On s’apprête tout au long des mois qui viennent à célébrer Berlioz pour le deux-centième anniversaire de sa naissance. L’année 2019 a été déclarée « année Berlioz », on se propose de panthéoniser le musicien et l’Opéra de Paris reprend son chef d’œuvre, “Les Troyens”, plus de quatre heures de spectacle. Il faut dire que c’est beau, et puis que c’est du grand, du sérieux et du français, Berlioz. Il ne s’agit pas de mégoter.
Marquera-t-on officiellement le bicentenaire de la naissance d’Offenbach l’amuseur, le bouffon ? Il n’y a pourtant probablement pas de compositeur de par le monde dont le galop d’Orphée aux Enfers, utilisé pour les chorégraphies du « French Cancan » évoque immédiatement à l’esprit de son auditeur une certaine idée de la France et du « Gay Paree ». Je peux assurer que cela fait quelque chose de voir, en participant à une très officielle délégation venue à Londres célébrer le souvenir de Michel Hollard, « l’homme qui sauva Londres », celle-ci se faire accueillir au bout du quai de l’Eurostar à la gare de Waterloo sur un air de French Cancan joué par l’orchestre de la Garde royale en grande tenue…
Le violoncelliste juif de Cologne
Le petit violoncelliste juif de Cologne, débarquant à Paris avec son père pour s’inscrire au Conservatoire et affronter le jugement sourcilleux de Cherubini, devait quelque vingt ans plus tard enchanter Paris avec ses opéras-bouffes à trois personnages donnés dans un petit théâtre en bois des Champs-Élysées, s’attirant au passage, de la bouche de Rossini – excusez du peu – le sobriquet de « petit Mozart des Champs-Élysées », avant de se lancer, en compagnie de joyeux librettistes, dont Meilhac et Halévy, les plus connus, dans la création d’un genre nouveau, de pétillantes opérettes, dont tout le monde a fredonné les airs… La Belle Hélène avec son « roi barbu qui s’avance, bu qui s’avance » ou La Périchole avec son bébé qui « grandira car il est espagnol, gno-gno-gno-gno-gno-gno-gnol ».. Il tirera sa révérence sur Les Contes d’Hoffman, un véritable opéra, celui-là, et la population parisienne reconnaissante de l’avoir divertie, l’accompagnera en foule jusqu’à sa dernière demeure au cimetière Montmartre en suivant un orchestre qui jouait ses airs… Que dis-tu de ça, Johnny !
Il est curieux que l’on puisse à l’étranger jouer La Belle Hélène ou Orphée aux Enfers sur une scène d’opéra et qu’en France ce type d’œuvre puisse être considéré comme un genre mineur, pas assez sérieux. On ne pourra pas empêcher les amateurs de « grande » musique de faire la fine bouche devant ce qui leur paraît n’être que flonflons et mélodies faciles, même si les plus grandes voix ont reconnu la difficulté technique de certains airs d’Offenbach et si certaines conversations chantées sous la forme d’un sextuor, par exemple, sont d’une redoutable précision. On redécouvre par ailleurs actuellement toute la richesse de l’œuvre écrite pour le violoncelle.
Un triomphe fait aux artistes
Je pensais à tout cela l’autre samedi en assistant à la Passerelle, à Fleury-les-Aubrais, dans une salle comble, où tous les milieux et tous les âges étaient représentés, à une représentation follement drôle, servie par une mise en scène inventive, déjantée, et des voix jeunes et belles, de M. Choufleur(y) restera chez lui. Dans ce micro-opéra (une heure et quart de représentation), Offenbach se paie le luxe de se moquer et du genre lui-même et du marqueur de classe qu’il représente, en ne craignant pas de parodier Rossini (comme plus tard dans « L’Air patriotique » de La Belle Hélène), ou Mozart, avec des vocalises rappelant celles de la Reine de la nuit ou le duo de Papageno et Papagena de La Flûte enchantée.
La salle jubilait, a fait un triomphe aux artistes et il m’a semblé que cela valait tous les hommages officiels.
Gérard Hocmard
“Monsieur Choufleuri restera chez lui”
Un vaudeville musical d’après l’opérette-bouffe de Jacques Offenbach et Saint-Rémy
La Passerelle Fleury les Aubrais
18 janvier 2019
- Adaptation
- Guillaume Nozach & Vinh Giang Vovan
- Mise en scène
- Guillaume Nozach
- Chorégraphies
- Delphine Huet
- Lumière
- Marie Ducatez
Avec
- M. Choufleuri
- Nicolas Bercet
- Ernestine
- Laetitia Ayrès / Claire-Marie Systchenko
- Babylas
- Georges Demory
- Petermann
- Alexis Meriaux
- Mme Balandard
- Dorothée Thivet / Marion l’Héritier
- M. Balandard
- Hervé Roibin
- Piano
- Jeyran Ghiaee
- Violoncelle
- Maëlise Parisot
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