« Pharmapapers » : la députée Stéphanie Rist (Loiret) championne des liens avec les labos pharmaceutiques

Alors qu’est examiné depuis le 22 octobre dernier à l’Assemblée nationale le « PLFSS », projet de loi de financement de la sécurité sociale, Bastamag ! s’est penché sur les nombreux liens qui existent entre les députés-médecins et les lobbys des laboratoires pharmaceutiques. Deux députés du Loiret, membres de la commission des affaires sociales, sont au palmarès de ceux qui ont le plus de liens avec les labos : Stéphanie Rist (rhumatologue), et Jean-Pierre Door (cardiologue, vice-pdt de la commission).

Même si ça n’est pas à proprement parler une nouveauté, le site Internet Bastamag s’est penché sur les liens entre les lobbys des laboratoires pharmaceutiques et les députés-médecins, lesquels représentent 3,4 % des parlementaires à l’Assemblée nationale soit 25 députés. Ils sont entrés en force à la commission des affaires sociales : le rapporteur du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) est neurologue (Olivier Véran, LREM) ; deux des quatre vice-présidents sont respectivement cardiologues (Jean-Pierre Door, député L.R du Loiret) et psychiatre : Martine Wonner, LREM). Deux secrétaires sont également professionnels de santé : Julien Borowczyk (LREM) et Cyrille Isaac-Sibille (MoDem). Au total, 19 % des membres de cette commission ont ou ont eu un pied dans le domaine médical.

Des députés à la fois médecins, journalistes, rapporteurs, formateurs…

Ils examinent actuellement ce PLFSS, et les amendements pleuvent « comme les feuilles mortes en automne » le décrit l’enquête de Bastamag : 1.500 ont été déposés dans le cadre de l’examen en première lecture à l’Assemblée nationale, débuté le 22 octobre dernier. « Ces amendements sont parfois de simples copier-coller de propositions envoyées par les lobbys de l’industrie pharmaceutique, les syndicats de médecins ou les fédérations d’employeurs du secteur. ‘Il y a eu beaucoup d’amendements exactement similaires, par paquets de dix ou quinze. Les députés reproduisent ce que la Fehap (Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne) ou la FHF (Fédération hospitalière de France) leur envoient. Parfois ils n’ont même pas pris la peine d’enlever la mention de la Fédération !’, s’étonne Olivier Véran, député LREM, neurologue hospitalier et rapporteur général du texte » précise encore Bastamag.

Stéphanie Rist.

Les députés médecins sont très convoités par les lobbys, pour lesquels ils représentent une aubaine en matière de « placement de produits ». Et ça ne surprendra personne ou presque, puisque cela avait déjà été révélé lors de la campagne des législatives 2017, mais la championne toute catégorie en matière de « liens » avec les laboratoires pharmaceutiques est la députée de la 1ère circonscription du Loiret Stéphanie Rist, ex rhumatologue du CHR d’Orléans. À l’époque déjà, La Rep avait pointé les sommes perçues « 22.000 € en cinq ans entre 2012 et 2016, provenant des labos pharmaceutiques », des « pratiques légales, courantes, mais qui interpellent » avait noté le quotidien loirétain à l’époque. Un an et demi plus tard, les chiffres se sont drôlement affinés, et Stéphanie Rist, qui indique au téléphone mardi 13 novembre « n’avoir aucun problème avec ça », a noué 309 liens d’intérêts avec les industries pharmaceutiques entre 2012 et 2018, des « avantages » pour un montant total de 40.196 €. Sur ces 309 liens « 48 contrats ont des montants secrets » révèle l’enquête « pharmapapers » de Bastamag.

“Si tous les lobbys avaient la même obligation de transparence, ça serait bien”

« C’est à mettre en rapport avec les médecins rhumatologue en France », démine au téléphone la députée loirétaine par ailleurs professionnelle reconnue et ex cheffe de pôle au CHRO. « C’est une spécialité qui a beaucoup d’innovations. J’étais journaliste et j’allais dans des congrès européens et américains pour rapporter en France les éléments soit sous forme de web conférence, soit sous forme écrite » explique-t-elle droite dans ses bottes. « J’avais ouvert une auto entreprise, et je faisais ensuite des formations. Il n’y avait pas qu’un seul labo concerné, ce qui évite de dire qu’il y avait conflit d’intérêts. Un conflit d’intérêts c’est quand il y n’y a qu’un seul financement qui vient perturber des décisions à prendre. Ça n’est pas le cas ici ». Si elle semble regretter ce système, elle avoue que « c’est fait de la sorte ». De l’argent touché avant d’être députée, mais, promet-elle, « depuis je n’ai plus rien touché, aucune somme d’aucun labo ». On explique mal cependant le passage de 22.000 € jusqu’en 2016 et 40.196 € au comptage suivant fin 2017… « Ça ne me pose pas de problème, ça serait hypocrite de croire qu’on aurait pas de liens avec les lobbys. Ce qui m’intéresse plus, c’est de se poser la question de savoir comment on finance la formation continue en France, et si tous les lobbys en France avaient la même obligation de transparence, ça serait bien… ». Oui en effet, « ça serait bien ».

F.Sabourin

Jean-Pierre Door, lui aussi un fidèle proche des lobbys pharmaceutiques

Le député de la 4e circonscription du Loiret Jean-Pierre Door a récemment participé à la Maison de la Chimie (toute proche de l’Assemblée) à une rencontre sur le cancer pour le compte du laboratoire MSD. Le 9 octobre exactement, soit à peine deux semaines avant le début de l’examen du PLFSS. La semaine prochaine, nous précise-t-il par téléphone, il présidera un colloque sur la réforme du système de santé, avec Olivier Véran, rapporteur général du PLFSS 2019. Craint-il les reproches de liens d’intérêts, voire de conflits d’intérêts, avec les laboratoires pharmaceutiques ? « Ni liens, ni conflits » avance-t-il sans sourciller. « Quand on va à ces colloques, on n’est pas seuls, il y a des membres de l’opposition, de la majorité, il y a aussi des journalistes, des universitaires. Ça fait partie de nos compétences » explique le porte-parole sur les questions de santé du parti L.R. « Je suis intéressé au point de vue pharmaceutique sur ces questions. Il faut savoir que dans les trois dernières années, sur 100 médicaments sortis en Europe seulement 8 étaient français. Et ça m’inquiète qu’on ait autant dégringolé. L’industrie pharmaceutique représente quand même 100.000 emplois en France ». Mais pourquoi cette dégringolade, alors que les laboratoires Servier, Fabre ou Sanofi ne semblent pas vraiment en « crise » ? « L’autorisation temporaire d’utilisation était jusqu’ici de moins de 2 ans, elle passera à moins de six mois, s’ils ont un intérêt thérapeutique. Sinon, on se retrouve avec des médicaments qui servent à l’étranger mais pas en France, c’est quand même paradoxal ». Mais le député JP Door, qui salue cette simplification à venir, est plus réservé sur le CEPS (Comité économique des produits de santé), qui fixe le prix des médicaments et les dispositifs de prises en charge par l’assurance maladie. « On pénalise souvent par des contraintes administratives et financières. Notre rôle en tant que parlementaires est de porter la parole, ce n’est pas à titre personnel que je me rends dans ces colloque, on ne peut d’ailleurs pas nous interdire d’y participer » dit-il encore. De là à toucher des indemnités plus ou moins floues… « S’il y a conflit d’intérêts, qu’on me le prouve » conclut-il.

Commentaires

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  1. En quelque sorte, selon ces affairistes, il n’y a pas de quoi en faire une jaunisse ! ou une rougeole mais ça donne la nausée.

  2. S. Rist est une des têtes pensantes de la Santé de cette majorité : cette situation pose problème.
    Et le côté : “ce n’est pas interdit (sous-entendu : par la loi), donc c’est autorisé (sous-entendu : par la morale)” est un peu court.

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