Les séminaristes de Saint-Aignan n’en croient pas encore leurs yeux : tel un champignon le projet immobilier dit de la Capitainerie situé quai du Fort-Alleaume a poussé en quelques mois fermant définitivement la vue de leur jardin sur la Loire, jardin qui avait la particularité historique d’avoir vu Louis XI y admirer la Loire lorsque, roi de France, il vint pour plusieurs semaines en 1461 résider au Cloitre Saint-Aignan dans “sa bonne ville d’Orléans”. Et tant pis pour l’histoire de ce site classé qui était toujours accessible lors des journées du patrimoine offrant un panorama exceptionnel sur le paysage de Loire.
Car coté quai, l’implantation du bâtiment en cours d’achèvement ne manque pas aussi de choquer le passant attentif qui a vu ainsi disparaitre la vue depuis les quais de l’imposante église Saint Aignan, classée monument historique (qui domine ce promontoire de la moitié de sa taille d’origine après les destructions des guerres de religions) : sa haute silhouette disparait dorénavant derrière ce nouveau bâtiment qui dépasse vaillamment de deux étages la ligne des toits mitoyens.
Un site classé protégé ?
Alors bien sûr on s’interroge sur ce que l’on avait cru être la protection des sites classés, lorsque l’on connait le caractère tatillon de l’Architecte des bâtiments de France dans cette zone protégée du centre-ville d’Orléans, lui qui interdisait par exemple le mobilier urbain des stations du tram rue Jeanne-d’Arc. On s’interroge doublement puisque l’ensemble de ce site du bord de Loire est classé au patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO.
Nous avons donc interrogé ces responsables et leurs réponses sont proprement stupéfiantes. Si l’actuel Architecte des bâtiments de France impute la responsabilité de l’autorisation à son prédécesseur affirmant qu’il n’aurait sans doute pas donné son autorisation à cette construction au vue de sa réalisation (!), Myriam Laidet, responsable de la Mission Loire, regrette, au vue des photos communiquées, cette autorisation pour laquelle elle n’a pas été consultée et invoque le peu de moyens dont elle dispose pour “surveiller” toutes ces “petites” constructions qui modifient le paysage de la Loire pourtant protégé par ce classement.
Sa conclusion est que si ce bâtiment “regrettable” a pu voir le jour c’est de la faute des riverains qui n’usèrent pas de leur droit de recours lors du dépôt du permis de construire…
Qu’on se le dise !
Et la mairie d’Orléans ?
Quant à la mairie d’Orléans, l’adjointe à l’urbanisme, Muriel Cheradame se refuse à commenter les propos de ces deux responsables, se retranchant derrière le permis de construire obtenu dans le respect de la procédure (voir le communiqué ci-dessous). Pourtant la lecture du Plan Local d’Urbanisme ne manque pas elle aussi de poser question quant à l’élasticité de son interprétation: il y est spécifié dans le ZPPAUP (?) qui qualifie cette partie du quai comme la vue plus “qualitative”(p.188), que les bâtiments dans ce secteur ne devront pas dépasser trois étages + combles, la Capitainerie semble pourtant bien en comporter quatre pour les riverains, de même que “l’épannelage”, c’est à dire la ligne générale des toits, n’est manifestement pas respecté comme notifié, avec un toit deux étages au dessus des constructions mitoyennes. (Voir OAP 3)
Au moment où la loi ELAN (« l’évolution du logement, de l’aménagement et du numérique ») en discussion au parlement remet en cause le pouvoir discrétionnaire des Architectes des bâtiments de France, les habitants des cœurs de villes et amoureux du patrimoine sont autant excédés par des contrôles quasi inquisitoriaux dès qu’il s’agit d’entreprendre la moindre rénovation (le document fournit par la ville d’Orléans lors d’un changement de fenêtre comporte pas moins de 224 pages), que par le laxisme qui semble prévaloir dès qu’il s’agit d’une construction projeté par un promoteur immobilier qui n’hésite à faire couler le béton à flot au cœur de notre patrimoine historique.
GP
Vue du projet figurant sur le site du promoteur AMO
Le communiqué de la Mairie d’Orléans:
Le permis de construire obtenu dans le programme évoqué a été délivré le 28 octobre 2015 après organisation d’une réunion publique pour permettre aux riverains de s’exprimer sur le sujet. Ce PC a fait l’objet d’un avis favorable de l’ABF. Un PC modificatif a été délivré le 2 mars 2018. Ce dernier prenait alors en compte la prescription de la DRAC qui entrainait une modification du niveau de sous sols (-1m50). Il a toujours été question, dans ces deux documents délivrés, d’un programme en R+3+combles et non de 4.
Les prescriptions de l’ABF ont été reprises dans l’arrêté de délivrance et les deux PC sont conformes à l’ensemble des règles d’urbanisme en vigueur. Il n’est donc pas question de « laxisme » mais bien d’un projet privé qui a suivi les règles de procédure classique et qui a fait l’objet d’un avis favorable de l’ABF et d’une concertation avec les riverains. En conséquence de cela, les permis ont été délivrés.