Journal Concours OCI #4
Pierre Fenouillat est le sensible ange gardien du Concours de piano d’Orléans, celui qui ne cesse veiller, du matin au soir, sur le bon état et le bon usage des deux instruments du concours qui sont propriété du conservatoire. Ce sont deux Steinway grand queue de concert. Celui de 1990 est ouvert au répertoire sans adjonction d’accessoires, et le second , plus ancien, qui en déjà vu beaucoup, se prête au jeu du piano préparé dont raffolent certains compositeurs contemporains. Qu’est-ce qu’un instrument préparé ?
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Pierre Fenouillat : « Le compositeur de l’œuvre impose à l’interprète pour l’exécution, une préparation, la présence dans l’instrument d’accessoires dans le but d’avoir des effets sonores, notamment percussifs. C’est la raison pour laquelle nous pouvons introduire dans l’instrument, entre autres des balles rebondissantes, des vis, de la pâte à fixe pour étouffer le son, un mediator pour gratter les cordes, c’est selon. Dans quatre-vingt- quinze pour cent des cas, je laisse faire le pianiste et me contente de l’accompagner pour le guider et parer à tout risque d’usure prématurée de l’instrument ».
A l’écoute des candidats
Pour l’histoire, durant le concours, chaque candidat a trente minute d’essai sur chaque instrument officiel pour s’adapter , en compagnie de Pierre Fenouillat, au piano partagé ainsi qu’à l’acoustique de la salle.
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Pierre Fenouillat: « Il faut que mon piano, celui de 1990, soit le plus polyvalent pour s’adaper à chacun des trente -et -un candidats. Toutefois, si une demande récurrente émane de plusieurs interprètes, j’interviens pour que le toucher soit, par exemple, plus léger, ou qu’il y ait davantage de projection dans le son. »
Bien entendu, du matin au soir, l’accordeur est en coulisse et écoute l’instrument : “C’est une musique intéressante que j’apprécie de plus en plus et qui demande une oreille particulière. Des unissons peuvent bouger, surtout dans le répertoire du vingtième siècle. Parfois, certains pianistes peuvent ne pas s’en apercevoir. Mais si je l’entends, j’interviens aussitôt, entre deux passages, ou à la pause qui intervient ponctuellement».
Quelles sont les relations avec les candidats ? «Tout se passe bien. Ils ont une certaine pression, sont pour la plupart très jeunes, ont devant eux une carrière et des difficultés de langue. Avoir une équipe attentive qui les suit est rassurante. »
Quelle est la plus grande inquiétude de l’accordeur ? Pierre Fenouillat: « Que la corde basse lâche, car elle est faite à l’unité, sur mesure. S’il en était ainsi il faudrait attendre trois semaines pour qu’une nouvelle corde nous parvienne. Pour le concours il se verrait ainsi forcé de changer d’instrument. L’autre inquiétude, c’est que l’un des marteaux casse, mai c’est une possibilité toutefois rarissime».
Un instrument “gorgé de musique”
C’est pour la seconde fois que Pierre Fenouillat, technicien accordeur de piano (accord réglage et harmonisation), belle signature passionnée qui partage son temps entre Paris et Bordeaux, salles de concerts et festivals, intervient avec bonheur , calme et sérénité contagieuse, sur le concours pour l’optimisation sonore des instruments.
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Celui qui pratique aussi la guitare, le piano et la percussion, mélomane qui a étudié à la faculté de musicologie de Poitiers avant de se passionner pour l’organologie, la facture instrumentale, et de partir se perfectionner dans les fameux comme incontournables centres Yamaha au Japon, parle à merveille de l’instrument.
Il le fait , en effet, de manière à la fois charnelle et spirituelle : « Un instrument se bonifie avec le temps, se gorge de musique. L’instrument vit, a besoin de vibrations. Chaque pianiste a son propre son et le technicien a lui aussi le sien. Sincèrement, après un concert, le son de l’instrument est plus beau, possède une couleur différente car le pianiste y a mis sa patte. C’est impalpable mais on le sent clairement ».
Le piano est-il un orchestre ? « C’est le seul instrument ou l’on a l’ambitus de l’orchestre. Des graves aux aigus, on passe ainsi sur le clavier par la contrebasse, les bassons, les violons et l’on va jusqu’à la flûte piccolo. Et c’est bien au pianiste d’aller chercher toutes ces couleurs ».
A l’écoute de ces dires, ceux d’un homme de l’art au service de ses mystères, personnalité accueillante et souriante, si disponible, on ne peut que comprendre pourquoi le concours est aussi sonore et tellement rayonnant.
Jean-Dominique Burtin.
Programme et superbes vidéos des récitals sur la toile
Dernière journée des épreuves éliminatoires à Orléans: dimanche 11 mars, salle de l’Institut à 10 heures (quatre candidats), 14 heures (trois candidats), 16 heures (trois candidats).
Proclamation des résultats à 20 h 30. Trente-et-un candidats sont encore en lice.
Dimanche 11 mars à 19 h 30 à l’Institut: Conférence, Présentation de la Alink-Argerich Foundation.
www.oci-piano.com
A noter : les épreuves éliminatoires sont filmées, et captées par l’ingénieur du son Bertrand Stasi. A écouter et à voir sur youtube