Par Gérard Hocmard.
Le Président… chacun avait accueilli son élection avec sa sensibilité propre. Il y avait les ravis de la crèche, en marche vers des lendemains qui ne pouvaient pas manquer de chanter, les sceptiques grognons de l’invalidation morale de leur candidat à la suite de révélations venues d’on ne sait où et distillées au moment opportun, les démagogues, tant de droite que de gauche, chagrins de leur déroute. Mais enfin nous avions quelqu’un qui faisait président, digne dans ses attitudes, sans tics ni sourires niais, propre sur lui et qui parlait bien. Comme en plus il avait l’air d’avoir des idées et de vouloir faire des choses, il avait bénéficié d’emblée d’un préjugé favorable. On avait attendu de voir.
Villiers: un petit air d’abus d’autorité
On avait assez vite noté les ennuis judiciaires de Richard Ferrand, son directeur de campagne, dorénavant exonéré de tout soupçon par la justice, les augmentations d’impôts spéciales retraités et un limogeage du général de Villiers qui avait un petit air d’abus d’autorité. Ça schiappait comme cela avait jadis moranisé, ça castanérisait comme cela avait naguère cahuzé, mais vaille que vaille l’illusion demeurait, entretenue par de beaux discours – l’hommage au colonel Beltrame ou à Simone Veil – la peau remise sur la bouille avec les militaires et les catholiques (avec papouille au pape pendant qu’était accéléré l’examen du projet de PMA pour tous), l’espoir d’une relance de l’Europe, l’ouverture de dialogues (de sourds ?) avec Trump et Poutine.
Le verni avait quand même quelque peu craqué lors de la finale de la coupe du monde de football avec les gesticulations d’un président hystérique sous le regard amusé d’un Poutine qui n’en pensait visiblement pas moins. L’affaire Benalla vient tout remettre en perspective. Les sujets de polémique qu’ont pu être la vaisselle de Sèvres commandée par l’Élysée, la construction de la piscine de Brégançon, voire la limitation à 80 km/h de la vitesse sur les routes qui ne sont secondaires que pour ceux qui ne les empruntent que précédés de motards paraissent des broutilles à côté d’elle.
Un système de copains et de coquins
Emmanuel Macron à Orléans, avec, non pas Benalla, mais avec l’autre garde du corps des services de police celui-là, constamment à ses côtés.
Ce que révèle l’affaire, c’est un mépris des lois, règlements et procédures époustouflant en soi et proprement scandaleux par le mépris qu’elle suppose pour la République et l’État. Quoi ? La sécurité du chef de l’État n’est pas assurée par des forces de police assermentées mais par des nervis ? Ceux-ci bénéficient d’accréditations ordinairement difficiles à obtenir pour des raisons évidentes de sécurité ? ils ont accès à des logements de fonction, par exemple dans cet immeuble du quai Branly où Mitterrand logeait déjà, aux frais du contribuable, son ménage parallèle, quand les policiers doivent se loger au fond des banlieues et que les conditions de logement faites aux gendarmes et CRS sont parfois peu dignes des responsabilités qui leur sont confiées ? On croit rêver en découvrant, au cœur-même du dispositif gouvernemental, un « système de copains et de coquins » au-dessus des lois.
Le Parlement s’est fort heureusement emparé de la question. La révision constitutionnelle peut attendre. Mais on est saisi de constater les contradictions apparues entre les témoignages de hauts fonctionnaires aguerris déposant sous serment et les déclarations de l’Élysée, avant que les mêmes reviennent le lendemain sur leurs propos de la veille en prétextant avoir mal compris les questions. À qui fera-t-on croire qu’ils n’ont pas pu entre-temps faire l’objet de pressions avec, en jeu, par exemple leur poste ? Même si ce n’est pas le cas et s’ils ont effectivement commis une erreur, le doute subsistera tant que toute la lumière n’aura pas été faite. On peut par ailleurs se poser la question de savoir pourquoi Benalla, apparemment éliminé jadis du circuit à la demande d’Arnaud Montebourg, a bénéficié de protections qui l’ont amené là où il est. Aurait-il éventuellement des moyens de chantage ?
L’amplification des rumeurs
Sur un autre plan, cette affaire place la question des fake news sous un jour différent. Ce n’est pas à Orléans qu’il faudra insister sur les ravages que peuvent causer des rumeurs. Les réseaux sociaux amplifient dorénavant le bouche-à-oreille dans des proportions inouïes. Jouant sur la paranoïa et le complotisme, ces rumeurs sont de remarquables outils de manipulation et l’on comprend qu’il soit nécessaire de tenter d’y faire obstacle dans l’intérêt de la démocratie. Ceci pourrait amener à censurer des vidéos, par exemple de manifestations filmées en cadre étroit pour faire croire à une foule dense, comme certains hommes politiques ont pu en diffuser. Mais s’il n’y avait pas eu de vidéos postées sur les réseaux sociaux par des spectateurs, personne n’aurait entendu parler de l’existence de Benalla (jusqu’à preuve du contraire, rien n’indique qu’il soit seul dans son cas) dans l’entourage du Président.
Le Président a crânement revendiqué devant les parlementaires de la REM toute la responsabilité de l’état de fait. Mais crâner n’est pas expliquer. Il doit maintenant toute la vérité aux Français.
Au fait, c’est quand, les prochaines échéances électorales ?
Gérard Hocmard