“Sida: “La peine et le sursis” par François Gueroult

Dans un précédent ouvrage, François Guéroult, s’était attaqué par un angle singulier à la peste et au choléra du 20 ème siècle, le nazisme, avec « l’autre Goering ». Cette fois c’est une vraie pandémie qui tue encore dont il décortique les effets secondaires les plus intimes qui soient, le sida.

Nous  sommes en 2008 et c’est un procès d’assise hors norme auquel il nous fait assister. Cette femme qui fait face aux jurés d’Orléans julie, « un squelette », décrit-il, est accusée d’avoir contaminé, transmis le virus à son mari.

François Guéroult, journaliste à France Bleu Orléans, a couvert ce procès pour sa radio.  Pourtant, il présente cet ouvrage, haletant de bout en bout, comme peuvent l’être des procès d’assise bien contés, comme un roman. Au motif qu’il se met dans la peau d’un juré, sommé par la société de plonger dans l’intimité de ce couple et de dire si oui ou non cette femme mérite les cinq ans de prison prévus par la loi. En langage juridique qui n’a pas été actualisé,  Pour “l’administration de substance nuisible par conjoint suivi de mutilation une infirmité permanente”. La substance nuisible c’est le sida et la mutilation c’est la séropositivité…il a fallu aux juristes des trésors d’ingénuité pour faire entrer le sida dans leur vocabulaire.

« Julie Coligny n’est pas une accusée ordinaire », raconte le reporter de France Bleu après le premier jour d’audience, « c’est une femme frêle malade, prématurément vieillie. Elle apprend en 1991 qu’elle est porteuse du virus du sida. Quatre ans pus tard elle rencontre Yannick Châtillon, elle affirme l’avoir informé tout de suite de sa séropositivité… ». Des amants précédents de Julie diront à la barre qu’elle ne les a jamais informé de sa maladie et qu’ils ont eu, sans conséquence, des rapports non protégés.

Le rituel du procès d’assise

Commence alors le rituel théâtralisé d’un procès d’assises, interrogatoire par la présidente de la supposée coupable, de la victime, viendront les experts, les témoins,  le réquisitoire de l’avocate générale, les plaidoiries…Une pause et les jurés prennent l’air. Au dehors des manifestants avec leur banderole, « non au procès, le sida ne passera pas par le box… ». Les jurés respirent : « là bas, au-dedans on étouffe. On craint. On accuse. On condamne. Tout est lourd dans cette salle d’audience, si replie si inconfortable, si solennelle ». Entre les témoignages des parents de l’accusée et de la victime, François Guéroult, et là c’est bien du roman car un journaliste n’a pas le droit d’être jury d’assise, nous immerge au cœur de ces jurés, un échantillon de la France, son chef d’entreprise réac à souhait, un  peu caricatural, la jeune étudiante féministe, un retraité, un jeune homme coiffé d’une queue de cheval… Dès le début du livre, on attend avec impatience à ces descriptions au scalpel, le huis clos des délibérations qui diront si Julie est coupable                                           ou  non.

Pour obtenir la vérité

L’avocat de Yannick : « De la haine ? Oui sans doute après ce qu’elle lui a fait…Je l’ai dit c’est la négation de l’amour », alors que Yannick était amoureux fou de Julie.. “Je ne crois pas qu’il y ait chez Yannick un esprit de vengeance. S’il a porté plainte ce n’est pas par haine, mais uniquement pour obtenir la vérité pour lui et pour son fils”. Car le couple a fait un enfant qui par bonheur n’est pas séropositif. On s’interroge encore sur ces notes d’hôtel borgne à Douala, car Yannick est militaire, et sur sa proximité en Afrique lors d’opération d’assistance médicales avec des malades peut-être infectés.

Au final, la Cour d’assise coupera la poire en deux. « Que restera t-il de ces trois jours de tumulte, de questionnement et de recherche de la vérité ? Qui se souviendra de ce jugement de Salomon (cinq ans de prison mais avec sursis) qui ne fâche personne mais qui, au fond, ne veut pas dire grand-chose. La cour d’assise n’a osé ni l’innocence, ni la prison. Mais a-t-elle osé la justice ?” écrit François Guéroult.

Il restera en tous cas ce livre, parfait témoignage des rouages d’une justice, souvent miroir de la misère sociale, et ici des turpitudes d’un couple où l’on se donne par l’acte d’amour la mort en sursis.

Ch.B

  • SIDA, la peine et le sursis par François Guéroult aux éditions Infimes. 13€

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