Les dernières notes de chants marins se sont à peine tues sur les quais de Loire que déjà les balles de tennis résonnent ce lundi matin au Palais des Sports: qui dira encore que l’on s’ennuie à Orléans ?
Mais que vient donc faire à Orléans Jerry Lewis, acteur et réalisateur comique américain prolifique des années 60, devenu une célébrité pour cinéphiles avertis en France avec son “Docteur Jerryl et Mister Love” ou le “Zinzin d’Hollywood” et autres comédies plutôt déjantées et dont on a appris le décès il y a déjà quelques semaines… ?
Et bien voilà… Peut-être avez-vous eu le privilège de croiser aux diners de l’Open un élégant monsieur qui se chargeait d’accueillir les convives ? Ce monsieur n’est autre que Michel Gérard, le père de Didier Gérard, créateur et organisateur de l’Open de Tennis d’Orléans depuis maintenant treize ans, et Michel Gérard, avant de venir prêter main forte à son fils, fut un réalisateur, scénariste et producteur de films, des comédies de série “B” populaires souvent destinées à un public d’adolescents aux titres improbables comme “Les Joyeux Lurons” ou“Dis bonjour à la dame” ou des films de bidasses comme “Soldat Duroc, ça va être ta fête !“, bref des films comme on en fait plus !
Il faut dire que Michel Gérard connaissait son public ayant d’abord exercé comme exploitant de salles de cinéma: il avait débuté à Lunéville en convaincant la paroisse locale de lui mettre à disposition une salle pour en faire un cinéma, et après avoir consacré trente années à promouvoir le cinéma dans l’est de la France, l’envie lui prit de se lancer dans la mise en scène de ses propres scénarios. Mais pas facile d’accéder aux gros budgets de production, et Michel Gérard réalise une dizaine de comédies “légères” jusqu’en 1982, année où il réalise “On s’en fout, nous on s’aime”, histoire d’amour adolescent dans la veine de “La boum”, avec comme co-scénariste et dialoguiste son fils Didier Gérard qui le convainc d’y tenir le premier rôle avec la comédienne Ariel Besse dont la réplique “tous les hommes sont des salauds” résume le propos du film… Et comme la sortie du film est plutôt bonne, le jeune Didier Clerc alias Didier Gérard, commence à se rêver une carrière cinématographique d’autant que les producteurs souhaiteraient produire la suite de ce premier succès.
Didier Gérard / Ariel Besse
Mais cette année là, Jerry Lewis en perte d’audience aux Etats Unis a décidé de venir en France où il semble qu’il a encore un public d’amateurs, et Michel Gérard est sollicité pour réaliser une comédie avec cette vedette déjà sur le déclin. Qu’à cela ne tienne, Michel Gérard en profite pour exiger un budget qui lui permette d’engager les acteurs Michel Blanc et Charlotte de Thurkeim pour donner la réplique à Jerry Lewis dans une comédie au titre prémonitoire: “Retenez moi… où je fais un malheur”. Et le malheur arriva avec un Jerry Lewis qui n’était que l’ombre de lui-même, épuisé par les suites d’une opération cardiaque et perdu dans les tournages hors studio du cinéma français, la vedette américaine se révèla incapable de remplir les scènes d’une comédie écrite pourtant pour lui, le film fut un désastre en France, et comble de malchance, le distributeur américain fit faillite alors que le film avait été tourné en bilingue pour une sortie aux Etats Unis.
La société de production de Michel Gérard, ruinée par cet échec, doit renoncer à la suite de ” On s’en fout, nous on s’aime!” et Didier Gérard, oubliant son rêve cinématographique, retourna à sa carrière plus prometteuse de jeune tennisman professionnel…
Quant à Michel Gérard, il réalisa encore un film à petit budget intitulé “Blessure”, qui à défaut d’un succès public lui valu les honneurs de la critique, ce film racontait l’aventure d’un jeune groupe de rock et pour jouer le rôle du chanteur du groupe, Michel Gérard découvrit un jeune comédien qui s’appelait Florent Pagny…
GP