Ayant besoin d’aller à Paris justement les jours où la SNCF est en grève, ceux où elle s’y prépare, ceux où elle s’en remet ou bien ou la ligne POLT est en travaux, je me suis naturellement tourné vers le covoiturage
Par Gérard Hocmard
J’en suis un adepte depuis belle lurette, que ce soit comme conducteur pour aller partout ailleurs, ou, dans le cas de Paris, comme passager faute de pouvoir s’y garer. Et ceci pour toutes les bonnes raisons que l’on peut invoquer, de coût, d’empreinte carbone, de desserte de lieux éloignés de toute gare… plus une : l’occasion de sortir de l’entre-soi, de rencontrer des gens extérieurs aux milieux ou aux âges au sein desquels on évolue habituellement et d‘échanger des idées sur des centres d’intérêt ou des préoccupations qui ne sont justement pas les vôtres.
Ubérisation des transports ?
De la petite grand-mère qui part « faire Compostelle », avec son sac à dos et ses godillots, au rocker tatoué et percé avec sa gratte, en passant par le vieil Algérien enturbanné confié par son fils parce qu’il ne comprendrait pas les annonces dans le train et raterait son arrêt, les personnages rencontrés représentent une irruption dans votre vie du romanesque et de l’imprévu. C’est comme si l’on voyageait deux fois, dont la seconde en pensée, comme si Plus Belle la Vie s’invitait entre vos quatre portières. On devrait imposer cela comme stage hebdomadaire aux élèves de l’ENA et le conseiller comme une saine pratique à quiconque exerce des mandats politiques ou syndicaux pour contrer toute pensée linéaire et figée.
Toujours est-il que, cherchant un transport pour Paris en début de semaine prochaine et ayant posé une alerte, j’ai été abasourdi au réveil par les chiffres indiqués : il y avait ce matin, rien que sur le seul site consulté, 585 trajets proposés sur le parcours Orléans-Paris, dont 133 étaient déjà complets, et 617 sur Paris-Orléans. À la louche, cela ne donne pas loin de 2.500 personnes –avec chacune une dette de 700.000 euros sur le dos grâce au « service public » du rail – qui auront eu l’occasion de méditer sur les avantages et inconvénients respectifs de la SNCF avec ses aléas et du covoiturage avec les risques d’embouteillages.
Il y a quelques années, tandis que La Poste annonçait pour sa part que tout lui était possible, la SNCF entendait nous « faire aimer le train ». Pour le moment, ce que la CGT et Sud-rail ont réussi, c’est de permettre aux postulants voyageurs de découvrir l’intérêt du covoiturage, de leur faire expérimenter l’ubérisation du transport. Pas sûr qu’au bout du compte, après la fin de la grève – puisqu’il y aura une fin – le trafic voyageurs retrouvera suffisamment de couleurs pour ne pas justifier des suppressions de trains, des fermetures de lignes et donc… de postes.