Stéphen Smith ne fait pas dans l’angélisme. Ce n’est pas le genre du personnage. Sans concession. Longtemps il fut en France, tour à tour à Libé puis au Monde, le meilleur journaliste des rubriques Afrique. Il a crapahuté sur tout le continent et publia “la lettre du continent” avec Antoine Glaser avec lequel il a écrit aussi “Ces messieurs Afrique”, l’ ouvrage le plus percutant sur la “françafrique et Comment la France a perdu l’Afrique. Smith est d’autant moins complaisant avec la France et plus largement avec l’Europe qu’il est Américain.
Il vit à nouveau aux Etats-Unis, professeur à l’Université de Duke. Il vient de publier La Ruée vers l’Europe sous-titré, “La jeune Afrique en route vers le vieux continent“. Le constat est implacable à ceux qui voudraient transformer l’Europe en forteresse: “L’Afrique, un continent encore pauvre mais déjà milliardaire en vies humaines et qui sera multimilliardaire en trente ans, frappe à la porte d l’Europe. Sa population n’est pas seulement nombreuse mais aussi la plus jeune du monde. Entre les tropiques du Cancer et du Capricorne, quatre africain sur dix ont moins de quinze ans et sept sur dix moins de trente ans”.
2,5 milliards d’habitants en 2050
Dans ce nouvel ouvrage, Smith s’appuie d’abord sur des données démographiques incontournables mais que nous refusons de regarder en face; L’Europe compte aujourd’hui 510 millions d’habitants vieillissants, l’Afrique en 2050 comptera 2,5 milliards d’habitants. N’importe quel européen qui rentre d’un voyage en Afrique -subsaharienne ou pas- est frappé par le fossé entre une Europe de vieillards et une Afrique qui pète la jeunesse. La croissance africaine, maintenant à deux chiffres, suffira t-elle à endiguer le flot de l’immigration africaine vers l’Europe ? Bien évidemment que non et c’est le paradoxe que Stephen Smith envoie à la figure des bonnes âmes et des refrains bien pensant, serinés par les politiques selon lesquels il convient d’aider au développement sur le continent noir pour y “fixer” les populations. “Un nombre croissant d’Africain ont les moyens et la vista pour aller chercher une vie meilleure, là où elle leur semble promise. Ils n’en rêvent pas seulement mais la voient mise en scène, à la télévision ou sur internet…”.
L’Europe va s’africaniser de plus en plus
Dans trente ans l’Europe comptera entre 150 et 200 millions d’afro-européens. L’Europe va s’africaniser de plus en plus. Autrement dit, plus nous aidons au développement de l’Afrique, plus les classes moyennes émergentes auront les moyens intellectuels et financiers de gagner l’Europe. Le match entre les “élites cosmopolites” et les populistes dont la montée partout sur le continent européen n’aura échappé à personne, va s’exacerber.
Smith prend l’exemple du Mexique qui a vu ses enfants entrer coûte que coûte aux États-Unis à tel point que 10% de la population américaine est aujourd’hui hispanisante. Maintenant, on compte plus de Mexicains qui rentrent dans leur pays qu’il n’en n’arrive aux États-Unis. Comment l’Europe pourra t-elle “négocier” avec les pays africains? Par un retour à une sorte de protectorat pour couper le mal à la source?”. “En divisant pour régner, l’Europe pourrait pactiser avec des régimes africains prêts à l’aider à endiguer le flux en échange de contreparties. C’est déjà le cas de l’autre côté de la Méditerranée, du Maroc à la Libye.”.
L’exemple espagnol
À la fin de cet ouvrage, Stéphen Smith laisse pointer une once d’optimisme avec l’exemple de l’Espagne, pourtant à la porte de l’Afrique à Gibraltar, un pays “où il n’y a pas eu de flambée de xénophobie au profit d’un parti extrémiste“. Pourtant 14% de la population est née à l’étranger dont quelques 800.000 Marocains. L’Espagne a négocié des compromis avec l’Afrique à travers notamment le plan G.R.E.C.O à partir de 2001 et en optimisant sa coopération avec le Maroc mais aussi la Mauritanie et le Sénégal. En 2015, ce pays européen pourtant le plus proche de l’Afrique et qui n’est pas un enfer, n’a enregistré que 13.000 demandes d’asile sur les 1,3 million pour toute l’UE….”Une gestion souple des flux migratoires engage un pari sur l’avènement d’une vraie prospérité en Afrique, semblable à celle qui fait désormais repartir dans leur pays d’origine des Mexicains des États-Unis.” Et Smith de conclure, “après tout il suffira de “tenir’ tant bien que mal pendant deux ou trois générations. Sera-ce possible en cas de ruée vers l’Europe?”.
Ch.B
- La ruée vers l’Europe. (La jeune Afrique en route pour le vieux continent), par Stephen Smith. Éditions Grasset, 236 pages, 19,50 €.
Ce discours est biaisé.Il n’y a aucune logique “naturelle” dans le fait que le trop plein africain se déverse en Europe, région déjà très densément peuplée. Il y de vaste régions beaucoup moins peuplées: Chine, Russie, Australie où il n’est pourtant pas question d’absorber ce trop plein. D’autre part, un trop plein se déverse naturellement au plus près. Prenons l’exemple du Nigéria, 206 hab./km2 et du Cameroun, 50 hab./km2, on s’attendrait à ce que le transfert se fasse du Nigéria, vers le Cameroun et bien curieusement c’est l’inverse..Pour rappel, la France compte 100h /km2…L’explication du trop plein démographique ne tient pas la route. Le transfert de populations vers l’Europe est éminemment politique et ne provient pas de décisions démocratiques et souveraines d’aucun pays de l’UE. Ce Monsieur Smith est typiquement un interventionniste américain qui sert les desseins de son pays: affaiblir l’Europe.
J’oubliais un chiffre important: la densité de l’Afrique est 40 hab/km2, la densité de l’UE est de 144 hab/km2. Ce Monsieur Smith a sans doute été prié de venir recycler son discours immigrationniste hors de son pays où il n’est plus à la mode…
la densité ne me semble pas etre le bon critere. Outre qu’il est tres materialiste, il oublie que les zones inhabitables sont beaucoup moins étendues en UE qu’en Afrique, ce qui rend la densité moyenne inoperante.
Vérité en 2015, erreur au-delà ?
en Espagne, 30 400 demandeurs d’asile en 2017, pratiquement le double des demandeurs de 2016.
Le modèle espagnol de “gestion souple” est-il si convaincant, et est-il vraiment si souple ?
La suite dans le prochain ouvrage de Stephen Smith…
La demande d’asile n’a théoriquement rien à voir avec l’immigration. La présence de maghrébins issus de l’ancien protectorat espagnol n’a rien à voir avec l’immigration sub-saharienne. Les maghrébins ne se considèrent pas comme des Africains. Le Maghreb était isolé de l’Afrique par le Sahara jusqu’à que s’organise le trafic trans-saharien d’êtres humains. l’Espagne n’est pas “à la porte” de l’Afrique, elle est aux portes du Maghreb. Monsieur Smith ne fait pas dans l’angélisme , il fait dans la propagande..