La réouverture des salles du XVIIIe du musée des Beaux Arts d’Orléans, totalement rénovées et repensées, est sans doute un événement majeur dans la vie artistique de la métropole tant ce siècle fut un siècle exceptionnel pour la ville aussi bien par sa prospérité économique que par son intense activité artistique. Et puis, on le découvrira au fil des salles, ce siècle est aussi le siècle d’un personnage exceptionnel, Thomas Aignan Desfriches, riche commerçant, raffineur, artiste et collectionneur mais surtout homme des Lumières qui fera bénéficier la ville de ses relations dans les milieux artistiques en invitant les plus grands noms de l’époque à travailler ou à séjourner à Orléans. Ces salles sont ainsi une sorte d’hommage à celui qui fonda la première école d’art d’Orléans en 1785 et son musée des Beaux Arts en 1797.
Le XVIIIe siècle est un siècle d’une prospérité exceptionnelle à Orléans. Sa situation sur la Loire en fait le port arrière de Nantes offrant une voix de transit vers le marché parisien pour les marchandises issues du commerce triangulaire qui enrichira tant les villes portuaires françaises au XVIIIe siècle. La traite négrière avec les Antilles rapporte sur le continent la canne à sucre dont Orléans se fait une spécialité en raffinant jusqu’à plus de 50% du sucre produit dans le royaume.Cette intense activité économique conduira à l’agrandissement du port d’Orléans où transite un tonnage de marchandises toujours plus élevé, au percement de la rue Royale et à la construction du pont Royal voulus par Louis XV comme axe carrossable de Paris à Toulouse, mais aussi à la construction de la Chancellerie et l’achèvement de la cathédrale Sainte Croix décidée par Henri IV pour remplacer l’édifice détruit par les Huguenots.
Portrait de femme en sainte Catherine, Van Loo
Il faut dire que le Musée des Beaux Arts a un rapport très particulier avec les Orléanais puisque comme nous le raconte avec passion Olivia Voisin, sa directrice, le musée qui au début du XIXe siècle a peu bénéficié des dons d’œuvres de l’Etat issus des biens nationaux, a vu ses collections considérablement enrichies par une multitude de dons fait par des particuliers collectionneurs dans les années 1830, dons qui constituent une part importante des 310 œuvres présentées dans ces salles rénovées.
Eclairage, couleur des murs, cartels, tout a été repensé pour offrir aux visiteurs la meilleur vision de cette collection qui s’étend de 1660 à 1815 et que l’on pourra parcourir autant par plaisir que dans un but plus savant. Et ce parcours des douze salles offre une relecture picturale passionnante d’un siècle où la peinture traduira une évolution des gouts de la représentation dans une époque où l’art deviendra de plus en plus objet de collections particulières avec l’apparition d’un florissant marché de l’art, notamment parisien, dont Thomas Aignan Desfriches sera l’assidu connaisseur.
Vulcain ou l’hiver, Pompéo Batoni
On (re)découvrira ainsi de nombreux œuvres sorties des réserves complétées par des dépôts du Mobilier National et du Musée de Chartres, actuellement en travaux, mais aussi, témoignage plus tragique du sort des œuvres d’art, plusieurs œuvres (dont deux pastels de Perronneau) spoliées par les nazis en attente de restitution à des ayants droits non identifiés.
Quelques belles toiles dont les auteurs restent désespérément anonymes comme ce Gouter de chasse, image de la légèreté du temps illustrant l’affiche du Musée, mais aussi des pépites comme ce portrait de femme attribué à Van Loo après sa restauration, ou ces deux petits tableaux de Pompeo Batoni, “Céres ou l’automne” et “Bacchus ou l’été” acquis en 2018 par le musée pour compléter un “Vulcain ou l’hiver”, en attendant de retrouver “Flora ou le printemps”…
Tête d’un ermite endormi, Joseph Marie Vien
Beaucoup de grands noms sont là: Boucher, Vernet, Vien, Chardin, mais ce qui rend leur présence si particulière dans ces salles, c’est que beaucoup de ces artistes sont venus à Orléans invités par Thomas Aignan Desfriches, soit par amitié comme le sculpteur Pigalle ou le pastelliste Perronneau, soit pour travailler à des commandes locales comme Vien pour l’église Notre-Dame-de-Bonne-Nouvelle, aujourd’hui détruite.
Beaucoup passèrent par la Cartaudière, villégiature de Saint Pryvé où se retrouvaient ces artistes parisiens, à laquelle une petite salle est dédiée avec des décors peints de la main même de Desfriches, mais le plus beau témoignage ces amitiés artistiques reste ce cabinet des pastels, technique nouvelle qui connaitra un succès fulgurant au XVIIIe siècle, dont le musée d’Orléans détient une collection exceptionnelle avec cette galerie de portraits de Perronneau, magnifiquement mise en valeur avec un nouvel éclairage led, avec au centre, Monsieur et Madame Desfriches…
On n’a pas fini de redécouvrir le XVIIIe siècle à Orléans !
GP
Réouverture des salles du XVIIIe siècle à partir du 26 mai
Musée des Beaux Arts d’Orléans 1 rue Ferdinand Rabier 45000 Orléans