À l’heure où les températures automnales, les dramatiques intempéries dans l’Aude et la transition entre deux gouvernements battent des records, le remaniement annoncé ne pouvait déboucher que sur une attente déçue sur l’air de « tout cela pour ça ».
Par Pierre Allorant
Jean-Michel Blanquer au Rendez-vous de l’Histoire à Blois.
Pour le dire autrement, s’il se résume à remplacer le ministre de l’Intérieur démissionnaire, à exfiltrer les ministres les plus usés par un an d’exercice gouvernemental et à récompenser deux bons élèves, Schiappa et Blanquer, ce réaménagement technique ne pouvait-il se faire il y a quinze jours, voire même au cœur de l’été, dès la révélation des affaires Benalla et Actes sud ?
La marque Macron et la trace Philippe
Au-delà des changements de personnes, du jeu des entrées et des sorties ou des promotions individuelles, ce remaniement a-t-il une signification politique claire ? Qui des deux têtes de l’exécutif en sort renforcé ?
Le poste clé de la place Beauvau échoit à un très fidèle du président de la République, et non à un ancien sarkozyste ou à un nouveau rallié de droite, comme le bruit en circulait. C’est l’usage de la Cinquième République, d’autant qu’une nouvelle carte électorale est à dessiner, en conséquence de la réduction du nombre de parlementaires. Confier les ciseaux du redécoupage au chef de file du parti majoritaire s’inscrit pleinement dans la logique institutionnelle.
Quant à Edouard Philippe, il trouvera une maigre consolation dans l’arrivée à la Culture de Franck Riester – qui pourra enfin…Agir – voire dans la promotion de Sébastien Lecornu.
Une équipe de centre-droit cohérente
Jaqueline Gourault et marc Fesneau, alors dirigeants du MoDem régional.
Au total, la nouvelle équipe apparaît plus cohérente, lestée de ses maillons faibles, avec une assise confortée par une présence plus visible du Modem, ce parti ancré dans le territoire et représenté par deux ministres loiretchériens, deux fidèles de François Bayrou : l’électorat macroniste du premier tour s’y retrouvera davantage, comme en un retour à l’esprit du premier gouvernement Philippe, l’éphémère escouade où émergeaient les personnalités de François Bayrou, Marielle de Sarnez et Sylvie Goulard.
L’arrivée au portefeuille de l’agriculture de l’ancien président du groupe socialiste au Sénat, le très macroniste Didier Guillaume, ne modifie guère l’impression générale de mise en ordre de bataille d’un gouvernement piloté par l’Elysée.
La perspective des Européennes et l’ombre des municipales
L’Europe place du Martroi en ce 9 mai.
Partant de là, plusieurs interrogations demeurent pendantes. En premier lieu, celle de la conduite de la bataille des élections européennes et de la composition de la ou des listes se réclamant de la majorité. Si un ou plusieurs ministres donnent priorité à ce combat, l’équipe gouvernementale en sera-t-elle à nouveau déstabilisée ? Plus menaçante encore, l’approche des municipales puis des régionales de 2020 soulignera à nouveau la faiblesse du vivier et la fragilité de l’ancrage local du macronisme. Or les ambitions sont connues, singulièrement dans la capitale où pas moins de quatre membres du gouvernement envisagent de briguer le fauteuil d’Anne Hidalgo.
Quel plan quinquennal ?
Enfin, après ce remaniement réduit aux acquêts, la question de l’avenir du Premier ministre est posée, non pas à court terme, mais à mi-mandat, avant ou après les « mid-term » que constituera la séquence européennes-municipales. Retour à quai au Havre, débarquement sur les quais de la Garonne ou en amont de la Seine près des voies sur berge, la question du socle de rebond d’Edouard Philippe après Matignon sera liée à la décision du président de la République de changer ou non de Premier ministre en cours de mandat, afin d’éviter l’usure qu’ont éprouvé Raymond Barre, Lionel Jospin et François Fillon en 1981, 2002 et 2012, avec au bout du chemin, la défaite et l’alternance.
Bref, quand un remaniement s’impose dès l’année qui suit l’élection et qu’il débouche sur un réaménagement limité, le second souffle ne peut être donné que par un tournant politique et de fond plus marqué, ou par un acte institutionnel fort : référendum, dissolution ou changement de Premier ministre. Au risque de tout perdre quand le temps de l’impopularité menace de tout transformer en sanction plébiscitaire porteuse pour le « cartel des non ».
P.A