Edouard Philippe le puncheur, sur le ring régional avant son duel contre Mélenchon

Boxeur à ses moment perdus, le Premier ministre ne prendra sans doute pas de gant ce jeudi soir contre Jean-Luc Mélenchon sur le ring de l’émission politique de France 2. Alors dès potron minet à Orléans, Edouard Philippe le puncheur, le poids lourd du gouvernement, s’est échauffé contre des sparings partners régionaux qui de leur côté, n’ont pas ménagé  leurs coups contre le Havrais. Le premier ministre faisait l’ouverture du 13 ème congrès des Régions qui se tient ce jeudi à Orléans.

“Le malade n’est pas imaginaire”

Des directs venus de droite, avec Xavier Bertrand Philippe Richer, Valérie Pécresse, et de gauche avec François Bonneau et Alain Rousset. Aux revendications des patrons régionaux, Edouard Philippe après un round d’observation consacré à l’histoire de France qui l’a vu déraper sur Romorantin (lire par ailleurs), a opposé une fin de non recevoir. Il a d’abord filé la métaphore littéraire “le malade n’est pas imaginaire”, a t-il dit à propos de la France, même si “les Tartuffe en jugent autrement”. Il est ensuite revenu sur l‘”insincérité” du budget 2017: “lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités, nous avons trouvé dans ce budget une série de promesses, d’engagements, dont les financements n’étaient pas toujours garantis“, a expliqué Edouard Philippe.  “C’est la Cour des comptes” qui le dit.

Après avoir rappelé que l’Etat, malgré cette situation, “n’a pas voulu augmenter les impôts”, il a poursuivi, “nous avons mis en place des économies, des réductions de dépense. Grâce à ces annulations de crédits nous terminerons l’année 2017 en dessous des 3%”. Sans fioriture, précis, concret, sur un ton que d’aucuns jugent “notarial” mais qui a le mérite d’aller droit au but sans circonvolutio, ni incidentes, Edouard Philippe a rappelé que les présidents des régions avaient été consultés au préalable, soulignant que les duels avec Philippe Richer n’avaient jamais fait dans l’esquive.

Il est alors entré dans le vif du sujet et dans la cuisine budgétaire: “nous avons confirmé trois engagements de l’ancien gouvernement. En 2018 la dotation globale de fonctionnement des régions sera bien transformée en une fraction de TVA. J’ai tenu à ce que cette dotation soit garantie dans les cinq prochaines années, ce qui représente plus de 100 millions pour la seule année 2018. Les 250 millions de fonds exceptionnels pour 2017 vous seront bien versés.”

Non aux chèques en bois et chèques en blancs

“En revanche, et je l’assume, nous avons décidé de ne pas intégrer le fonds exceptionnel de 450 millions d’euros dans le montant de la TVA. Comme son nom l’indique, il s’agissait d’un fond exceptionnel et par nature l’exception na pas vocation à devenir la règle. Je ne veux pas rentrer dans une politique du chèque en blanc ou du chèque en bois. J’entends bien ne m’engager qu’a ce que je peux tenir. Le financement de cette mesure serait intervenu au détriment d’autres collectivités territoriales, départements, communes, intercommunalité”.

C’est donc un non sans appel à la revendication majeure des régions. “Nous avons fait les deux tiers du chemin: vous attendiez 450 millions d’euros en 2018. l’Etat vous en garanti 300 millions net. La dotation d’une part de TVA c’est extrêmement moderne, c’est précurseur“, a t-il dit. Une façon de rendre hommage à ses prédécesseurs…en l’occurrence Emmanuel Macron l’ancien ministre de l’Economie et Michel Sapin aux finances, à l’origine de cette réforme fiscale.  “Pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté, les régions ne connaîtront pas de baisse nette de leur ressource en 2018. Vous toucherez moins qu’escompté, mais ce sera plus qu’en 2017”, a estimé le Premier ministre.

Une fiscalité ni juste ni lisible

Pour l’avenir, Edouard Philippe envisage une réforme en profondeur: “la fiscalité locale n’est ni juste ni lisible, ni efficace. Nous devons donc réfléchir ensemble à la modernisation de notre fiscalité locale”. Le Premier ministre a tendu la main pour en discuter avec les régions dans le cadre de la Conférence des territoires. Ce ne sera donc pas le cas pour l’instant puisque les régions ont annoncé ensuite le boycott de cette instance de concertation.

Sans dévoiler les modalité d’un contrôle à venir de l’Etat sur les dépenses locales, 319 collectivités territoriales concentrent à elle seules les deux tiers de la dépense publique (villes de plus de 150 000 habitants, départements, régions…) et il s’agira avec ces collectivités, d'”organiser les objectifs de maîtrise de la dépense et la limitation. Si vous dépensiez 100 en 2017 ne pas dépenser 101 en 2018. 

“Nous souhaitons que les collectivités territoriales se fixent des objectifs de désendettement”, et Edouard Philippe leur a conseillé de recentrer les dépenses de fonctionnement en faveur des dépenses d’investissement. Sur les 57 milliards d’euros d’investissement présentés par l’Etat, dix milliards d’euros iront aux collectivités locales.

Prochain chantier la formation

Prochain chantier que le gouvernement veut engager avec les régions, celui de la formation professionnelle et de l’apprentissage. “Après avoir modifié le code du travail et la fiscalité, l’objectif sera la nouvelle façon d’organiser l’apprentissage et la formation professionnelle”, une “arme de destruction massive contre le chômage”. Entre octobre et avril Edouard Philippe veut engager les discussions sur toutes les initiatives dans ce domaine.

Après les intercommunalités, les métropoles et surtout le redécoupage des régions, le Premier ministre ne veut pas d’une nouveau “big bang”. En revanche il propose aux régions d’expérimenter, par exemple de “différencier les compétences”. Un service à la carte qui pourrait s’intégrer dans une réforme de la Constitution. Encore faudrait-il que le gouvernement trouve une majorité parlementaire des 3/5 ème pour le faire.

“Prêt à jouer le jeu du dialogue et de la concertation, ne fermant aucune porte”, Edouard Philippe avait proposé en début de matinée des rencontres dans le cadre de la Conférence des territoires  avec un premier rendez-vous en janvier 2018. C’était avant le coup de sang des président de région un peu surjoué devant la presse en fin de matinée. Une fronde durable entre Paris et les barons de “province”, ou un bras de fer conjoncturel, énième épisode des Jacobins contre les Girondins dont la France raffole?

Ch.B

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