Par Jean-Paul Briand
Médecin en retraite à l’Argonne à Orléans.
Jean-Paul Briand
Toutes les dispositions étaient prévues, décrites et clairement annoncées
Au moment des élections présidentielles, le candidat E. Macron écrivait dans son programme : « Nous savons tous que l’État est lourdement endetté. Il n’y a pas de politique qui vaille sans responsabilité budgétaire. C’est pour cela qu’il faut réduire nos déficits ». Quelques lignes plus loin, il expliquait : « Nous voulons un État agile, concentré sur les priorités du pays, qui s’adapte à nos besoins et à nos modes de vie. Efficacité, simplicité, adaptabilité : c’est aussi comme cela que nous ferons des économies. ». Dans ce même programme, l’objectif 5 du chapitre concernant l’action publique et la fonction publique était de « promouvoir la mobilité dans le secteur public ».
Toutes les dispositions inscrites dans le projet de loi de transformation de la fonction publique, présenté en conseil des ministres le mercredi 27 mars, étaient donc prévues, décrites et clairement annoncées.
Mise en place de la flexibilité
Le projet propose la mise en place de toute une série de mesures permettant cette « flexibilité » si appréciée dans le management libéral actuel et désigné pudiquement dans la loi : « leviers managériaux pour une action publique plus efficace ».
Ainsi :
L’article 7 veut diversifier les viviers de recrutement dans l’encadrement supérieur de la fonction publique en ouvrant la possibilité de nommer des personnes n’ayant pas la qualité de fonctionnaire.
L’article 8 propose le recours généralisé à des contractuels (contrat de projet) uniquement recrutés pour la durée d’une mission déterminée.
L’article 10 élargit les cas de recours au contrat dans la fonction publique territoriale, par dérogation au principe de l’occupation des emplois permanents par des fonctionnaires.
L’article 11 simplifie les procédures de mutation des fonctionnaires de l’État.
L’article 23 tend à favoriser la mobilité des fonctionnaires de l’État vers les versants territorial et hospitalier de la fonction publique.
Réduction des effectifs
Pour faire des économies, le candidat E. Macron avait promis : « Nous réduirons le nombre d’agents publics de 120 000 emplois sur la durée du quinquennat. ». Pour atteindre cet objectif, il est inscrit dans la loi de transformation de la fonction publique :
L’article 26 qui institue un mécanisme de rupture conventionnelle.
L’article 27 qui crée un dispositif global d’accompagnement des agents dont l’emploi est supprimé.
Transférer au privé des missions du service public
Après la mise en place de la flexibilité dans la fonction publique et la réduction de ses effectifs, il existe une autre façon de réduire les dépenses publiques : transférer au privé une partie des missions dédiées habituellement au service public. Les sommes économisées du budget de l’Etat seront payées par les clients utilisateurs et non plus par l’impôt. Avec des termes merveilleusement alambiqués, le passage au secteur privé est donc prévu dans la loi :
L’article 28 entend doter l’administration d’un dispositif d’accompagnement des changements de périmètre des services publics qui s’opèrent notamment en confiant à une personne morale de droit privé tout ou partie des activités qui était assurée directement par l’administration.
Dégrader le service public
Décrit par la sociologue Nadège Vezinat (https://laviedesidees.fr/Le-crepuscule-des-services-publics.html, il existe un processus tortueux et efficace afin de transférer un service public vers le privé.
Au commencement, on réclame une rentabilité impossible à atteindre avec les moyens humains mis à disposition. Pour réussir ce défi, on néglige l’entretien des infrastructures ce qui entraîne une dégradation des services fournis. Ce phénomène a pour conséquence l’insatisfaction des usagers et donc une perte progressive de rentabilité. Cette dégradation du service et de sa mission justifie alors sa privatisation. L’usager est enfin devenu un client !
Aller vite en besogne
Pour aller vite en besogne, la loi sera examinée en procédure accélérée et le gouvernement veut pouvoir agir par ordonnances (article 5, article 17, article 22). Par précaution, la loi prévoit que les empêcheurs de tourner en rond soient moins présents : « les commissions administratives paritaires ne seront désormais plus consultées que sur certaines décisions individuelles qui le nécessitent davantage. » (article 1er)…
Alors que la fête du 1er mai n’y arrive pas, ce projet de loi réussit à fédérer toutes les structures syndicales contre lui ! Après l’épisode « gilets jaunes » c’est un satisfecit que le gouvernement aurait probablement souhaité s’épargner.
Jean Paul Briand