Philippe d’Orléans à qui Combleux doit son port et l’Orléanais son canal

Qui était Philippe d’Orléans, le frère cadet de Louis XIV, de son titre officiel Monsieur, « Son Altesse Royale, très haut et très puissant prince Philippe, fils de France, frère unique du Roi, duc d’Orléans, de Valois, de Chartres et de Nemours » ?

Dans l’Orléanais en particulier on devrait s’intéresser à ce personnage dont, les Français ne savent généralement que son homosexualité et ses mœurs dissolues qui ont fait jaser et largement contribué à entraîner le mépris d’une partie de la Cour. Dans le duché d’Orléans, son apanage dont il tirait une large partie de ses revenus , il administra avec intelligence la forêt d’Orléans et décida la construction d’un grand canal entre la Loire et le Loing pour transporter par flottaison le bois qu’on y coupait. Pour faciliter le commerce entre Orléans et Paris, il allongea le canal jusqu’à la Loire avec un port à Combleux.

Fastueux, tenant dignement son rang, ayant fait construire un somptueux château à Saint-Cloud, il gérait cependant avec intelligence sa fortune. Homme aimable, sachant se comporter en chef de guerre, il est pour Louis XIV un cadet très cher et précieux mais qui ne doit pas lui faire de l’ombre.

Il épouse sur ordre en première noce Henriette-Anne Stuart avec qui il ne s’entend pas, puis en seconde noce, Elisabeth-Charlotte de Bavière, la Palatine, qui a laissé une importante correspondance . Avec elle, il entretient un meilleur modus vivendi ce qui n’empêche pas cette seconde épouse de vitupérer contre lui et ses favoris, tel le chevalier de Lorraine.

Monsieur maltraité par la Cour et les historiens

Saint-Simon et Mme de Lafayette qui ne l’aimaient pas ont brossé des portraits à charge de ce duc d’Orléans. Efféminé, suspect à tort de l’assassinat de sa première épouse, il a été maltraité par des générations d’historiens, quasiment passé à la trappe.

Elisabetta Lurgo a pris la peine d’examiner au plus près et sans parti prix la personnalité de ce prince efféminé, homosexuel assumé et cependant ancêtre de l’actuelle Europe des têtes couronnées. Ce docteur en histoire met en scène toutes les facettes de ce fils de Louis XIII et Anne d’Autriche qui ne fut que le second efficace auprès de l’écrasant Roi-Soleil, son omnipotent frère aîné auquel il fut toujours fidèle. Ainsi, il a activement contribué à bâtir la forteresse de la monarchie absolue du Roi-Soleil. Il était l’éminence grise de l’imposante étiquette de Versailles, véritable rituel domestique organisé autour du roi. Il fut aussi l’instigateur du canal d’Orléans et de la réalisation, en son château de Saint-Cloud, de la galerie d’Apollon célébrant les triomphes de Louis XIV.

Trois siècles après la réhabilitation

Au fil de ses recherches, Elisabetta Lurgo, docteure en histoire, a fait remonter à la surface des jugements plus impartiaux et plus réalistes  comme celui de l’ambassadeur vénitien :  « Monsieur est un prince de beaucoup d’intelligence, d’un rang élevé, d’une exacte ponctualité dans l’étiquette de la cour, affable, civil, disposé à la bienveillance. Il est plein de valeur et, dans toutes les occasions, il en a fourni des preuves…. Aimant néanmoins le Roi avec une véritable tendresse de frère, il n’a jamais donné le moindre ombrage à l’autorité royale ». Madame de Maintenon, l’épouse morganatique de Louis XIV confirme « Le roi aimait Monsieur, il en était aimé. Ils ne s’étaient jamais quittés ». En effet, après la mort de Louis XIII en 1643, Anne d’Autriche et ses fils forment une famille aimante et les liens entre les deux frères ne s’altèreront jamais. Fait rare dans une famille royale.

Les deux garçons sont pourtant bien différents. « la Palatine », seconde épouse de Monsieur s’en étonne d’ailleurs : « Il n’y a jamais eu de frères plus différents que le feu Roi et Monsieur : cependant, ils s’aimaient beaucoup. Le Roi était grand et cendré ou d’un brun clair: il avait l’air mâle et extrêmement bonne mine. Monsieur n’avait pas l’air désagréable mais il était fort petit, il avait les cheveux noirs comme du jais, les sourcils épais et bruns, de grands yeux bruns….. Il avait les manières d’une femme plutôt que d’un homme. Il n’aimait ni les chevaux ni la chasse ». Par contre, il aimait les parures et se déguiser en femme.

Si au XVIIe siècle, pour les gens ordinaires, la sodomie est toujours passible du bûcher, à la cour les « inclinations» de Monsieur sont parfaitement admises. Plusieurs grands seigneurs ne cachent d’ailleurs pas qu’ils sont bisexuels. Et, tant que Philippe accomplit scrupuleusement son devoir conjugal et assure sa descendance tout va bien !

Monsieur s’est également révélé un excellent gestionnaire de ses finances, ce qui est loin d’être l’usage chez les princes et les grands seigneurs à l’époque. Il lèguera à son fils, le futur Régent la plus belle collection d’art de France, des dettes mais « peu de choses comparé aux énormes revenus que ses astucieux investissements allaient assurer à sa descendance directe, la famille d’Orléans.

Philippe d’Orléans, fils de France, meurt quasi subitement à Saint-Cloud le 9 juin 1701. Louis XIV en est très affecté. Trois siècles plus tard, Elisabetta Lurgo lui rend justice avec talent. Un excellent livre pour l’été.

Françoise Cariès

Philippe d’Orléans,

Elisabetta Lurgo, éditions Perrin, 400 pages, 24 euros

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