Le thème sentait le souffre: faut-il un troisième aéroport en “région parisienne” et si c’est le cas où l’implanter? De la dynamite! C’est ce grand remue-méninges qui avant le Grand débat qui vient d’ouvrir sur toute la France, avait, dans l’histoire des dizaines de débats en amont des grands projets (autoroute, ligne TGV, périphérique…) enregistré le plus de participants. un immense débat donc dirigé alors par Pierre Zémor, le président de l’époque de la CNDP (Commission nationale du débat public), lointain prédécesseur de Chantal Jouanno.
Un débat mis en piste par les deux ministères, plutôt antagoniste dans cette affaire, les transports de Jean-Claude Gayssot (PC) et l”environnement d’Yves Cochet. Ce grand barnum, tenant par certains aspects de l’usine à gaz propre à ce genre de démocratie de proximité, avait sa brochure explicative, ses journaux réguliers, une communication bien réglée dans la presse locale et de multiples retombées dans ces journaux, un site internet. Six mois de “marathon de démocratie participative”, quarante rencontres publiques autour de Paris et autour de l’île-de-France.
Sept ministères et la DATAR
La machine qui se met en branle est particulièrement lourde. Outre le maître d’ouvrage (le ministère de l’Équipement et des Transports, via la DGAC, Direction générale de l’aviation civile), pas moins d’une cinquantaine de types d’acteurs ont été répertoriés pour être consultés et associés au débat : sept ministères et la DATAR, les parlementaires et les différentes collectivités territoriales (Conseils régionaux, généraux et certaines villes et agglomérations), toute une série de chambres consulaires et d’organismes socio-économiques, les opérateurs aéroportuaires, compagnies aériennes et autres entreprises de transport (dont la SNCF et Réseau ferré de France), les syndicats de personnel du transport aérien, et bien sûr les associations de toute sorte, grandes associations nationales (comme la Fédération nationale des usagers des transports, FNAUT, ou l’Association de défense contre les nuisances des aéronefs, UFCNA) et petites associations locales regroupant des riverains. La démarche doit répondre non seulement à la question « où construire le nouvel aéroport ?», mais aussi, en amont, à la question de la nature et de l’ampleur des besoins, du type de plateforme et donc d’une certaine façon à celle de l’opportunité du projet.
A l’origine, c’est la colère des riverains de Roissy, ulcérés par le projet de construction de deux nouvelles pistes qui a lancé le débat. Un “feuilleton” parfaitement décrit par Philippe Subra sous le titre instructif de Roissy et le troisième aéroport : réalités économiques et manipulation géopolitique
Depuis d’autres grand chantiers comme Notre-Dame-des-Landes et la LGV Paris-Orléans-Clermont-Lyon (POCL) passèrent aussi par le filtre CNDP. On sait ce qu’il en advint pour la LGV avec trois tracés probable dont un par la Sologne, abandonné par l’Etat en rase campagne.
Les promesses de Gayssot
A l’époque donc, sous Lionel Jospin, Jean-Claude Gayssot, ministre communiste des transport promet aux riverains excédés par le bruit de limiter Roissy à 55 millions de passagers.
Et au final, ce Grand débat qui devait éclairer la décision du gouvernement n’a débouché sur…aucune décision. Tout est rentré ans l’ordre il a été choisi de ne rien faire et de laisser le choix à des successeurs. Mais tout le monde sait qu’un tel équipement sera un jour nécessaire, et au sud de Paris, la zone de chalandise, lors qu’Orly sera devenu trop juste ou qu’un accident aura remis le 3 ème aéroport sur le tapis. Dans cet hypothèse, Beauvilliers où un site proche du TGV Atlantique en Eure-et-Loir redeviendra sans doute d’actualité. Depuis 2001, le serpent de béton troisième aéroport est revenu en piste à Courtalain et maintenant à Châteaudun (*) sur l’ancien aéroport militaire défendu par Fabien Verdier.
Maurice Dousset (UDF) en perd son siège de député
Entre avril et octobre 2001, ce grand débat de haute volée, une sorte de grand barnum avait rassemblé plusieurs milliers de participants, au cours de dizaines de réunions à Paris et autour de l’île-de-France.
L’idée d’un nouvel aéroport “de Paris”, avait germé en île -de-France mais aussi dans la tête du député et président du Conseil régional de la région Centre, Maurice Dousset (UDF). Son électorat rural lui fera payer cette “incongruité” en le renvoyant à ses champs de céréales allant jusqu’à élire au Palais Bourbon, Marie-Hélène Aubert, une écologiste! Les céréaliers les confrères de Maurice Dousset lui avaient fait payer cher sa “trahison”. Dès lors les candidature à l’accueil d’un nouvel aéroport s’étaient multipliées, toutes basées au nord et à l’est de Paris, les plus proches de Roissy. A l’origine en effet, devant la levée de boucliers suscitée par l’extension (deux pistes supplémentaires) de Roissy,le gouvernement avait décidé de mettre en branle la “démocratie participative”.
Le rapport Douffiagues conclut au besoin d’un 3 ème aéroport à Beauvilliers (Eure-et-Loir)
A l’origine le rapport d’un expert Jacques Douffiagues, ancien maire d’Orléans et surtout ancien secrétaire d’Etat aux transport a été rendu public, en juin 1995. Ses conclusions suscitent la colère des riverains et des nouveaux élus. Il se prononce en effet pour la construction, non pas d’une, mais de deux nouvelles pistes à Roissy, pour faire face à la croissance du trafic de la plate-forme aéroportuaire de Paris. L’argumentation est principalement économique : il s’agit d’éviter de laisser partir sur Londres, Francfort, Amsterdam ou Bruxelles les emplois qu’apportera la hausse attendue du trafic et d’affaiblir Air France face à British Airways, Lufthansa et KLM. “Le doublement des pistes actuelles est censé améliorer la situation sur le plan du bruit. Les deux nouvelles pistes (les « doublets »)”, plus courtes, seront réservées à l’atterrissage. Elles permettront de fluidifier le fonctionnement de l’aéroport, donc d’éviter les embouteillages d’avions tournant en rond au-dessus de la vallée de Montmorency en attendant qu’une piste se libère, enfin d’ouvrir un nouveau couloir d’accès à Roissy par le sud, donc de répartir géographiquement les nuisances. Enfin le rapport propose que les deux nouvelles pistes soient décalées de 600 mètres vers l’est de façon à ce que les avions à l’atterrissage survolent moins longtemps, à basse altitude, les communes du Val-d’Oise.
Dans le même temps, il recommande que l’État réserve le site de Beauvilliers,
Annoncée par Lionel Jospin
La construction d’un troisième aéroport est annoncé en octobre 2 000 par Lionel Jospin, en pleine cohabitation. A cette époque Roissy, accueillait 500 000 mouvements par an et 50 millions de passagers. Une quatrième piste permettait de porter la capacité à 80 millions de personnes.
La question du troisième aéroport, de son opportunité et de sa localisation (faut-il un troisième aéroport ? et si oui, où faut-il le construire ?) est posée deux fois : par le gouvernement Juppé ( 1995-1997), Bernard Pons étant ministre de l’Équipement et Anne-Marie Idrac, secrétaire d’État aux Transports –c’est l’épisode du rapport Douffiagues; puis par le gouvernement Jospin ( 1997-2002), avec Jean-Claude Gayssot comme ministre des Transports, qui décide dans la foulée de sa décision d’octobre 1997 de remettre le dossier complètement à plat et de recommencer la consultation à zéro, en organisant un grand débat public. Et à chaque fois, le site retenu est différent. Tout au long de cette phase de consultation, l’embrouillamini politico-géograhique, pollua à foison le débat.
Manifestations, réunions houleuses, insultes, quolibets, pancartes “vous ne raserez pas nos villages”, ce “grand débat”, était clairement un “leurre” destiné à calmer le jeu. Au final les Les lobbies d’Air France, d’ADP (Aéroport de Paris), et de la DGAC soucieux de faire décoller le hub de Roissy, auront raison d’un nouvel aéroport.
Les candidatures: huit sites ont été examinés dans le débat intitulé DUCSAI (Démarche d’utilité publique pour un site aéroportuaire international).: Il s’agit de
- Beauvilliers (Eure-et-Loir, région Centre) à 20 km au sud-est de Chartres, près de la ligne TGV Atlantique, le long de la RN 154, à 80 km à vol d’oiseau de Paris. Site proposé par le conseil général d’Eure-et-Loir et par le président de la région.
- Montdidier (Picardie sud) en limite des départements de la Somme et de l’Oise au sud de Montdidier. Site soutenu par les organisation de TP et par les PME-PMI de Picardie.
- Chaulnes (Picardie). Dans le département de la Somme entre Chaulnes et Vermandovilliers. Site présenté par la fédération régionale des travaux publics
- Hangest-en-Santerre (Somme). Au nord de Montdidier, près de la route Amiens-Roye Site proposé par l’Etat et la DGAC
- Bertaucry (Champagne-Ardennes). A 20 km au nord-est de Reims, proche de la RN 51, proposé par la CCI de Reims et d’Epernay.
- Juvincourt. Picardie. Dans l’Aisnes à mi-chemin entre Laon et Reims limite de la Marne et des Ardennes.
- Vatry. Champagne-Ardennes.Dans le département de la Marne à 25 km de Châlon-en-Champagne, l’aéroport de fret de Vatry existe déjà. Il est proposé par le conseii général de la Marne.
- – Les Grandes Loges à Châlons-en-Champagne. Dans la Marne à 33 km de Reims. et à 12km de Châlons, au sud du camp militaire de Mourmelon. Site proposé par la CCI de Reims et d’Epernay.
Depuis le fameux débat de 2001, il en est passé des avions dans le ciel de Paris. Les Chinois, entre autres, achètent aujourd’hui nos aéroport. Et la CNDP examine maintenant, en 2019, le projet de construction d’une 4 ème plate-forme à Roissy à l’horizon 2024 pour accueillir 40 millions de voyageurs supplémentaires. C’est dire si les promesses de Jean-Claude Gayssot, entre autres, ont été enterrées.
C’est dire aussi si ce grand débat de 2001 n’aura servi qu’à amuser la galerie. Souhaitons au Grand débat 2019 qui commence, et qui a une toute autre ampleur allant bien au-delà d’un grand équipement, de pouvoir faire remonter et décoller au maximum les priorité et les attentes des Français. Et de ne pas se crasher à l’arrivée.
Ch.B
Fabien Verdier précise
-
- Fabien Verdier nous précise après cette enquête que son ambition pour Châteaudun, n’est pas sa transformation en 3 ème aéroport parisien mais bien d’un “petit aéroport générateurs d’emplois (développement raisonné) sur un site existant avec toutes les installations présentes”.