Comment faire tenir environ 1800 personnes dans une salle qui ne peut en contenir que 635, jauge officielle ? Très simple : serrer au chausse-pied comme des sardines les invités happy few dans l’hémicycle, en tassant les retardataires dans un hall annexe devant un écran géant, façon retransmission de match de foot. Plus sérieusement, toute aussi marketing soit la traditionnelle cérémonie des vœux « aux forces vives du département », ce premier opus de l’ère Perruchot manque cruellement d’ambition logistique.
Chambord a dépassé le million de visiteurs l’année dernière, et affiche un sourire propre à ceux qui vont fêter dans un an leur 500e anniversaire. Les portiques de Beauval ont tourné un tout petit peu moins d’un million et demi de fois et pas uniquement grâce au petit panda – né en août – le zoo annonce même l’ouverture d’un quatrième hôtel en 2018 ! Chaumont-sur-Loire a accroché les 430.000 visiteurs, sans se prendre un râteau. Même le château royal de Blois a battu des records, sans connaître encore la fréquentation de l’ardente Fondation du Doute que le monde entier nous envie. La liste est longue des lieux touristiques et patrimoniaux de Loir-et-Cher qui poussent les murs tout en repoussant leurs limites. Le Conseil départemental, lui, s’évertue à ne traverser que la place de la République pour entasser les invités des vœux de son président dans la bonne vieille Halle aux grains, salle de spectacle multifonctions de “seulement” 635 places assises. Cela fait donc à la louche 1200 invités de plus parqués dans le hall devant un écran géant, et, une fois le discours clôt et la table ronde vantant les indéniables réussites de 2017 achevée (comme les spectateurs) tout le monde debout collé-serré se ruant comme des morts de faim sur le buffet des saveurs du terroir préparé par les producteurs et prestataires locaux. Bref, disons-le tout net : on se sent un peu à l’étroit, autant sous l’ère Perruchot que sous l’ère Leroy qui l’a précédé durant plus d’une décennie.
Et pourquoi pas… au Jeu de Paume ?
Pourtant, l’espoir est venu pendant la table ronde, justement. Lorsque Michel Mothmora, boxeur champion du monde WBF poids moyens (1), prouvant qu’on peut débarquer dans le département à Ouzouer-le-Marché et réussir à s’en extraire, a évoqué une possible revanche qui pourrait avoir lieu… à la salle du Jeu de Paume, au printemps prochain, si « tout va bien ». Cet équipement multi fonction présenté comme le nouveau couteau suisse blésois, inauguré en très grande pompe début septembre dernier, jauge en effet 3.150 places en configuration « assis-debout » pour les concerts, comme celui de Véronique Sanson lors de l’ouverture, et sûrement le prochain le 23 mai avec Julien Clerc. 25 M€, c’est ce qu’à coûté cette salle, accouchée dans la longueur de temps si ce n’est aussi dans la douleur, pour y accueillir tous les quinze jours des matchs de baskets de l’ADA Blois en Pro B, et guère plus. Que ne pourrait-on y organiser des événements comme celui du lundi 15 janvier au soir, avec tout ce que le département compte de « forces vives » donc ? Ce n’est pourtant pas faute d’une entente cordiale entre le président du Département (Nicolas Perruchot) et celui d’Agglopolys, l’agglomération blésoise (Christophe Degruelle) : mais si entente il y a pour l’instant – du moins sur le papier dans le discours – c’est au sujet des travaux d’un rond-point permettant de s’extraire plus rapidement de l’agglo, avant, peut-être, de tomber d’accord sur la si « nécessaire » deuxième sortie d’autoroute A10… Mais sur la salle du Jeu de Paume ? Et bien non, pas encore.
« La trop grande contemplation des obstacles engendre la faiblesse » disait paraît-il le transcendantaliste bostonien Ralph Emerson, copain d’un certain Henry-David Thoreau, dont il partageait le goût de la solitude au fond des bois et de la désobéissance civile. Cette citation, pépite dégustée dans le discours aux « forces vives » du plutôt obéissant Nicolas Perruchot, explique peut-être à elle seule cette frilosité de certes penser en grand, mais sans vraiment s’en donner les moyens, au moins politiques. Imaginez un peu : 2.000 invités (au bas mot, car du coup on pourrait allonger la liste des bristols !) de tout le département sur le parquet de la salle du Jeu de Paume, arrosés de Crémant de Loire et petits fours truffés de produits locaux en circuit court, saupoudrés de réussites touristiques et patrimoniales : ça aurait de la gueule, non ? Tiens on pourrait même inviter le petit panda, sa marraine Brigitte et le petit mitron ! I have a dream…
Lucien Jondrette.
(1) Et pourtant perdant contre le champion de France Karim Achour le 21 octobre dernier.