I Feel good : Jean Dujardin, frère Jacques en abbé Pierre

Benoît Delépine et Gustave Kervern sortent depuis le 26 septembre I Feel good, avec Jean Dujardin et Yolande Moreau. L’histoire d’un crétin loser qui souhaite devenir immensément riche en développant une idée géniale que son cerveau ne pondra jamais. Satire grinçante, poétique et tendre pour ce film tourné dans le plus grand Emmaüs de France. Et ça marche…

“Si t’as pas un peignoir et des mules à 50 ans, t’as raté ta vie”.

Jacques marche en peignoir, chaussé de mules, le long de l’autoroute A64 près de Pau. Déterminé, il va vers le village Emmaüs de Lescar, aux pieds des Pyrénées. Là, il est accueilli par sa sœur Monique, la gérante de la communauté, qu’il n’a pas vue depuis un moment et qui l’accueille sans trop lui poser de questions. Éternel loser, crétin fini, Jacques a un grand projet pour devenir immensément riche : il veut rendre les petites gens beaux. Et sans trop se fatiguer, si possible.

Prix du public au Festival du film francophone d’Angoulême, où il a rempli les 11 salles du complexe cinéma CGR le soir de son avant-première le 26 août avec 2.400 spectateurs, I Feel good de Benoît Delépine et Gustave Kervern est dans la veine des huit longs-métrages précédents, Mammuth en 2010, Louise-Michel en 2008, Le Grand soir (2011) ou Saint Amour (2016). Satirique, poétique et tendre, le duo Delépine-Kervern font entrer dans leur univers une galerie de portrait savoureuse, au premier rang de laquelle l’inattendu couple Jean Dujardin-Yolande Moreau. En dénonçant le mythe de la réussite individuelle absolue et mettant en valeur la beauté intérieure, Dujardin/Jacques Moreau/Monique touchent la corde sensible et réussissent à entrainer le spectateur au cœur de ce village Emmaüs, le plus grand de France, à Lescar-Pau.

Dujardin : l’idiot magnifique

(c) Ad Vitam.

Aux antipodes l’un de l’autre – Monique a gardé la foi communiste de ses parents, dont elle conserve les cendres dans la boîte à gants de sa vieille Simca 1100 ; Jacques ne songe qu’à devenir très riche mais ressemble à un vendeur de presse-purée traversé par le doute – ils font basculer le film dans l’absurde où plus rien ne compte vraiment, que des pauvres aillent se faire lifter dans une clinique de chirurgie esthétique low cost en Bulgarie n’a plus vraiment d’importance, l’essentiel est que Jacques fasse apparaître l’invisible (comme ce téléphone imaginaire à l’oreille). Ou des petites perles de dialogues comme ce : « Tu sais que tu as un gros potentiel de séduction toi ? Ça te dirait de sortir de ta chrysalide ? » lancé à un compagnon d’Emmaüs éberlué.

(c) Ad Vitam.

Le bric-à-brac foutraque du lieu a aussi inspiré B. Delépine et « Gus » Kervern : ils rendent attachants et beaux des hangars remplis de machines à laver ou des étagères pleines de matériel mis au rebus par une société de consommation qu’ils dénoncent à longueur de films. Tout cela grâce à une mise en scène et une photo valorisant ce qui ne semble ne plus servir à rien, ce qui est usé, ce qui se recycle. Mais il y a mieux : en faisant jouer des vrais compagnons d’Emmaüs aux gueules de cinéma plus vraies que nature, Delépine et Kervern donnent à ce I Feel good tout son sens, qui n’aurait pu être que pathétique s’ils n’avaient pas traité tout ce petit monde de cabossés, comme disait l’abbé Pierre, avec un infini respect et affection. Et grâce à cela, on peut dire aussi, en sortant de la salle : I Feel good.

F.Sabourin

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