La soixantaine en pleine forme, jeunes retraités, Marijke et Alexander ont décidé d’inaugurer leur retraite par un pèlerinage à Saint-Jacques de Compostelle : « C’est pour nous le moment. Nous sommes en pleine forme et nous avons enfin le temps d’accomplir cette longue marche dont nous rêvions depuis des dizaines d’années », dit ce couple de Hollandais.
Sur le dos de chacun un sac sur lequel s’agitent quelques coquilles Saint-Jacques, symbole de leur voyage. Partis du sud de la Hollande, ils ont mis un mois par monts et par vaux, à raison de 28 à 30 km par jour, pour atteindre Issoudun, aux yeux de beaucoup de pèlerins de l’Europe du nord, une étape incontournable.
Un site religieux renommé dès le Moyen-Age
Sur la route de Saint-Jacques, Issoudun possède une réputation bien établie, une réputation qui dépasse largement le Berry, et remonte au Moyen-Age. Depuis des siècles elle s’impose aux pèlerins qui empruntent le chemin de Vezelay ou celui de Tours. Au Moyen-Age Issoudun était une ville profondément religieuse qui comportait une douzaine d’églises et d’abbayes. La plus ancienne était Saint-Paterne, édifice roman du XIIè siècle. En 1840 dans « La Rabouilleuse », Honoré de Balzac exprime ses regrets de la démolition, alors récente, de cette église qu’il qualifie de « charmante ». Mais il demeure l’église Saint-Cyr dont le fondateur serait Charlemagne. Gravement endommagée pendant la guerre de Cent ans elle fut reconstruite en 1456 en style gothique et restaurée dans les années 1860 sous l’impulsion du père Chevalier qui fit bâtir un nouvel édifice Notre Dame du Sacré-Cœur et installa une nouvelle congrégation dans la ville, « La Société des Missionnaires du sacré –Cœur ».
Il faut aussi rattacher aux pèlerins l’Hospice Saint-Roch fondé au XIIe siècle pour héberger les pèlerins et les mendiants. Il occupa cet office jusqu’en 1875. Transformé en musée il présente de nombreux objets en rapport avec le pèlerinage. Le jardin des plantes médicinales a été reconstitué comme au temps où l’on soignait les malades, entre autres les pieds blessés par la route, avec des décoctions et des tisanes préparées à l’officine. Il a également conservé son apothicairerie des XVIe et XVIIe siècles avec son mobilier garni de 379 pots en faïence de Nevers ; L’extension du musée a permis l’installation de collections remarquables qui donnent leur place à tous les continents et à l’art contemporain
Ville frontière très disputée
Avant de repartir les pèlerins n’omettent pas d’accomplir un tour de cette ville aux imposants remparts où la vue porte au loin sur le domaine viticole de l’appellation de Reuilly, sur la Champagne berrichonne, campagne douce, idéale pour les balades à vélo, sillonnée de petits cours d’eau propices à la pêche et au canoë. Située sur la frontière qui séparait les domaines capétiens et Plantagenet, enjeu de luttes incessantes, Issoudun à l’abri de ses remparts eut à souffrir d’innombrables assauts avant d’être rattachée au royaume de France, Mais c’est la Tour Blanche qui parle le mieux de l’histoire régionale et retient l’attention en priorité. La Tour Blanche est le plus ancien monument d’Issoudun.
C’est une tour fortifiée construite entre 1195 et 1202 à la demande de Richard Cœur de Lion à qui appartenait alors Issoudun avant que Philippe Auguste ne la reprenne. Dite en forme de « goutte d’eau », sur une motte médiévale elle domine la ville du haut de ses 27 mètres. Apportée en dot par le mariage de Blanche de Castille, nièce de Richard Cœur de Lion avec Louis VIII elle porte le nom de cette princesse mère de St Louis , nom également du à la couleur de sa pierre un calcaire dur, d’une grande blancheur, extrait du sol même de la ville.
Le bien vivre
Place du marché aux légumes, place du marché à l’Avoine : depuis des temps immémoriaux Issoudun est réputée pour ses marchés où l’on trouve les produits de la vigne, des céréales , du jardinage et de l’élevage des moutons, de tout ce qu’une campagne riche produit. Il fait bon vivre à Issoudun. Cela saute aux yeux du pèlerin ou du touriste. On y trouve un restaurant quatre étoiles « La Cognette », un trois étoiles « Les Trois rois » et d’autres moins luxueux mais tout aussi agréables, pour tous les goûts et où l’on mange bien à des prix raisonnables. On peut y goûter les lentilles vertes du Berry, les pâtés berrichons, les galettes de pommes de terre , le massepain et d’excellents fromages de chèvre. Le tout arrosé avec modération de vins de Reuilly fruités et délicats. Camping, gîtes et une hôtellerie de 250 chambres offrent d’agréables nuitées.
Mais pas question pour nos pèlerins hollandais de s’attarder. Devant eux la route est longue et après une bonne nuit de repos, leurs coquilles Saint-Jacques se balançant au rythme de leurs pas les voilà à nouveau sur le chemin, ce qui n’empêche pas tout un chacun de prolonger son séjour à Issoudun, avec ses 13 000 habitants, une ville qui compte en Berry.
Françoise Cariès