Ces jeudi et vendredi dernier se tenait à Orléans à l’hôtel Dupanloup, un séminaire de travail, organisé par le Cercle Jean Zay, autour du non-événement du Festival de Cannes programmé et organisé par le ministère Jean Zay pour le début septembre 1939.
Ce séminaire faisait suite à la publication, en 2016, du livre d’Olivier Loubès intitulé “Cannes 1939, le festival qui n’a pas eu lieu” (ed Armand Colin) qui par un important travail historique, a établi une description très complète du contexte politico-diplomatique mais aussi des acteurs de ce projet de festival inabouti. Ce livre permet également de contextualiser ce festival 1939 dans la plus vaste action du ministre Jean Zay dans son soutien à une industrie cinématographique française en pleine déliquescence, action dont on mesure encore aujourd’hui les effets sur notre cinéma, bien au delà du Festival de Cannes qui finit par voir le jour sans son initiateur.
Ce séminaire donnait donc l’occasion de faire le point sur l’avancée des travaux de recherches qui continuent autour de ce festival fantôme, aussi bien pour en affiner la lecture politique puisque très vite ce festival est devenu un enjeu particulier entre Munichois et anti, mais aussi pour en cerner mieux les différents acteurs dont les destins vont diverger quelques mois plus tard entre collaborationnistes et résistants.
Deux projections d’époque
L’enfer des anges, Affiche
Deux projections de films d’époque sont venus illustrer les propos des intervenants: tout d’abord un court métrage intitulé “Un jour de bonheur” tourné en juillet 1939 pour faire la promotion de Cannes comme cité festivalière, film présentant la Croisette et les distractions insouciantes de ses riches touristes, bulle d’inconscience totalement “surréaliste”.
Le long métrage de Christian-Jaque sélectionné pour Cannes 1939 intitulé “L’enfer des anges” ne manquait pas, quant à lui, de nous étonner par sa facture très élaborée formellement, cadrage et éclairage très esthétiques, montage très rythmé et recherche sur les visages qui n’est pas sans rappeler les travaux d’Eisenstein. Le sujet du film, la dénonciation du sort des enfants de la “zone” reste assez convenu et le film eut le curieux destin après avoir été donc sélectionné pour Cannes 1939, d’être d’abord censuré quelques mois avant d’être récupéré (avec l’ajout d’un carton en début de film), par le régime de Vichy qui l’autorisera en 1941 comme illustration de son discours moralisateur pour un nécessaire “assainissement” de la pauvreté.
La projection publique au cinéma des Carmes du film de l’égérie d’Hitler, Léni Rifensthal, à la gloire des jeux de Berlin de 1936, film de propagande nazie très esthétisant et donc évidemment pas sélectionné pour Cannes 1939, me semblait en revanche un contrepoint pour le moins superfétatoire…
“Rêver un festival” à venir
Intitulé “Rêver un festival” ce séminaire avait finalement pour objectif de préparer un colloque, cette fois international, sur le même sujet prévu pour le 80ième anniversaire de ce festival qui n’eut pas lieu, en novembre 2019.
Espérons néanmoins que ce sujet d’histoire qui intéresse autant le cinéphile que l’historien ne restera pas confiné entre savantes communications de spécialistes, et que le public pourra être concerné, lui aussi, par cet événement fondateur méconnu, notamment en organisant des projections commentées des films sélectionnés en 1939, ceux dont on aura bien sûr pu retrouver la copie.
La projection durant ce séminaire du film de Christian-Jaque présentait un intérêt cinéphilique évident, et si tous les films de la sélection ne sont pas devenu des pépites comme le “Magicien d’Oz”, leurs présentations au public dans le cadre d’un remake du festival (Croisette en moins) seraient sans aucun doute une expérience enrichissante pour un large public.
Une telle initiative d’éducation populaire aurait sans doute reçu le soutien du ministre Jean Zay…
GP