Élections provinciales en Nouvelle-Calédonie : majorité non-indépendantiste contestée au Congrès

Six mois après le référendum d’autodétermination (4 novembre 2018), la Nouvelle-Calédonie votait hier pour élire ses représentants aux 3 assemblées provinciales, la province du Nord, la province du Sud et la province des Îles.
Les électeurs ont envoyé pour 5 ans une nouvelle majorité loyaliste au Congrès, mais l’écart se réduit avec l’opposition indépendantiste : 28 sièges contre 26.

La participation est en baisse régulière depuis 2019, (66,6%). Un chiffre qui contraste avec les 81% du référendum. Cette observation peut permettre une analyse osée : la question de l’Indépendance prime sur toutes les autres ?
Les électeurs se désintéressent du ronronnement des institutions territoriales actuelles. Ils ont la tête ailleurs, vers des choix tellement plus décisifs : pour ou contre la souveraineté nationale !
A l’appui de cette analyse, les 2 partis politiques engagés dans le dialogue, Calédonie Ensemble et FLNKS, aussitôt les résultats connus, se sont lancés sur le plateau de la télévision locale, la 1ère Nouvelle-Calédonie, dans une remise en cause de leurs pratiques politiques.

Clivage entre le Sud et les 2 autres Provinces.

Dans la Province Sud majoritairement loyaliste, l’effondrement de Calédonie Ensemble, droite modérée, est spectaculaire. Le parti fondé par le député UDI Philippe Gomez perd 8 sièges sur les 15 obtenus en 2014 au profit des Républicains calédoniens (LR et Populaires).
Ce résultat peut s’interpréter comme l’échec d’une stratégie d’ouverture menant à une troisième voie au profit d’une stratégie de fermeté pour maintenir le territoire dans la République française.
La division du front Kanak indépendantiste laissant le FNLKS isolé dans cette même stratégie de dialogue renforce cette interprétation.

Dans le Nord et dans les Îles Loyauté, les indépendantistes restent largement majoritaires. Dans ces 2 Provinces, ce sont les loyalistes qui sont apparus divisés.
L’emblématique président du Nord, Paul Neaoutyine, à la tête du parti qu’il a créé, le Palika, conservera probablement son siège. Il s’est empressé de réaffirmer que « la pleine souveraineté est la seule porte de sortie de l’accord de Nouméa » qu’il a lui-même signé.

Miracolo !

Le petit parti communautaire (mais pas communautariste) de Milakulo Tukumuli a été la plus grande surprise de ce scrutin. En faisant le plein des votes de la nombreuse communauté wallisienne et futunienne, il a qualifié 4 candidats à l’assemblée de la province Sud. Il incarne dorénavant l’expression d’une population qui s’est installée durablement sur l’archipel et qui souhaite se faire entendre. Ce besoin de reconnaissance matérialise la division plutôt que la diversité de la société calédonienne. L’Eveil Océanien se range du côté des loyalistes dans la nouvelle assemblée.

Le Sud un peu plus fermement loyaliste, le Nord et les Îles clairement indépendantistes, l’émergence d’élus communautaires, le paysage électoral sorti de cette consultation confirme l’impression laissée par le référendum. Les 2 camps se resserrent autour d’idées radicalement opposées sur l’avenir du territoire, idées qui s’éloignent du « destin commun » si cher aux signataires des accords de Matignon.

Philippe Voisin

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