Cela devait arriver ! Depuis le temps qu’on « augmente » la réalité, qu’on rend les objets plus performants grâce aux progrès réunis de l’intelligence humaine et de la technologie, les boîtes à lettres ont pris une âme et, après des décennies, voire des siècles, d’exploitation à se faire bourrer d’enveloppes plus ou moins épaisses ou indigestes, elles se vengent et mordent. Gare à vos mains !
Par Gérard Hocmard
Enfin c’est ce que j’ai cru comprendre ce matin en allant poster des lettres en toute innocence et sans me méfier. J’allais pousser le clapet du bout de mes enveloppes quand mon sang s’est glacé en découvrant cet avertissement en lettres rouges collé sur le rebord de la fente :
“Glissez vos lettres, pas votre main. Risque d’accident”
Le tout accompagné de pictogrammes pour ceux qui ne sauraient pas lire mais auraient quand même des lettres à poster. Bon ! Alors on nous a enjoints de boucler nos ceintures en voiture, on s’est fait rappeler que la vitesse tue et le tabac aussi. Rien que de louable et « jusque là, ça va », comme se répétait au passage devant l’entresol le type qui venait de tomber par la fenêtre du 112e étage.
Puis les injonctions se sont attaquées à la nourriture. « Pour notre bien » (on croit entendre nos grands-mères) il fallait manger moins de ceci et plus de cela (ce qui aurait désespéré la mienne, de grand-mère, qui a un jour répondu au médecin : « mais ça ne peut pas me faire mal, puisque j’aime ça ! »). Il a fallu ensuite bouger, toujours pour notre bien, et voici maintenant qu’on nous avertit que, pas plus que dans les prises électriques ou les trous de son nez, il ne faut pas mettre ses doigts dans une boîte à lettres. Il ne nous prendrait pas pour des neuneus, par hasard, l’État-nounou ?
Ou alors, c’est bien pire et l’apparition de ces étiquettes est peut-être l’indication que la technologie est effectivement bien plus avancée que l’on ne veut bien le dire et qu’en fait on nous cache des choses… Jacques Dutronc nous avait d’ailleurs prévenus : « On nous cache tout, on nous dit rien ! ». Les journalistes d’investigation feraient peut-être bien de s’emparer du problème et d’aller flairer du côté des services d’urgence ou décompter les manchots dans les transports publics ou aux guichets de La Poste. On est peut-être à deux doigts d’un vrai scandale d’État.