Maurice Genevoix, bientôt au Panthéon, mais longtemps “mal aimé” à Orléans

La famille de Charles Péguy, autre héros écrivain orléanais de la Grande guerre, tombé au combat en 1914, a toujours refusé la panthéonisation. Tout le contraire des proches et descendants de Maurice Genevoix qui ont longtemps estimé l’écrivain solognot “maltraité”, au plan national comme à Orléans, dont Emmanuel Macron vient d’annoncer l’entrée au Panthéon.

C’est en effet seulement en 2009 qu’une médiathèque, celle d’Orléans la Source, a été baptisée  Maurice Genevoix. Dans les années 80, sa veuve, Suzanne Genevoix, pestait contre les maires d’Orléans qui, selon elle, n’avaient pas réservé la place qu’il méritait au grand écrivain de la Sologne et du Val de Loire et au blessé de la guerre de 14-18. Pas une grande avenue, pas un lycée (contrairement à Jean Zay), pas un bâtiment public baptisé du nom de Genevoix à l’époque.

Pas de station de tramway

La statue de Maurice Genevoix aux Eparges.

La veuve de l’auteur de Raboliot (qui passa sa jeunesse à Châteauneuf-sur-Loire dans le Loiret puis écrivit la plupart de ses ouvrages à Saint-Denis-de-l’Hôtel aux Vernelles), aurait souhaité qu’une des stations du tram voulu par Jean-Pierre Sueur, portât le nom de son mari. Elle s’en plaignait au maire d’Orléans, estimant “en off”, qu’on en faisait beaucoup plus pour le mémoire de Charles Péguy et pour celle de Jean Zay. Aujourd’hui un lycée de la Métropole d’Orléans, celui d’Ingré (comme à Romorantin) porte le nom de Maurice Genevoix ainsi qu’une rue dans le quartier de la Bolière.

Le “match” Jean Zay-Maurice Genevoix

S’il fallait caricaturer, Jean Zay, le ministre du Front populaire assassiné par la milice, faisait figure de grand homme de gauche, alors que Maurice Genevoix, secrétaire perpétuel de l’Académie française, prix Goncourt 1925 avec Raboliot, qui lui permit de s’offrir la magnifique maison ligérienne des Vernelles, aurait défendu des valeurs traditionnelles de droite.

Lorsqu’un projet de pont pointa son nez sur la Loire à quelques centaines de mètres des Vernelles, et qui menaçait de gâcher la vue depuis le bureau historique de l’écrivain, Suzanne Genevoix intervint vigoureusement auprès de Jacques Chirac, la veuve de l’écrivain avait ses entrées à l’Élysée et eut gain de cause. Elle fit ainsi du lobbying auprès du Conseil général pour que le centre culturel de Butare, à l’époque jumelé avec le Loiret, porte le nom de Maurice Genevoix.

Le dossier de la panthéonisation de Maurice Genevoix dont la maison ne se visitait que sur rendez-vous et dont a mémoire ne bénéficie que d’une salle au centre culturel de Saint-Denis-de-l’Hôtel, fut ensuite repris par Sylvie Genevoix, la fille de l’écrivain, journaliste puis membre du CSA, et son époux Bernard Maris, chroniqueur à France Inter et  à Charlie Hebdo, qui fut assassiné avec ses amis dans le carnage du 7 janvier 2015.

En 2011, un rapport remis à Nicolas Sarkozy préconisait cette entrée au Panthéon prévue pour le 11 novembre 2014. En mai 2013, Bernard Belaval, le président de Monum (Centre des Monuments Nationaux) au ministère de la culture, lança une consultation en ligne durant vingt jours afin que les Français proposent des noms de grands hommes (ou femmes) méritant d’entrer au Panthéon. Des féministes manifestèrent en faveur de Simone de Beauvoir, George Sand, la dame de Nohant-Vic (Indre) et d’Olympe de Gouges. Et au final, François Hollande préféra faire entrer au Panthéon les cendres de Jean Zay, et de trois résistants, Pierre Brossolette, Geneviève de Gaulle-Anthonioz et Germaine Tillion.

La famille épinglée par la Cours des Comptes

Maurice Genevoix. @Académie française.

Un grand homme oublié et mal aimé ? Pour des raisons bien différentes, la famille de Jean Zay, déplora aussi l’oubli dans lequel l’ancien ministre du Front populaire avait été longtemps plongé, en particulier à Orléans.

En mai 2015, la Cour des comptes épingla les gabegies de l’Académie française, entre autres, et aligna en particulier Maurice Genevoix, secrétaire perpétuel qui avait démissionné en 1974 mais continua de bénéficier d’un appartement de fonction à Paris, jusqu’à sa mort puis sa veuve jusqu’à sa disparition en 2012.

Emmanuel Macron l’a dit à Épanges, à travers les cendres de Maurice Genevoix,  ce sont “les simples soldats, officiers, engagés, appelés, militaires de carrière…tout un peuple”, qui seront honorés au Panthéon et Maurice Genevoix sera simplement “le porte-étendard” de “Ceux de 14”.

Ch.B

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Jean-Pierre Sueur: “Je salue l’entrée de Maurice Genevoix au Panthéon”, mais Charles Péguy l’aurait mérité aussi…

“Dans un communiqué, l’ancien maire d’Orléans et sénateur du Loiret, salue la décision du Président de rendre hommage à ceux de 14-18.

“Je salue la décision du président de la République de faire entrer Maurice Genevoix au Panthéon.

Nul mieux que lui n’a décrit les immenses épreuves qu’ont connu les soldats de la Grande Guerre, leurs souffrances, leurs douleurs. Il l’a fait avec un total réalisme auquel il n’a jamais dérogé, sous aucun prétexte. Ce réalisme, il le voulait en totale et pure fidélité à ses camarades.

Je salue la décision de rendre conjointement hommage à tous les combattants de 14-18 et à toutes celles et tous ceux, militaires et civils – à toutes les femmes – qui ont beaucoup donné, et ont souvent donné leur vie, pour la France.

On me permettra d’avoir une pensée pour notre compatriote d’Orléans, Charles Péguy, qui est tombé au combat, sur le front de la bataille de la Marne, à la tête de sa section, le 5 septembre 1914.

La question de sa « panthéonisation », qui eût été, elle aussi, légitime, a été souvent posée. Mais je sais que sa famille a toujours tenu, à juste titre, à ce que sa dépouille restât avec celles de tous les camarades de sa section qui sont tombés en même temps que lui dans la « Grand’Tombe » où ils reposent ensemble – comme ils ont combattu ensemble – à Villeroy.”

 

Commentaires

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  1. Pour mémoire, les Éclaireurs et Éclaireuses de France ( mouvement du scoutisme laïque ) comptaient plusieurs groupes à Orléans, dans les années 60 , dont l’un portait le nom de Maurice-Genevoix. Il comptait en son sein une troupe de louveteaux : les Côteaux Bleus , une troupe de filles : les Grèves Dorées et une troupe de garçons : l’Aubépine .

  2. J’étais opposé à ce que l’on donnât le nom de Genevoix à la médiathèque de la Source que les élus, sans concertation aucune avec moi, ont choisi. Je n’ai rien contre cet écrivain qui restera dans le panthéon des écrivains français et n’ai rien contre son entrée au Panthéon. Mais j’estime qu’un autre nom aurait été plus approprié, tel celui de Louise Weiss, féministe, européiste, défenderesse des droits de l’homme. Seulement peut-on exiger d’élus de penser autrement que dans la facilité ?…

  3. Sauf erreur pendant longtemps il n’y eut que le collège J Zay réservé aux enfants du peuple- on n’y enseignait pas le latin ni l’allemand- pour évoquer le grand ministre de l’éducation nationale . ( l’établissement ne devint lycée que dans les années 1960). Et la Rep’ de R Secrétain fut tout aussi discrète . J Zay mérite parfaitement sa place au Panthéon .
    Quant à Genevoix on peut considérer qu’il symbolise tous ces malheureux sacrifiés stupidement .
    Quant à Péguy , compte- tenu de ce qu’il souhaita à Jaurès qui luttait contre le massacre qui s’annonçait , qu’il reste en paix là où il se trouve.

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