Etrange, inattendu et passionnant. Koba c’était le nom de guerre de Iossif Vissarionovitch Djougachyvili lorsqu’il n’était qu’un brigand en Géorgie avant la révolution russe. Il braquait les banques. Puis quand est arrivée la révolution Koba a adopté un nouveau nom de guerre. Il est devenu Staline ce qui en russe signifie « acier ». Comment ainsi armé ce paysan géorgien a-t-il pu se glisser parmi les intellectuels qui entouraient Lénine ? Comment a-t-il réussi à diriger l’URSS et si longtemps après la mort de Lénine en 1924 ?
Josef Staline
Robert Littell qu’il ne faut pas confondre avec Jonathan Littell, prix Goncourt 2006 avec « Les Bienveillantes » est un écrivain américain qui vit en Normandie. Ancien journaliste à Newsweek, il est un grand spécialiste des affaires russes. Considéré comme l’un des grands maîtres du roman d’espionnage il se garde bien de nous convier à un pur roman d’histoire. Son récit sort de la bouche d’un enfant Léon Rozental, fils d’un physicien thermonucléaire décédé et d’une femme médecin de l’hôpital du Kremlin, une juive emprisonnée pour un prétendu complot contre le régime par le NKVD ancêtre du KGB.
Le vieil homme et l’enfant
Léon Rozental, dix ans et demi, le petit comme l’appelle Koba survit avec ses copains du même âge dont tous les parents ont été victimes du NKVD, une sorte de club des cinq à la mode soviétique. Ils habitent dans les couloirs et les passages souterrains de la Maison du quai en face du Kremlin où étaient logés leurs parents quand ils étaient dans les bonnes grâces du régime. Très curieux et mûr pour son âge, Léon rencontre au cours de ses explorations dans une immense salle de bal abandonnée Koba, un vieil homme entouré d’une garde prétorienne qui tue le temps en jouant aux échecs. Un dialogue va s’engager entre le vieux tyran et le gamin qui, pas un instant, ne se doute qu’il parle avec Staline.
Direct, sûr de lui, audacieux mais sans trop, Léon avance avec son bon sens et ses connaissances, avec aussi les aléas de la vie telle qu’il doit l’affronter. Léon parle sans peur et Koba qui ne rencontre que des gens terrifiés par lui, se laisse aller à expliquer. A partir de cette base le dialogue prend corps et se développe, émaillé d’un humour grinçant. Le vieux monstre se pare soudain d’allures sympathiques et se livre y compris sur sa sexualité à laquelle l’enfant ne comprend rien.
Réveiller les esprits
Pour Robert Littell , ce rapport ambigu entre le tyran à la veille de sa mort et l’enfant qui n’est pas encore proche de l’adolescence est une métaphore qui met en lumière la relation actuelle qu’entretient l’opinion russe avec son « petit père des peuples ». »La Russie de Poutine fait de Staline sa figure la plus populaire. La jeune génération ne connaît pas la souffrance, la famine, les procès…
Poutine souligne seulement la victoire de Staline pendant la guerre, l’époque de « la grande Russie », dit-il. Pour lui c’est inquiétant et il cite volontiers la phrase de Karl Marx « Celui qui ne connaît pas l’Histoire est condamné à la revivre ».
Françoise Cariès
« Koba »
Robert Littell
Editons Baker Street (maison fondée en 2008 par Cynthia Liebow qui publie des auteurs anglophones mais aussi des auteurs français comme Aliette Abécassis.
Outre la qualité des œuvres la maison souhaite étendre la vie des œuvres en permettant l’interaction du livres et d’autres moyens d’expression, du cinéma, du théâtre en passant par des expositions et des tables rondes).
258 pages 21 euros