Etienne Dolet, Jean Jaurès combattants et martyrs de la libre-pensée

Le hasard de la découverte d’une archive méconnue d’un article de Jean Jaurés publié dans l’Humanité de 1904 sous le titre “Le Martyre d’un libre penseur Etienne Dolet” donne l’occasion à Jean Pierre Sueur de revenir sur ce personnage de la Renaissance, brulé à Paris avec ses livres sous le règne de François 1°. Dans une longue préface au texte de Jaurés, le sénateur du Loiret revient sur l’histoire de celui que Jaurés considère comme un héros de cette liberté de pensée qui lui est si chère. Ces cinquante pages d’introduction ont le grand mérite de nous narrer qui fut Etienne Dolet dans une description de la Renaissance où la violence de certains débats théologiques n’était pas que verbale. Mais comme pour d’autres illustres Orléanais que la ville se contente souvent d’honorer en leur donnant quelques noms de rues ou de collèges, que sait-on d’Etienne Dolet, né à Orléans en 1509 et dont un buste sévère* décore paisiblement les jardins de la mairie  ?

Muni de votre coupe-papier, car ce petit ouvrage est imprimé à l’ancienne avec les pages à découper, vous découvrirez la vie pour le moins mouvementée de ce personnage d’une Renaissance pas toujours si belle que l’on nous la conte aujourd’hui, qui fit de la liberté de pensée un combat de tous les instants et pour lequel il mobilisa tour à tour,  tous ses talents de poète, de polémiste, de philosophe mais aussi d’éditeur et d’imprimeur d’ouvrages alors trop souvent interdits. Jean Pierre Sueur nous brosse le portrait intellectuel et  moral de ce personnage parfois controversé, mais au caractère bien trempé jusqu’à contester le savoir d’une star de l’époque, Erasme, et qui sans renier sa foi, s’interrogera sur la mort et la vie éternelle, pensée qu’il résuma par cet aphorisme:
Réjouis-toi de ma mort et ne me plains pas, car étant mort, j’ai cessé d’être mortel”.

Un parallèle prémonitoire

Au delà du vibrant hommage rendu par le dirigeant politique au combattant de la libre pensée que fut Etienne Dolet, le texte de douze pages de Jaurés suscite un étrange parallèle prémonitoire entre le destin de ces deux hommes épris de liberté et tous deux critiqués, insultés, méprisés puis assassinés pour leurs opinions. Jean Pierre Sueur, en ouverture de son texte, rappelle la chanson de Jacques Brel “Pourquoi on-t-il tué Jaurès ?”, évoquant l’hallali lancé par les journaux mais aussi des auteurs comme Léon Daudet (et parmi lesquels il faut aussi citer son ancien ami Charles Péguy (“le traître par essence” in L’Argent 1913)), tous dénonçant comme traître à la patrie celui qui voulait à tout prix sauver la paix en dénonçant le mensonge d’un état-major promettant une guerre de six mois.

Et le destin posthume de Jaurés est marqué d’une étrange cécité collective: on gracie son assassin en 1919, on panthéonise l’homme politique en 1924 mais les commémorations du centenaire de la Grande Guerre, (qui lui consacreront quatre petits événements sur les centaines organisés durant ces quatre ans), oublient singulièrement que si Jaurés perdit son combat pour sauver la paix, combien ce socialiste avait raison dans sa dénonciation d’un patriotisme revanchard.

Et quel dommage d’oublier Jaurés à l’heure du combat contre les néo-nationalismes européens…

GP

*Ce buste est la réplique d’un buste en bronze du XIXe, fondu en 1942 et reconstitué en pierre par le sculpteur Van Den Noorgaete en 1955 . De même la statue en pied d’Etienne Dolet érigée en 1889 sur la place Maubert à Paris, lieu de son supplice, fut elle aussi fondue en 1942, sinistre réédition du bûcher, et quant à elle jamais remplacée.

“Le Martyre d’un libre penseur, Etienne Dolet”
Jean Jaurès

Préface de Jean Pierre Sueur

Ed la Guépine 63 p. 13 €
http://laguepine.fr/web/

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Commentaires

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  1. également de Jean Jaurès, chez Corsaire :
    JAURÈS, NOTRE HORIZON – René VÉRARD
    pour le centième anniversaire de son décès.

    Il faut donner à l’humanité un sens nouveau de l’unité du monde
    Oui, Jaurès est vivant !
    Oui, Jaurès est vivant ! Dans L’interview d’outre temps (nom d’un chapitre du livre), Jean Jaurès répond aux interrogations d’un jeune homme d’aujourd’hui, indécis sur son avenir. Il ne sera pas déçu. Qu’il s’agisse du travail, de la violence, de l’art, de la justice, de la démocratie de l’ouverture au monde, son aîné lui livre les clefs de l’espérance : s’engager dans la vie, au delà de soi-même.

    Rappelons-nous Jacques Brel, son cri : Pourquoi ont-ils tué Jaurès ?
    II aura suffi de trois couplets, de trois refrains pour délivrer Jean Jaurès du Panthéon et le retrouver, frémissant, dans la mémoire populaire !
    Jaurès, cette grande voix soudain tuée est enfin réenchantée par un troubadour appelant au réveil des consciences et à l’impérieuse nécessité de la paix !
    A l’aune d’une simple chanson réanimant son souvenir puisse à son tour l’écrit frissonner d’un espoir et notamment à l’adresse d’une jeunesse éclose dans un monde indéchiffrable : Quid, de l’humanité ?
    Jaurès portait l’espoir d’un sursaut, d’une sagesse, d’une renaissance humaine imposée par les peuples eux-mêmes aux puissances de corruption qui minent et dévaluent la vie : par le cœur et par l’esprit ? Il appelait les peuples à se soulever pour imposer la paix.
    La lecture de Jaurès, notre horizon est indispensable en ces temps incertains : Une boussole dans le chaos de misérables intérêts.

    Ce que j’aime dans votre Jaurès notre horizon, c’est justement qu’il chante la modernité de Jaurès. Vous avez trouvé les mots et les citations pour la dire. Voilà l’essentiel !

    Madeleine Rebérioux, Présidente de la Société d’études jaurèsiennes

  2. Petit “détail” qui ne fut pas sans importance pour Étienne Dolet : il fut étranglé (même si c’est abominable mais, “de deux maux, il faut choisir le moindre”) avant d’être jeté sur le bucher avec ses livres et non pas “brûlé vif”.
    C’était déjà assez horrible comme ça, inutile d’en rajouter, même si ça doit frapper un peu plus les esprits.

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