Par Pierre Allorant
En préambule au discours de François Hollande jeudi dernier, notre chroniqueur Pierre Allorant pour chauffer la salle du Centre des Congrès où les fonctionnaires territoriaux organisaient leur rendez-vous annuel, a offert à l’assistance un de ses savoureux récit où les Histoires, la contemporaine et la Renaissance y flirtent à travers les (bon) mots. Léonard a tout inventé ou presque de son vivant. Imaginait-il qu’après sa mort, il pût servir aussi de guide contemporain impertinent?
Ch.B
——————————————————————————
Monsieur le Président de la République, Monsieur le Président de la région Centre-Val de Loire, Mesdames, messieurs les administrateurs territoriaux,
L’esprit guêpin règne à Orléans depuis la Renaissance, fait d’impertinence et de trait acéré, d’ironie bienveillante, de François Rabelais à Jean Zay, en attendant la parution estivale de l’Orléans de Yann Moix, sans doute moins bienveillant. « Parler tout le temps », « partir des territoires pour trouver le bon chemin », voilà des titres de paragraphes que l’on trouve dans votre dernier livre, monsieur le Président, et qui vont nous servir de feuille de route.
Comme certains d’entre vous, faute de LGV (lévriers à grande vitesse, la voiture à chien a servi de moyen de locomotion en Beauce et en Sologne jusqu’à la Grande Guerre), Léonardo est arrivé dans notre belle région par la route : vidi, vici, vinci comme on dit chez nous depuis la guerre des Gaules, celle du grand Jules, pas celle des héritiers du grand Charles. Nos ancêtres les Carnutes, avaient pour usage de chanter une maxime de Forestier, un ancêtre de Michel Sapin, près de la maison bleue secondaire du chef du village toujours et encore insoumis à toute perquisition, le ténébreux mélanchonix, dans le Montargois cher au président Bonneau.
Léonard a d’abord remarqué qu’en dépit des protestations de l’échevin de Pau, les péages, supprimés en 1789, avaient été rétablis, de la chaussée Saint-Victor à la bien nommée Monnaie ; il a apprécié la « Loire à vélocypède », cette invention digne de son génie qui consiste à grimper à deux roues dans l’Interloire pour descendre le fleuve royal d’Orléans au Croisic, le temps d’un rendez-vous de l’Histoire à Blois, prendre langue avec Denis Papin, puis faire deviser Péguy avec Julien Gracq, Max Jacob avec Olivier Guichard, prince de la DATAR, aller de Sully à Ancenis, déguster un Sancerre jusqu’à Mer, un Reuilly jusqu’à Villandry. Comme dirait Léonardo, on voit d’ici la Cène…Un spectacle son et lumières digne des « Nuits de Chambord » ou du festival de Sully, avec Gaspard Coligny à la communication, faute de Gaspard Ganzer.
Léonard est venu par Montargis, la Venise du Gâtinais, où le canal Dort comme un Loir ; il y a croisé d’étranges voyageurs, qui tournaient en rond autour d’un giratoire, portant fièrement le maillot jaune et devisant avec un de ses compatriotes transalpins, lui aussi di Maio… Léonardo, rescapé du PSG et du Titanic – pardonnez ce pléonasme – a pu constater que le jaune safran était à la mode de chez nous dans le Gâtinais en découvrant une délégation chinoise en pèlerinage si Loing de la paisible Hong-Kong au point que l’on se pose la question : pour qui Hutchinson le glas ? L’appétit ouvert par le voyage, Léonard a pu déguster des pralines Mazet et un millefeuille territorial rebaptisé « loi NOTRe », avant de terminer par un Pithiviers qui lui est resté sur le cœur, le Grand Jacques Cœur, bien sûr, qui du Printemps de Bourges a voulu voir Vierzon et a fini aux marquises, loin de la Montespan et du plat pays qui jouxte la Hollande d’Erasme de Rotterdam, à l’est d’un Eden nommé Hazard. Loin, si loin, des guerres de religions qui tuent toujours, de la Saint-Barthélémy à Charlie, de Dolet à Cabu.
Tournant le dos aux Provinces-Unies, Léonardo a découvert nos territoires désunis. Vers la France compliquée, il était parti muni de quelques idées simples : un grand monarque y régnait sous le nom de François le Premier secrétaire, second de la dynastie après François le Vieux Morvan, réchappé de bien des coups de Jarnac et de fronde. Passé par la Collectivité européenne d’Alsace, OVNI territorial, hybride entre le diesel explosif de la collectivité territoriale de Corse et l’électrique métropole lyonnaise récemment redécouverte par un certain Collomb, Léonard a traversé la Bourgogne-Franche-Comté, unie sous la férule du duc qui se rêvait baron de Beauvau.
De provinces en généralités, d’évêchés en subdélégations fiscales, de bailliages en sénéchaussées, de phobies administratives en sermons de chirurgien esthétique « les yeux dans les yeux », Léonard a découvert les pétillantes foires de Champagne, dans le ressort du jeune prévôt des marchands de Troyes, éternelle promesse de l’Aube qui chevauche son département en une demie journée, avec son fidèle archer, grand veneur de Rambouillet. Léonardo a pu ainsi traverser le désert des Tartares, entendez l’A19, faire soumission au grand vizir Houellebecq, contournant la possibilité d’une île de France et les tribulations du Grand Paris, ce département de la Seine rétabli sans le concours de Lépine, tout en échappant à des voleurs de grand chemin logés gratis dans l’enfer fiscal de Levallois-Perret. Rassuré par la vitesse limitée à 80 hectomètres par heure par les philippiques du duc du Havre, Léonardo a été présenté au pays de Ronsard à l’ancien duc de Vendôme, Maurice le roi des éoliennes, nos modernes girouettes, revenu à la case de sa prime russophilie. Parvenu à Orléans, le « Paris-sur-Loire » d’Élysée Reclus, qui abritera bientôt le festival de Cannes 1939, 80 ans après, Léonardo a apprécié l’hôtel du bailli Jacques Groslot, convoité aux prochaines ides de mars pour sa cour carrée.
Il y avait des médecins alors en bord de Loire
Le jeune Petit prince de Macaron étant resté en sa cour itinérante à Amboise, près du Clos-Lucé, en compagnie de son fou du roi en berne, grand amateur de patrimoine et de loto, Léonardo a été présenté aux administrateurs territoriaux, modernes légistes férus de droit depuis leur passage sur les bancs de la faculté d’Orléans aux côtés des Budé, Calvin, Erasme et La Boétie, la promotion Rabelais avant la promotion Voltaire et la promotion George Sand de l’INET. Oui, il y avait des médecins alors en bord de Loire… Ces serviteurs de la fonction publique ont pu lui expliquer les grandeurs et les misères de la vie territoriale au temps du choléra, entendez du pacte de Cahors, supplice chinois de l’étouffement budgétaire et de la non-compensation du glissement vieillesse technicité. Sans attendre que les Médias partent, Léonardo et le Prince François ont décidé de concert de s’offrir un voyage, non en gabare, mais imaginaire dans le Centre rebaptisé Val de Loire, merci M. le Président, autour des lieux de mémoire à la façon de Pierre Nora, historiographe de la duchesse cathodique Anne les yeux si clairs.
De Mona Lisa à Jeanne d’Arc
Partons à la recherche, non du temps perdu fictivement du côté de Sablé-sur-Sarthe où le temps et l’argent filent toujours telle Pénélope, mais en Berry, Orléanais, Touraine, si cela vous botte : BOT, 3 provinces, 6 départements, au patrimoine naturel et culturel, historique, artistique et littéraire exceptionnel. Des territoires d’innovation qui s’intéressent à vos idées, bien décidés à vous convaincre que leur identité régionale n’est pas plus baroque ou problématique que celle de PACA ou des Hauts-de-France. Le territoire innovant, c’est maintenant ! Mon ami, c’est la Renaissance ! Du Bourget à Déols, volons en Montgolfière ou en hélicoptère vers l’autre vallée des rois de la douceur ligérienne, si précieuse en ces temps où la planète brûle et où l’on regrette le temps du coup de tonnerre permanent, votre capacité à décider imperturbablement sous la pluie et à redessiner la France, « à mobiliser les élus et réveiller les identités », monsieur le Président ! Tirons ensemble les leçons du pouvoir, un Président peut bien dire cela désormais, même avec …Passions. Comme le dit si bien Christiane Taubira, pour rendre à Aimé Césaire ce qui est à Césaire, j’allais dire au CESER, quoi de mieux qu’un Abécédaire ? D’autant que de Mona Lisa à Jeanne d’Arc, de la Rabouilleuse à George Sand, de Diane de Poitiers à Claude de France, que de figures… royales !”
P.A