Les esprits et les ambitions commencent à s’échauffer dans les appareils politiques. Mais beaucoup ne veulent pas encore se découvrir pour mieux préserver l’avenir notamment à Orléans et Tours.
Les dates précises ne sont pas encore connues, mais les municipales devraient se dérouler en mars ou avril 2020 dans la mesure où le dernier scrutin local remonte aux 23 et 30 mars 2014. L’échéance est encore lointaine tout en étant présente dans toutes les appareils politiques. Certains commencent à se découvrir, d’autres préfèrent attendre le verdict des élections européennes du 26 mai 2019. C’est cette date qui donnera véritablement le coup d’envoi des municipales de 2020. Il est vrai que l’issue des urnes dans plusieurs villes va dépendre en grande partie de la position de LREM qui semble prête à soutenir -sous conditions- certains maires sortants. C’est vrai de Christophe Bouchet à Tours, d’Olivier Carré à Orléans ou de Pascal Blanc à Bourges. Ces maires « macron-compatibles » pourraient hésiter avant de monter dans la galère LREM si celle ci subissait une avarie sévère aux européennes. C’est pourquoi à Tours, Orléans ou Bourges on préfère aujourd’hui passer l’hiver sans prendre de risque.
La révision constitutionnelle, si elle était adoptée, pourrait également jouer un rôle : en réduisant de 30% le nombre de députés, nombre de parlementaires, en particulier LREM au faible ancrage local- vont se retrouver sans poste. Ce qui pourrait alors, dans certains cas, les pousser à participer aux combats municipaux.
Un paysage politique qui évoluera peu
La mairie de Chartres.
Si la candidature de certains maires sortants ne fait aucun doute, l’identité de leurs opposants est encore incertaine, tant le paysage politique notamment à gauche est éclaté. C’est pourquoi l’heure est aujourd’hui au lancement de « plateformes citoyennes » (très à la mode), à la « démocratie participative » avec l’air connu : « d’abord le programme, ensuite les candidats ». Pour ce qui concerne le paysage politique, si l’on excepte la confirmation ou non de l’implantation d’En Marche, les évolutions devraient être mineures. A l’exception de quelques cités de banlieue, de Blois (Marc Gricourt, PS) et de Vierzon (Nicolas Sansu, PCF), la gauche ne détient aucune grande ville régionale et a peu de chance d’en conquérir. Il en va de même de la France Insoumise, de EELV ou du Rassemblement National qui pèse traditionnellement peu aux municipales et qui a même parfois du mal à constituer des listes complètes dans les grandes villes. Le répit avant l’assaut est donc mis à profit pour le jeu des alliances car pas de conquête de pouvoir sans listes d’union. De nombreux candidats « indépendants » qui se déclarent aujourd’hui et qui vont se multiplier dans les prochains mois ont d’abord vocation à marquer leur territoire et à montrer leurs muscles pour mieux se faire désirer avant des ralliements inévitables.
Revue de détail dans les territoires
Chartres
Jean-Pierre Gorges
Jean-Pierre Gorges a déjà annoncé sa candidature pour un 4ème mandat. Mais sous quelle étiquette -il n’appartient plus à LR- avec quels soutiens et accessoirement avec quel programme ? Autant de questions en suspens, tout comme l’attitude de LREM. Guillaume Kasabrian, député En Marche avait manifesté son souhait de travailler avec Jean-Pierre Gorges ce qui laisse ce dernier dubitatif : « la seule possibilité pour En Marche, expliquait-il à l’Écho Républicain, c’est d’utiliser la méthode du coucou : cet oiseau qui ne peut pas construire son nid et met son œuf dans celui des autres, en espérant que son petit y sera nourri et que quand il sera plus fort, il pourra pousser les autres hors du nid ». LREM tend d’autant plus la main que le mouvement macroniste est peu implanté dans la ville. Jean-Pierre Gorges, affirme qu’il n’a « besoin de personne » même si les ponts ne sont pas totalement coupés. A défaut d’union LREM pourrait partir avec une liste composée avec le Modem, des écologistes en rupture de ban, et d’anciens socialistes. C’est pourquoi le comité LREM de Chartres a ouvert une plateforme participative en ligne (« Demain Chartres ! ») pour : « faire émerger les idées et élaborer d’un projet pour la ville ».
La France Insoumise pourrait être représenté par Denis Barbe, ancien du PCF et tête de liste Front de gauche en 2014. Mais il sera difficile de renouveler le score de Jean-Luc Mélenchon à la présidentielle (3.500 voix et 19 % des suffrages). L’autre gauche est à la recherche d’une liste d’union entre le PS, EELV et peut-être avec le « mouvement alternatif citoyen Cactus » qui édite un journal en ligne (www.cactus.press) fidèle « aux valeurs fondamentales humanistes, solidaires, démocratiques et écologiques » et dont l’objectif est de mette fin à « 19 ans de règne personnel de Jean-Pierre Gorges ». Le maire de Chartres qui vient de s’illustrer au plan national en révélant qu’il a refusé l’implantation d’une entreprise de logistique avec à la clé 2 000 emplois.
Dreux
Gérard Hamel
Maire depuis 1995 et président de l’agglomération depuis 2002, Gérard Hamel (LR) rempilera-t-il en 2020 à 75 ans ? Peu probable même s’il n’a pas encore fait d’annonce à ce sujet.
Personne à droite, de peur de se « griller », ne s’est donc porté candidat à la succession. Dans cette ville seule LREM bouge avec un collectif qui prépare un projet via une plateforme participative ( www.demaindreux.fr.) lancée par Maxime David, coordinateur régional Centre-Val de Loire de La République en Marche.
Châteauroux
Gil Averous
Gil Averous maire LR et président de l’agglo sera candidat à un second mandat. Annoncé un temps comme « Macron compatible » il a depuis pris ses distances. Ce « Sarko boy », qui s’était aussi rapproché de Christian Estrosi et de son mouvement « la France audacieuse » avant de s‘en éloigner a opéré un virage stratégique vers Laurent Wauquiez qui l’a nommé président de son « comité des maires ». Une manière peut être d’empêcher l’émergence d’une liste de droite dure face à Gil Averous, homosexuel affirmé et partisan de la PMA.
Il aura en face de lui Arnaud Clément, ancien de l’UMP, de Debout la France et désormais délégué départemental d’Agir (« droite constructive »). Il pourrait donc revendiquer le soutien LREM mais qui a des velléités partir au combat sous sa propre bannière brandie par Antoine Bonneville, par ailleurs président de la Chambre régionale de commerce (et candidat en 2014 sur la liste d’Arnaud Clément). De son coté le PS a lancé un « cahier à idées » que peuvent remplir les Castelroussins avec l’ambition de constituer une liste d’union (à l’exception de LREM). Le PS devra cependant faire oublier le triste épisode de 2014 quand son candidat s’était uni au second tour avec deux divers droite dont l’un anti-mariage gay et partisan de la Manif pour tous…
Issoudun
André Laignel
Maire aux 7 mandats (élu depuis 1977 !!) toujours réélu avec des scores de maréchal, cacique du PS, par ailleurs secrétaire de l’AMF, l’Association des Maires de France André Laignel repartira-il au combat à 78 ans en 2020 ? Il ne s’est pas encore exprimé sur cette candidature improbable mais ses opposants commencent à fourbir leurs armes. C’est notamment le cas avec “ Issoudun 2020 ” mené par Régis Bonnin (élu d’opposition au conseil municipal) et Sandrine Metz, (tête de liste de l’opposition de droite en 2014). L’association se déclare « sans couleur politique » tout en étant clairement installée à droite. Le principal enjeu sera donc la succession probable d’André Laignel, et le maintien où non d’Issoudun dans le giron socialiste.
Bourges
Pascal Blanc
Pascal Blanc maire UDI de Bourges devrait repartir à la bataille, logiquement avec le soutien de LREM mais pas sous cette bannière. Il a en effet pris quelque distance avec En Marche pour s’affirmer au centre et en faveur d’une union des radicaux de droite et de gauche. “Le “macronisme expliquait-il dans une tribune, pour peu que cela existe, n’est pas le centrisme. Le soutien ne peut signifier abdication, ni absorption.” Il pourrait se heurter à droite à son premier adjoint Philippe Mercier (Libres !, le mouvement de Valérie Pécresse) et/ou à Philippe Mousny (LR) son ancien directeur de campagne.
A gauche certains rêvent d’une liste d’union, improbable, entre l’ancien député socialiste Yann Galut mais désormais sans étiquette et Irène Félix, indéboulonnable candidate socialiste. Sans oublier le PCF encore existant localement car Bourges a longtemps été une cité communiste.
Blois
Marc Gricourt a déclaré son intention de se représenter en 2020. Mais sera-ce sous le drapeau socialiste et avec Christophe Degruelle à l’agglomération ? Point sûr… Le PS local a subi plusieurs crises et notamment les défections de quelques cadres partis chez Benoit Hamon, notamment celle du maire-adjoint à l’éducation Benjamin Vétélé. La position de LREM reste en pointillé avec l’arrivée d’Ismérie Giron, 35 ans, nouvelle référente départementale de LREM. Mais sans attache locale elle ne devrait pas conduire une liste.
À droite (L.R.) comme souvent c’est simple : plusieurs candidats non déclarés ou quasiment, des ambitions à futurs couteaux tirés : qui du communicant Malik Benakcha, de la nouvelle déléguée blésoise Angelina Fiévet, de l’UDI “républicain-compatible” Anis Sabris Lebaron pour porter les couleurs de la droite face à Gricourt ? Le premier promet une campagne “de terrain” (mais qui le connaît ?). La seconde attend une présence du délégué départemental Guillaume Peltier, vice-président de LR auprès de Laurent Wauquiez, plus préoccupé par la Sologne, l’Assemblée nationale et les matinales radios, que par Blois pour l’instant. Le troisième fera ce que Maurice Leroy lui dira de faire.
Mais que serait Blois et le Loir-et-Cher sans Jacqueline ? (Gourault). La “faiseuse de roi” c’est elle, certains ont payé fort cher pour le savoir… La droite des Républicains est prévenu : MoDem et LREM compteront dans le paysage, et même si Ismérie Giron (référente départementale LREM) clame à qui veut l’entendre que “l’investiture sera donnée par les instances nationales de LREM”, le candidat chouchou de Jacqueline Gourault, c’est Panchout (Étienne), kiné de son état, “mister nobody” encore aujourd’hui sur le marché du samedi matin place Louis XII, mais qui pourrait bien être imposé par la ministre de la Vohésion des territoires qui “murmure à l’oreille des chevaux”, de Bordère en Béarn jusqu’à Paris, en passant par le Loir-et-Cher.
Romorantin
Jeanny Lorgeoux
Maire depuis 1985, ancien député et sénateur socialiste, 70 ans en 2020 Jeanny Lorgeoux, un ancien éléphant socialiste, sera de nouveau candidat face à Louis de Redon du MoDem, qui n’a perdu “que” de 300 voix en 2014… Les deux pourraient revendiquer le soutien d’En Marche (Jeanny Lorgeoux a quitté le PS et s’est présenté aux sénatoriales avec le soutien LREM), ce qui semble peu probable. Dans cette ville de gauche la réponse pourrait venir du socialiste Didier Guénin qui est aussi le 1er adjoint de Jeanny Lorgeoux, Si M. Lorgeoux n’était pas étiqueté République En Marche alors un ticket Lorgeoux-Guenin pourrait être constitué avec le soutien du PS.
Tours
Christophe Bouchet
A Tours sans surprise Christophe Bouchet sera candidat avec une liste dans la continuité de l’équipe actuelle composée d’élus LR, de droite et du centre. Quid alors de LREM qui semblait disposée à discuter avec Christophe Bouchet voire même à lui accorder son imprimatur ? Mais pour nombre d’élus tourangeaux de droite ce serait alors un casus belli et la porte ouverte à des listes dissidentes. Deux anciens adjoints de l’ancien maire Serge Babary ont d’ailleurs déjà annoncé leur intention d’en découdre : Xavier Dateu, ancien adjoint au sport et candidat malheureux au poste de maire lors de la démission de Serge Babary et Françoise Amiot, ancienne adjointe aux finances. Celle-ci vient de lancer « Tours Avenir », association avec une « une vision apolitique, partisane et républicaine”. Dans le sillage de Jean Germain, feu le maire socialiste de Tours, le PS engagera le combat avec des ambitions intactes. Plusieurs candidats sont sur les rangs, le plus probable étant une liste conduite par Jean-Patrick Gilles, ancien député et adjoint de Jean Germain.
Orléans
Olivier Carré. @ M-L Bonneau
La situation est encore plus incertaine qu’à Tours. Le sortant Olivier Carré sera naturellement présent mais avec quelle étiquette et quelle liste ?
Ancien député LR, parti qu’il a quitté, on le dit « Macron compatible » (il faisait partie il y a quelques mois avec le maire de Tours des quelques maires de grandes villes invités à la table de Macron). Mais partira-t-il avec LREM (certains élus de son équipe sont déjà affichées LREM comme Béatrice Ondulami ou Nathalie Kerrien) ? Mais quid alors des autres barons de la droite locale qui veillent sur le patrimoine électoral de la droite comme le lait sur le feu et qui affûtent leurs couteaux à l’image du LR Olivier Geffroy, devenu président départemental, ou de Serge Grouard, L’ancien maire désormais délivré de toute activité songe à un retour qu’il croit espéré par la droite et par la population. Mais son image de perdant (démissionnaire de son poste de maire en 2015 puis battu aux législatives) serait elle un bon atout ? Olivier Carré devra donc réaliser un exercice périlleux et un grand écart : constituer une union sacrée du centre à la droite sans pour autant passer sous les fourches caudines de la droite dure. Dans toutes les hypothèses « LREM sera partie prenante des municipales » avec ou sans Olivier Carré. Tout comme Richard Ramos, député Modem, qui rappelle chaque jour son intention de s’impliquer dans la bataille municipale
Tahar Ben Chaabane
Face à cette incertitude les appétits s’aiguisent. Ceux de Tahar Ben Chaabane. Cet ancien conseiller municipal de Serge Grouard et candidat malheureux aux municipales 2014, (3,23% des voix) est aujourd’hui le seul candidat déclaré. Il a même lancé sa campagne sous le slogan “Ensemble, nous allons réveiller Orléans”. A gauche le paysage est chaotique : le PS est dévasté et sans figure charismatique, le PCF a disparu des radars et la France Insoumise pèse peu. La relève pourrait venir de Jean-Philippe Grand, conseiller régional EELV qui voudrait rassembler toute la gauche, jusqu’à La France Insoumise et même des « associations citoyennes ». Il faudra compter aussi avec l’ancien socialiste Philippe Rabier qui anime le collectif citoyen CiTLab, thin tank et boite à idées avant l’élaboration probable d’un programme local.
Montargis
Franck Supplisson, vice président de l’agglo.
Après la démission du maire Jean-Pierre Door pour cause de cumul des mandats on annonçait une guerre picrocholine à droite entre Benoit Digeon, le nouveau maire et Franck Supplisson, son premier adjoint, président de l’agglomération et homme fort de LR et de la droite. Ils viennent en fait de signer un pacte de non-agression en constituant un ticket pour 2020 qui dupliquera la situation actuelle : Digeon à la mairie, Supplisson à la communauté d’agglomération. La situation est plus fragile hors de la droite. LREM souhaite constituer une liste d’union, mais non étiquetée En marche, allant de la droite modérée au centre-gauche et peut être avec l’association « les Citoyens du Montargois ». A gauche le paysage est aussi éclaté : dans cette ancienne ville communiste : le PCF sera naturellement présent avec Bruno Nottin, mais ira-t-il avec les frères très ennemis de la France Insoumise ? De même, que fera le PS qui a quasiment disparu depuis que leure leader local Christophe Belabbès a déserté pour rejoindre Benoit Hamon chez Génération.s. Dans tous les cas une division de la gauche devrait assurer au ticket LR une confortable réélection.
J.-J.T.