Samedi 28 avril, comme chaque dernier dimanche du mois d’avril, c’était la journée nationale du souvenir de la déportation. À cette occasion, la ville d’Olivet a organisé à la bibliothèque une projection du documentaire La Passeuse des Aubrais, qui raconte l’enquête d’un fils d’enfant caché, qui va tout mettre en œuvre pour retrouver celle qui, en 1942, a sauvé la vie de son père, en le faisant passer des Aubrais en zone libre.
Le Cercil à Orléans.
Organisée par la ville d’Olivet et le Cercil, la projection du documentaire a eu lieu samedi dernier. Hélène Mouchard-Zay, petite-fille de Jean Zay et présidente du Cercil, était présente pour animer le débat après le film et répondre aux questions. Si la salle n’était pas remplie, la quinzaine de spectateurs qui assistait à la projection a été bousculée par ce documentaire à la première personne, et qui trouve sa source dans l’histoire d’Orléans.
Michaël Prazan est documentariste et présente dans La Passeuse des Aubrais, l’histoire de son père et l’enquête qu’il a ensuite entrepris pour connaître la vérité. Son père s’appelle Bernard Prazan, et est le fils d’un couple d’immigrés polonais juifs, Avram et Estera Prazan. Ils sont déportés en 1942 et meurent tous les deux à Auschwitz. Bernard a alors 5 ans et doit à tout prix rejoindre la zone libre avec sa sœur afin d’échapper aux rafles.
Une passeuse complexe
Bernard Prazan n’a raconté son histoire qu’une fois, en 2006, face aux caméras de l’INA. Cet ancien enfant caché a raconté comment il avait survécu, et surtout, il a abordé la face sombre de l’histoire d’Orléans, ville par laquelle il est passé avant de rejoindre la zone libre. Il parle de la mystérieuse passeuse, une femme qui vient le chercher lui et sa sœur, un matin d’été 1942, aux Aubrais. Elle n’est pas seule et est accompagnée par un homme au comportement déroutant, un dénommé Pierre Lussac, qui est à l’époque une figure très active de la collaboration à Orléans. À la gare des Aubrais, la passeuse jette un regard étrange aux enfants. Du haut de ses sept ans, Bernard comprend qu’elle n’est pas une vraie passeuse et qu’elle doit en fait les livrer à la Gestapo. Pourtant, dans ce regard, il saisit le balancement et l’hésitation. Finalement, arrivés à quai, elle ne les livrera pas et les déposera quelques centaines de kilomètres plus loin, en zone libre.
Bernard meurt en 2011 sans en avoir reparlé. Alors Michaël décide d’enquêter pour en savoir plus sur cette mystérieuse passeuse. Il découvre alors qu’elle est toujours vivante et décide d’aller la voir, pour comprendre et surtout la confronter à la déclaration de son père.
Collaboration à Orléans
Des internés du camps de Pithiviers, géré par l’administration française.
Construit comme un film à suspens, ce documentaire raconte le fonctionnement d’un système inhumain, qui s’appliquait dans beaucoup de villes occupées, et à Orléans précisément. On retrouve la figure de Pierre Lussac, grand collabo orléanais, engagé par la Gestapo durant la guerre. À son actif : traque des partisans, tueries, pillages, tortures et assassinats. Il était épaulé dans ses actions par son épouse, Orléanaise également. Il sera rattrapé par la justice après la guerre et fusillé en 1946 en face de la gare des Aubrais. Sa femme fera seulement quelques années de prison et mourra en 1997, libre.
Il faut aussi rappeler qu’à cette époque, c’était la préfecture d’Orléans et la sous-préfecture de Pithiviers, qui gérait les camps de Pithiviers et de Beaune-la-Rolande, avec son « service des camps ». La kommandantur avait par ailleurs ses locaux dans la ville.
Avec ce documentaire, c’est à la fois une histoire personnelle et la grande Histoire qui nous sont données à voir. Primé lors du festival de Pessac, il nous permet de réfléchir et de nous souvenir. C’était à Orléans, il n’y pas 80 ans. Il est plus que nécessaire aujourd’hui, avec la montée du nationalisme, de connaître notre histoire pour qu’elle ne se répète jamais.
V.M