Rentrée littéraire : 500 romans et Yann Moix

On lit moins. Finie l’époque où le moindre roman dépassait les 100 000 exemplaires. Les smartphones et les réseaux sociaux sont passés par là. Fin juin le syndicat national de l’édition annonçait des chiffres peu réjouissants : en 2018 le marché global du livre a baissé de 4,28%. Le secteur littérature a lui, connu une baisse en valeur de 5,7% de ses ventes. Aussi les différents éditeurs ont-ils admis qu’il fallait réduire le nombre des livres produits.

Seuls 524 romans contre 567 l’année dernière seront publiés en cette rentrée entre la fin août et la saison des prix fin octobre début novembre. 188 sont accordés à la littérature étrangère, 326 illustreront la production francophone dont 81 premiers romans.

Evidemment les têtes d’affiche Sorj Chalandon, Marie Darrieussecq, Patrick Modiano… ont dans ces publications une place de choix. Le nouvel opus de Yann Moix, « Orléans » aussi. C’est un auteur reconnu à juste titre dont les qualités littéraires ne peuvent être mises en doute et le sensationnel ne lui a jamais fait peur.

Chez son psy sans ses parents

Dans ce nouveau roman, et les éditions Grasset précisent bien qu’il s’agit d’un roman et non d’une autobiographie, Yann Moix s’en prend avec sa fougue habituelle non pas à la ville d’Orléans mais à sa famille qu’il rassemble sous le vocable d’Orléans. A 51 ans, cet auteur dit ne pas se remettre d’une enfance où la maltraitance intra-familiale était quotidienne. Possible même si les parents s’en défendent. On a vu plus d’un maltraitant hurler à la diffamation avant, contraint et forcé, de reconnaître les faits.

Mais il y a outrance et outrance. La vérité d’aujourd’hui est approchée à travers le prisme du temps et de la construction littéraire qu’en fait l’écrivain. Pourquoi parvenu à son degré de notoriété, Yann Moix a-t-il éprouvé le besoin de jeter cette boue excessive au visage de la société et de ses parents ? Il est vrai que l’époque est aux déballages en tous genres et au sensationnel et qu’à travers ses écrits comme à la télévision il a recherché et pratiqué la lumière crue.

Dans une interview qu’il a accordée à TFI, Yann Moix dit que pour lui ses parents n’existent plus, qu’il les a rayés de son existence. Alors pourquoi les interpeler publiquement jusqu’à les rendre responsables de toutes les ruptures amoureuses qu’il a vécues jusqu’ici ? Pourquoi leur consacrer sous le couvert du roman une diatribe au vitriol ?

On a envie de dire à Yann Moix, à l’homme en colère qu’il est, au « caractériel » tel qu’il se définit lui-même, qu’à la cinquantaine venue il vaut mieux aller seul chez son psy plutôt qu’avec ses parents ? Le temps est venu de se confronter avec soi-même, à mettre de l’ordre dans son intérieur, d’en appréhender les qualités et, lorsque l’on est un écrivain de les mettre au service de ses lecteurs.

Yann Moix et le verbe

Yann Moix parle comme il écrit avec une grande richesse de langue et une extrême précision. Il n’est pas faux de dire qu’au commencement de Yann Moix il y a le verbe. Il est son moteur et sa raison d’exister, sa marionnette et son arme défensive. Déjà en 2006 il s’en expliquait dans son roman « Panthéon ». Il y évoquait la maltraitance de ses parents et donnait la parade qu’il avait trouvé. Il s’était construit un panthéon imaginaire peuplé de très grands auteurs dont le moindre n’était pas Charles Péguy. Malaxer les mots jusqu’à la jouissance, en extraire sans cesse la substantifique moelle, les faire épouser sa pensée pour augmenter sa force, l’Orléanais n’a pas son pareil. Pour produire son œuvre il a besoin de sa colère contre son enfance.

José Moix son père rejette en bloc les accusations de son fils, souligne que Yann n’a jamais accepté la naissance de son petit frère et, qu’à partir de là il est devenu un enfant terrible, difficilement contrôlable ce qu’en d’autres termes après avoir refusé d’intervenir le dit frère confirme. José Moix a lu ce livre choc qu’il  juge « magnifique d’un talent exceptionnel » et conclut à l’adresse de ce talentueux fils terrible, « reviens quand tu veux ».

Françoise Cariès

« Orléans »

Yann Moix   ed Grasset

276 pages 19,90 euros

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