C’était au printemps 2016, grand dégagisme et jeunisme se mettaient en marche sur la toile. Aujourd’hui, c’est le « jaunisme » qui immobilise le pays. Dans les deux cas les réseaux dits sociaux, ont servi de berceau à la naissance puis à la croissance de ces deux phénomènes devenus antagonistes. Qu’ils étaient beaux ces réseaux sociaux, symboles de liberté débridée qui offraient l’occasion de faire émerger ces gueules inconnues, génitrices du nouveau monde, celles qui ne croyaient plus aux partis politiques traditionnels aux syndicats poussiéreux, aux “corps intermédiaires” obsolètes et allaient faire sortir la France de sa léthargie. “Nous sommes un mouvement, pas un parti”, disaient-ils les marcheurs.
Alors au passage on avait bien remarqué que ces mêmes réseaux sociaux encourageaient le communautarisme, laissaient passer à gogo, entre deux photos de chats de sapins de Noël et de gâteaux d’anniversaire, des propos racistes, xénophobes, antisémites… un détail. Tant qu’ils permettaient, hors la loi de notre pays, d’insulter, de diffamer, d’injurier, de traiter son patron (ou son employé) de « salopards », les politiques de « pourris », quel bel objet de démocratie c’était, de liberté poussé à son paroxysme. Avec FB ou Twitter je peux me déboutonner et envoyer aux politiques et même au président de la République un « tous pourris » qui soulage. Enfin, moi aussi je peux parler en direct avec le Président comme une Léonarda à François Hollande. Quelle fraîcheur, quel renouveau démocratique, disaient-ils ces laudateurs du nouveau monde!
Faire dégager le vieux monde
Alors c’est vrai qu’on avait bien vu passer des vidéo de décapitations de nos petits voisins de réseau de Daech. C’est vrai aussi que les mêmes réseaux véhiculent des tombereaux de fake news (fausses nouvelles), qui ne sont jamais poursuivis pour la bonne raison que les réseaux ne sont pas considérés comme des médias, donc n’obéissent pas à nos lois, étant hébergés loin de l’hexagone et de l’Europe. L’affaire des insultes racistes à Jeanne d’Arc en est la parfaite illustration. Qu’importe ces bavures puisque les réseaux du net permettait de faire émerger du sang neuf qui allait faire dégager, ce qui s’est passé en juin 2017, le vieux monde et ses représentants. Les réseaux Macron au départ se sont organisés sur les réseaux sociaux, avec un mépris à peine réprimé pour les médias traditionnels. avec un futur président de moins de 40 ans, jeunisme quand tu nous tiens…
A l’époque écrivait un grand hebdomadaire, « En Marche! est donc en marche, avec son clip de lancement, son site Internet, son compte Twitter, sa page Facebook et ses «financements privés», selon l’expression d’un proche du ministre. Macron souhaite «construire quelque chose d’autre», «essayer d’avancer» face aux «blocages de la société». ». Autant de raisons pour lesquelles En Marche! est transpartisan.”
L’information, la communication passeraient par les réseaux, les siens, jusqu’à Mélenchon qui créait sa propre TV pour éviter d’avoir à répondre à des journalistes qui ne soient pas à sa botte. Plus récemment, Jusqu’à Edouard Philippe lui-même s’exprimant officiellement sur FB, à l’exclusion de tout autre support. C’était juste avant la crise.
Des carrefours numériques aux ronds-points de la colère
Seulement voilà, cette grogne sociale qui s’exprimait, parfois jusqu’à la caricature et les débordements hors la loi, sur les réseaux sociaux, avec une mansuétude jamais démentie, est sortie de son carrefour numérique pour s’en aller sur les ronds-points dire sa colère. Le café du commerce anarchique des réseaux sociaux s’est transformé en agora bordélique incapable de se donner des représentants. Chez certains, les dérapages racistes sont passés du clavier au barrage routier. Et l’on vous passe, fréquentes sur ces réseaux, la théorie du complot et les rumeurs qui n’est plus donc la spécialité d’Orléans. Ainsi la dernière, ces derniers jours dit que la France sera demain vendue à l’ONU…!
Le numérique est revenu comme un boomerang dans la gueule du président Macron. C’est cela l’ultra libéralisme de la toile prôné par un Zuckerberg qui se voit, sans rire en hippie sans barrière. Lui, qui a sans doute inspiré le “hippie” Donald Trump et sa mèche révolutionnaire, incapable de s’exprimer autrement qu’en tapant fiévreusement sur les touches de son smartphone.
Pour sortir de la crise des paletots, on nous parle de je ne sais quelle démocratie numérique, et pourquoi pas un référendum sur Twitter, tant qu’on y est? Ce trop plein de liberté numérique et anarchique, que nos beaux intellectuels trop fiers d’être suivis par des milliers de “followers” se sont bien gardés de fustiger, tant ils y ont pris goût, est en train de tuer notre République. Parce qu’aujourd’hui comme hier, derrière les révoltés sincères, mobilisés par la rudesse des temps, les casseurs font le lit d’un régime autoritaire d’extrême-droite qui va bien finir par nous tomber sur le nez. Pour le coup, ce ne sera plus du virtuel, et les ronds-points seront évacués manu militari, quoi qu’il en coûte. Merci les réseaux, ça c’est du social !
Ch.B