, des enfants, des animaux, a été longtemps considérée comme normale et ne choquait pas la conscience commune. Dans certains cas, la violence apparaît acceptée voire justifiée. En temps de guerre, la violence est institutionnalisée. Dans le cadre de la légitime défense, elle est légalisée. Dans les sports de combat, elle est encadrée par un règlement arbitral.
Les femmes sont les principales victimes
Au sein des couples, dans la plupart des sociétés, les femmes en sont les principales victimes (86%) même si les hommes peuvent aussi l’être (14%). Dans la France de 2017, commises par leur ancien ou actuel partenaire intime (les couples lesbiens sont aussi pris en considération) 219 000 femmes âgées de 18 à 75 ans ont subi des violences physiques et/ou sexuelles, soit 25 victimes par heure. En 2017, recensées par la Direction d’Aide aux Victimes (DAV), 151 femmes sont décédées par morts violentes, soit 3 décès chaque semaine. Toutes les femmes, quel que soit leur statut socio-économique, leur âge, leur orientation sexuelle, leur origine culturelle, leur état de santé, leur handicap peuvent être concernées, entraînant de graves conséquences sur la santé physique et psychique et le vécu des victimes.
Comme l’explique Pierre Bourdieu dans son ouvrage « La domination masculine », ces manifestations commencent avec la violence symbolique qui imprègne la société et permet insidieusement d’extorquer à la femme, sans contrainte physique, sa soumission. Elles se poursuivent avec les discriminations dans les règles du langage et de l’écriture, dans les comportements des mondes économique et politique, pour aboutir à la violence physique brutale et destructrice.
Les religions ont justifié de tous temps la violence faite aux femmes
Historiquement, le fond doctrinal et les traditions des religions monothéistes font de la domination de l’homme sur la femme l’ordre d’une nature voulue et créée par Dieu. Les religions ont ainsi justifié de tous temps la violence faite aux femmes. La résolution 1464 du Conseil de l’Europe du 4 octobre 2005 signale que : « des stéréotypes de genre, motivés par des croyances religieuses ont conféré aux hommes un sentiment de supériorité qui a abouti à un traitement discriminatoire des femmes par les hommes, allant même jusqu’au recours à la violence ». En 1993, une déclaration adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies englobe la violence physique, sexuelle et psychologique exercée au sein de la famille, y compris les coups, les sévices sexuels infligés aux enfants de sexe féminin au foyer, les violences liées à la dot, le viol conjugal, les mutilations génitales et autres pratiques traditionnelles préjudiciables à la femme.
La violence conjugale est la plus fréquente des violences à l’encontre des femmes
Parmi les violences domestiques, la violence conjugale, ou exercée par le partenaire intime (VPI), est la plus fréquente des violences à l’encontre des femmes, la plus délétère et la plus dangereuse. Ces violences physiques et/ou sexuelles succèdent le plus souvent à une période de violences psychologiques. La création d’un climat permanent d’insécurité et de stress, fragilise la victime et rend ainsi possible des abus de plus en plus graves. La violence conjugale fonctionne comme un mode de communication paradoxale, de type double contrainte : « Je t’aime (je tiens à toi) et je te frappe …». Ce type de communication enferme psychologiquement la personne en la piégeant entre deux messages contradictoires qui l’empêchent de penser, de prendre du recul et de choisir.
La violence faite aux femmes est sous-estimée
La violence faite aux femmes est sous-estimée car de nombreuses victimes ne cherchent pas d’aide et n’en parlent pas. En France moins de 14% des femmes victimes de violences conjugales ou sexuelles portent plainte. Ces victimes, paralysées par la peur, fortement dévalorisées d’elles-mêmes, très souvent isolées et honteuses, craignent de s’exprimer. Les parcours médical et judiciaire, particulièrement pénibles et éprouvants, sont des épreuves supplémentaires qu’il convient de simplifier et de faciliter. La Haute Autorité de Santé (HAS) a élaboré dernièrement un guide afin d’aider les médecins au dépistage de la violence conjugale.
Des mesures de protection plus efficaces apparaissent
Le CHU de Bordeaux a créé en 1999 un centre d’accueil d’urgence des victimes d’agression (Cauva) qui permet à toute femme victime de violences de rencontrer un soignant et de se faire examiner, si elle le souhaite. A l’hôpital de Bondy un centre similaire a été ouverte en 2014. La proposition de loi sur les violences faites aux femmes a été adoptée le 15 octobre 2019 à la quasi-unanimité par l’Assemblée nationale. Le texte prévoit la mise en place du bracelet anti-rapprochement (https://www.lemonde.fr/police-justice/article/2019/10/15/violences-conjugales-les-deputes-donnent-leur-feu-vert-au-bracelet-antirapprochement_6015638_1653578.html).
Il existe au Centre Hospitalier Régional d’Orléans, une Salle de Confrontation Protégée pour les mineur(e)s victimes de violences sexuelles et de toutes formes de maltraitance qu’attend-t-on pour la compléter par un Centre d’accueil d’urgence des victimes d’agression (Cauva) ?
Jean-Paul Briand.