Pour les puceaux de l’histoire johanniques, ceux qui n’auraient du “road movie” de la Pucelle à travers notre région que de vagues souvenirs scolaires, nous ne saurions trop conseiller “Le Bon cœur” de Michel Bernard. C’est un “roman” historique que l’on ne lâche pas de la première à la dernière page. “Jusqu’au bout j’ai bien cru qu’il allait s’en tirer” lançait un humoriste à propos de l’histoire du christ. Pareil pour la saga johannique façon Bernard. Captivant du début à la fin y compris pour un Orléanais blasé, nourri depuis sa tendre enfance au petit lait de la saga johannique. Mais ne pas s’attendre surtout à des révélations plus ou moins “fakenewsées” sur des origines supposées royales et cachées de la bergère de Domrémy.
Michel Bernard avec son patronyme à courir sur demi-fond, nous balade dans une histoire de Jeanne d’Arc à hauteur de femme, voire de cheval. C’est une chronique de l’épopée johannique dépouillée des oripeaux religieux et idéologiques dont elle est d’ordinaire affublée. D’une écriture limpide et d’une simplicité biblique, Michel Bernard y campe une Jeanne du XV ème siècle, aux convictions et à la foi propres à déplacer des montagnes. Mais l’auteur nous évite la dithyrambe et le superlatif. On regrettera d’ailleurs que les Jeanne d’Arc du cinéma ne soient pas partis de ce texte d’une beauté naturaliste dont l’auteur comme un bon reporter nous fait voir les paysages, les hommes, les lieux et les moeurs de l’époque, en couleur et en direct. Cela nous aurait évité les dérapages en technicolor comme le Jeanne d’Arc de Besson.
“Grande, carrée d’épaule, bien campée sur ses jambes”
Les seuls enluminures iconographiques de l’ouvrage sont des cartes qui relatent les étapes de la chevauchée folle de Domrémy à Vaucouleurs en Lorraine, par Auxerre en Bourgogne, puis Gien, Chinon, Poitiers et retour à Tours, Blois et Orléans. Les ligériens y retrouveront la quiétude de leur fleuve lorsque le sang n’a pas taché son flot. Et cette Jeanne tellement imprégnée de sa mission qu’elle réussit à convaincre Beaudricourt puis Charles VII, à fidéliser ses lieutenants, La Hire, Xaintrailles et bien d’autres, à la vie à la mort, il la décrit ainsi, “grande, carré d’épaule, bien campée sur ses jambes, le visage ouvert, ,les yeux vifs, le regard profond”.
Avant que Jeanne ne délivre la ville en boutant l’Anglais, la “photo” est prise du fort des Tourelles au sud du fleuve royal: “les Français étaient face aux Tourelles. Ce fort impressionnant, ils le connaissaient bien, leurs ancêtres l’avait édifié. En bonne pierres, hautes, épaisses, crénelées, surmontées et puissantes tours, ses murailles se reflétaient dans le fleuve”. Les crues en avaient verdi les soubassements. Il défendait l’entrée sur le pont de la Loire, la plus belle douve de France. Les Anglais s’en étaient emparés au début de leur offensive et en avaient fait le môle du siège. C’était cette forteresse qu’il fallait reprendre aux tenaces guerriers d’outre-manche”.
Les réalités de la guerre
Après l’exploit du 8 mai 1429, les batailles ligériennes se succèdent jusqu’à Patay et la fameuse pâtée aux Anglais. On ne s’y ennuie jamais dans ces récits de tueries, sans que Michel Bernard sombre dans le voyeurisme sanguinolent du grand écran. Pour autant Jeanne et ses 17 ans n’échappent pas aux réalités de la guerre de l’époque: “On vieillit vite à la guerre. Elle avait assisté à des choses horribles, des choses qu’on aurait jamais cru pouvoir être..;Elle avait vu de l’intérieur des corps humains au hasard du fer qui les ouvrait. Et le sang gicler en fontaine, en un instant teinter de rouge une chemise, couler d’une gorge avec un bruit de source. ce liquide rouge à l’odeur fade, elle savait maintenant qu’un homme en contient une quantité considérable et qu’il met longtemps à mourir, même le ventre ouvert par la pointe d’une pique ou le crane défoncé par un coup de masse”.
Jeanne ne peut rien faire pour ces “pêcheurs morts sans confession”. Elle n’est pas superwoman, alors ses tentatives pour chasser les prostituées loin de sa troupe sont restées vaines. “Elle avait dit sa tristesse et son dégoût à Jean d’Orléans, le sage et noble Jean d’Orléans qui lui avait répondu que les Anglais faisaient pire”.
Des mots simples pour l’agonie de la suppliciée
Jeanne pour être devenue sainte par la suite, n’est pas parfaite. “Avouerait-elle qu’elle avait pris plaisir à combattre…Elle avait vu le soleil du matin scintiller sur les casques et les armures, et sur l’herbe neuve. Elle avait entendu les soldats marcher en chantant, leur voix rudes s’accorder dans d’âpres harmonies qui prenaient au ventre”.
Pas plus qu’il n’en n’a rajouté dans le mystique et le mythique dans son roman, Miche Bernard n’en fait pas des tonnes sur la fin tragique de la Pucelle. C’est avec les mots les plus simples pour décrire l’agonie de la jeune suppliciée, qu’il fait vivre notre révolte pour une des pire injustices que notre Histoire ait connue.
“Le Bon coeur” de Michel Bernard, un livre à mettre en toutes les mains de nos scolaires (et dans les autres) afin de leur faire aimer, tout simplement, l’histoire de France.
Ch.B
Avec Le bon coeur, aux éditions La table ronde (240 pages 20 euros), Michel Bernard a obtenu le prix France télévision. Né à Bar-le-Duc, Michel Bernard, haut fonctionnaire est aussi l’auteur de Mes tours de France et de Comme un enfant, une biographie romancée de Charles Trénet.
- Il a aussi écrit La tranchée de Calonne en 2007, couronné par le prix Erckmann-Chatrain et il a obtenu le prix Maurice Genevoix pour La Maison du docteur Laheurte…
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