Orléans tourne définitivement le dos à Paul Gauguin

Les médias en parlaient déjà depuis plusieurs semaines, la presse, la radio et même la télévision annonçaient l’événement: la vente d’une première aquarelle de Paul Gauguin dessinée alors qu’il était élève à Orléans, la maison Rouillac avait bien fait son travail autour de cette vente ! Une belle occasion pour Orléans pour redorer son image en envoyant un signal fort sur l’intérêt que la ville porte à son histoire artistique dans laquelle Gauguin par sa formation au petit séminaire de la Chapelle Saint Mesmin puis au Lycée Impérial devrait occuper une place particulière. On rêvait de l’annonce du retour à Orléans d’une œuvre, certes mineure, de cet artiste mais qui pose un jalon essentiel dans la connaissance de la formation de ce peintre voyageur qui se disait autodidacte…

Et bien non ! Personne de la ville d’Orléans, pas un(e) élu(e), sans doute occupé(e) ailleurs, pas le moindre représentant des musées orléanais, ni même de la société des Amis des Musées, n’a jugé utile de faire le déplacement au château d’Artigny dans l’espoir qu’une enchère pas trop élevée, ce qui fut le cas, permît d’acquérir ce témoignage orléanais sur la vie d’un des peintres les plus connus au monde ! Gauguin et son chalet, qui deviendra un jour aux Marquises, aux antipodes de la ville de la Pucelle, sa “maison du jouir” , iront donc finalement en Suisse, pays de l’heureux acquéreur, pays où Gauguin ne mit jamais les pieds.

A l’issue de la vente, Christian Jamet, auteur d’un livre sur la formation orléanaise de Gauguin fruit d’un travail de recherche considérable (“Gauguin à Orléans” ed La Simarre en cours de réécriture) , ne décolérait pas en constatant cette absence d’Orléans à l’occasion de cette vente, il nous fait part ici de son sentiment:

“Moi qui suis d’Orléans”

Au détour d’un chapitre d’Avant et après, ce souvenir rapporté par Paul Gauguin lui-même : « Un gendarme du midi qui me soupçonne d’être un espion me dit à moi qui suis d’Orléans : vous êtes Français ? » Voilà Gauguin bien mal récompensé de s’être reconnu un jour originaire de notre ville où il a, en effet, passé presque neuf années de sa vie. Adjugé pour la somme de 80 000 euros, son Chalet suisse en bord de Loire, réalisé à Orléans en 1865, va maintenant appartenir -maigre consolation- à un collectionneur français… mais résidant en Suisse !

Voici donc pour une ville – par ailleurs si légitimement soucieuse de son « rayonnement » – une occasion manquée d’offrir à son musée et de maintenir sur le territoire français le plus ancien dessin connu de Paul Gauguin ! Le dessin d’un lycéen, certes, mais qui reflète déjà l’esprit rêveur et indépendant de l’artiste de génie qu’il allait devenir. A l’évidence, l’aquarelle eût aussi valorisé son professeur de dessin, le talentueux orléanais Charles Pensée, probablement bien loin d’imaginer le devenir du potache aussi doué qu’espiègle qu’on lui avait confié au lycée impérial d’Orléans, en cette année scolaire 1864-1865.

80 000 euros… La somme n’est certes pas négligeable, mais aurait-elle grevé le budget d’une ville telle qu’Orléans ? Prétextant une probable envolée des enchères (de surcroît, sans doute, pour le dessin d’un potache !), nul n’a cru bon d’assister à la vente parmi nos responsables culturels. Il est vrai que, bravant le ridicule depuis 2013, personne ne semble s’émouvoir de laisser apposée une plaque au contenu inexact, sur une maison qui n’est pas la bonne, à propos d’un peintre mondialement connu.

Gauguin, le mal-aimé, que certains accusent aujourd’hui d’à peu près tout, ici et ailleurs, au nom d’une bien-pensance consternante, en tout cas dans la ville de son grand-père Guillaume, ancien épicier dans le quartier Saint-Marceau, et de son oncle Isidore, bijoutier dans l’actuelle rue Louis-Roguet…

Décidément, le petit marinier du Chalet suisse avait raison de rêver d’ailleurs devant la gabare des bords de Loire

Christian Jamet

Et si cette vente d’un premier dessin de Paul Gauguin n’atteint pas les sommets espérés par les vendeurs, ce qui ne peut que renforcer nos regrets pour Orléans, la maison Rouillac put se consoler avec la vente d’un couple de panthères du sculpteur Rembrandt Bugatti acquis par un particulier pour la somme de 1,1 million d’euros, battant le record atteint pour le même artiste à Sotheby’s, rappelant ainsi que la vente garden-party annuelle du château d’Artigny organisée par les Rouillac, père et fils, reste un haut lieu des enchères nationale et internationales.

GP

https://www.rouillac.com/

Adieu au Chalet suisse de Paul Gauguin…

Paul GAUGUIN Chalet suisse en bord de Loire, 1865 Encre de Chine et aquarelle sur papier Canson, signée en bas à gauche ” Gauguin. P. ” et datée en bas à droite ” le 2 juillet 1865 “.Haut. 25, Larg. 39,5 cm. Contrecollée sur une feuille de papier (28,7 x 43,5 cm).
“[…]vous rêverez avec Paul Gauguin, qui, comme Arthur Rimbaud six ans plus tard, est gagné par l’appel du large, plaçant son chalet suisse au bord d’une étendue d’eau, et se représentant en marinier, seul homme parmi six femmes des alpages, regardant la voile carrée d’une gabare… Invitation au voyage ou “Chalet du jouïr “en devenir au bord de la Loire ? On n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans !” Aymeric Rouillac

Commentaires

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  1. Merci pour ce coup de gueule salutaire ! Puisse-t-il produire un début d’effet, une prise de conscience… qui sait ? Guauguin n’est certes pas Jeanne d’Arc (et beaucoup moins consensuel) mais il a toute sa place au panthéon des hautes figures orléanaises.

  2. Ah ? Vous pensiez que Gauguin allait intéresser les Orléanais et les “acteurs” culturels et politiques de la ville ?
    C’est beau d’avoir des illusions.
    Bravo tout de même à l’équipe de Magcentre d’avoir fait ce qu’elle pouvait.

  3. Orléans a peut-être bien fait car je doute de la véracité de cette oeuvre, il y a des anachronismes, et à la période dite de ce dessin, Gauguin s’engageait comme marin. Je m’intéresse particulièrement à son oeuvre en tant qu’arrière petite cousine et orléanaise de surcroi. Je ne reconnais absolument son style qu’il n’a acquis que beaucoup plus tard, même si certaines oeuvres impressionnistes sont également différentes..

  4. A notre époque si la ville avait acheté un tableau aux enchères pour 80K cela aurait fait une belle polémique.

  5. La nature même du dessin (incontestablement daté) ne peut en rien révéler le style du futur Gauguin : c’est la copie d’une oeuvre de son professeur du Lycée impérial, Charles Pensée. Reconnaîtrait-on l’auteur des “Misérables” dans une rédaction écrite par le jeune Victor Hugo à l’âge de 17 ans, à partir des consignes données par son professeur de français ?
    Non, chère Madame, Orléans n’a pas “bien fait” de laisser partir à l’étranger un exercice scolaire du jeune Gauguin, reconnu comme tel par la Fondation Wildenstein, à partir du remarquable dossier de deux étudiants en Master d’histoire de l’art. J’ajoute que si le style de ce dessin ne révèle pas,en effet, ce que produira Gauguin devenu artiste confirmé, le motif lui-même, dans sa partie droite, laisse deviner la “folle imagination” qui le caractérisera (à l’origine, probablement, des “anachronismes” dont vous faites état).

  6. Ne demandons pas à Mr Carré d’être cultivé.
    On ne peut pas ” en même temps ” circuler dans une voiture à 46000 euros (payée par les orléanais) et envisager de mettre à peine le double pour acquérir cette oeuvre quand on partage l’idéologie libérale (enrichis toi au dépend des autres) de ceux qui trônent à l’Elysée

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