Dans la grande bourrasque qui a suivi l’élection d’Emmanuel Macron, le “dégagisme” a bouleversé dans la foulée les positions établies aux élections législatives qui ont suivi. La République en Marche le parti du président et son allié identifiable aux élections, le MoDem de François Bayrou, obtiennent une large majorité, avec 359 sièges. C’est dire les surprises qui ont émaillé ce scrutin. Dans le Loiret, la droite qui sortait avec six sièges n’en retrouve que trois, Serge Grouard , l’ancien maire d’Orléans paye son soutien à François Fillon, battu par une inconnue Caroline Janvier, Charles-Eric Lemaignen censé prendre le relais d’Oliver Carré sur la 1ère, trébuche face à une autre inconnue Stéphanie Rist, toutes deux LR, tandisque Richard Ramos (MoDem) gagne la sixième.
En Loir-et-Cher, Guillaume Peltier en revanche qui deviendra le numéro 3 de LR à Paris, évite le piège du FN, Marisol Touraine ne retrouve pas un siège au sortir du ministère de la Santé, Sophie Auconnie est élue avec l’étiquette UDI et en Eure-et-Loir, Laure de La Raudière passée de LR à “constructive”, l’emporte sur un vice-président de région Harold Huwart, PRG pourtant soutenu par LREM. Des grandes manœuvres de recomposition qui ne faisaient que commencer il y a un an et qui continuent durant le chantiers des municipales qui s’annonce.
Première publication le 28 juin 2017.
Pour la première fois lors d’une rentrée parlementaire il était bien difficile dans la “zone mixte”, la salle des “Quatre colonnes”, de distinguer les journalistes de certains nouveaux députés. Ceux de la France Insoumise avaient en effet choisi de ne pas se plier aux codes vestimentaires “normaux” en vigueur au Palais Bourbon.
Sans cravate, parfois en chemise et jusqu’à François Ruffin qui a posé son bulletin dans l’urne en baskets, les députés FI étaient allés en préambule à la séance solennelle manifester avec la CGT sur la pelouse des Invalides, contre la réforme en vue du Code du travail. Quant à Jean-Luc Mélenchon, il portait bien cravate sous sa veste à col Mao mais il n’a pas pu s’empêcher de faire son numéro, serrant longuement la main, les yeux braqués sur les caméras, de Cédric Villani, le député de la République en Marche qu’il avait copieusement insulté précédemment. Le leader de la France insoumise est même allé jusqu’à donner une poignée de main à Marine Le Pen en remontant à sa place.
Pour la première fois aussi en cette 15e mandature de la cinquième République, les bancs de l’hémicycle n’avaient pas l’uniformité gris-noir des costumes masculin d’avant. Près de 40 % de femmes, 221 élues, ont fait leur vraie rentrée mardi et les hasards du placement par ordre alphabétique sur les bancs ont offert quelques rapprochements singuliers. Ainsi Marine Le Pen, stoïque, était juste au dessus de Stéphane le Foll, la mine de chien battu. Sophie Auconie (UDI-Indre-et-Loire) veste rose pétard, était assise à côté de Clémentine Autain (FI) et Jean-Pierre Door (L.R.-Loiret) le vice-doyen serrait la main de tout le monde en allant voter, suivi de près par Marianne Dubois (LR-Loiret).
Dans la cohue médiatique de la salle des Quatre colonnes, où les “anciens” comme Nicolas Dupont-Aignan (DLF) Thierry Solère (L.R.) ou Marie-Georges Buffet accaparaient micros et caméras, les jeunes députés de la génération Macron éprouvaient quelques difficultés à attirer la lumière. C’est dans une atmosphère plus studieuse que François De Rugy, 43 ans, a été élu par 353 voix devant Jean-Charles Taugourdeau (L.R.), 94 voix, et Laure de la Raudière, la député d’Eure-et-Loir, donnée quelques temps la femme du perchoir, qui a recueilli 34 voix pour son
groupe “les Républicains constructifs”.
Au final le Nantais, ancien écologiste, rallié à LRM, en raison de sa bonne connaissance des rouages du Palais Bourbon, l’a emporté au premier tour. Une élection qui a été saluée par une longue salve d’applaudissements de tous les députés debout. À l’exception notable des députés de la France Insoumise et du Front national. Marine Le Pen est restée ostensiblement assise et immobile lorsque le nouveau président dans son allocution a fait applaudir le drapeau européen. Un tacle remarqué aux propos de Jean-Luc Mélenchon sur la présence de cet emblème étoilé européen aux côté du drapeau tricolore.
Choisis par une minorité de Français
Calme, sur un ton mesuré presque atone, le nouveau président a néanmoins annoncé dans son discours quelques objectifs novateurs comme “une assemblée plus efficace et plus démocratique”. À propos de la transparence il a indiqué, “remettons tout sur la table”. En préambule il avait constaté, “pour la première fois de la Ve République, nous avons été choisis par une minorité de Français”, ce qui “n’entame en rien notre légitimité”. Mais l’ancien écologiste a aussi prévenu qu’il ne voulait pas “d’anathème“, ni que l’Assemblée soit “le théâtre d’excès et de caricatures”. “L’Assemblée sera respectée si elle est respectable”. Une Assemblée qu’il souhaite efficace parce qu’elle “agira plus vite”.
François de Rugy qui veut notamment réformer le principe des questions au gouvernement a indiqué en marge de son discours qu’il ne sera président que durant deux ans et demi, la moitié de la mandature. Et maintenant comme le répétaient les députés de LRM, comme Stéphanie Rist (Loiret), “au travail”.
Ch.B
Les réactions de quelques uns des 23 députés de la région Centre-Val de Loire recueillis mardi à l’Assemblée.
Marc Fesneau (président du groupe MoDem de l’Assemblée) : un grand pas après les petits pas
- Président de groupe c’est une lourde responsabilité?
” Oui, c’est un grosse responsabilité. Je suis très heureux de l’avoir, je connais depuis longtemps la plupart de ceux qui sont dans notre groupe.”
- Cela date du temps où vous faisiez le tour de France des fédérations?
“Oui avec l’institut de formation du MoDem. C’est une étape importante d’un point de vue personnel et politique. Je suis très heureux que mes collègues à l’unanimité m’aient fait confiance“.
- Quel est l’état d’esprit au MoDem après le départ des trois ministres du gouvernement?
“À la fois de se mettre au travail et d’être dans la solidarité avec le gouvernement et la solidarité avec nos dirigeants. C’est une période difficile,un moment compliqué. Je fais confiance en la justice, on fera valoir notre bon droit et notre bonne foi. D’un point de vue personnel c’est aussi un moment difficile”.
- Vous n’avez pas craint un moment d’être mouillé vous aussi dans cette affaire ?
“Pour être mouillé encore faudrait-il qu’il y ait quelque chose. Je n’ai aucune crainte, je fais confiance en la justice”.
- Quelle sera la différence politique entre En Marche et le MoDem ?
“Nous n’avons pas la même histoire. Vous l’identifierez dans les propos et dans la façon de travailler, on est complémentaire. C’est une alliance qui a été construite au moment de la Présidentielle, nous avons chacun notre histoire et notre parcours. Nous avons des valeurs communes notamment autour de l’Europe, l’idée de conjuguer économie et social”.
- Un grand pas de maire de Marchenoir à président du groupe MoDem à l’Assemblée?
“J’avais déjà fait beaucoup de petit pas”.
- Les résultats en région Centre-Val de Loire, bons pour le MoDem?
“Oui, trois élus sur les quatre que nous présentions, c’est un très bon résultat”.
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Richard Ramos (MoDem, Loiret) : l’impérieuse nécessité de réussir
- Forcément un beau jour que cette rentrée parlementaire?
“Oui dans un bel état d’esprit. Les électeurs nous ont donné un mandat impératif. Nous avons l’impérieuse nécessité de réussir. Si jamais nous échouons, les extrêmes sont prêts à prendre le pouvoir. Je le répète c’est un mandat impératif.”
- Émouvant aussi les premiers pas mardi avec la réception du cartable, des signes distinctifs du parlementaires, des badges tricolores ?
“Non c’est anecdotique, ce sont des formalités administratives. Le plus important c’est ce que j’ai ressenti dans les groupes de la majorité, la volonté de faire. Vendredi soir nous avions voté pour la présidence du groupe MoDem. Marc Fesneau a bien mérité d’être élu, dans les moments difficiles c’est lui qui a parcouru la France au volant de sa voiture pour soutenir les membre du MoDem. “
- Depuis qu’avez vous fait?
“Nous avons travaillé et rédigé un texte global sur la philosophie du groupe, sur notre soutien total au gouvernement en place, mais nous resterons un groupe indépendant. Nous sommes sur un socle de valeurs qui veut prendre le meilleur de la gauche, le meilleur de la droite et de la société civile”.
- Le malaise suscité par les affaires qui ont secoué le MoDem et le départ de trois ministres du gouvernement n’est pas dissipé, cela se ressent ?
“Vous savez les troupes du MoDem ont tellement pris de revers électoraux que l’on sait ce que c’est de prendre des coups. Tous les députés du MoDem savent ce qu’ils doivent à François Bayrou et Marielle de Sarnez et aussi à Marc Fesneau. Il a changé et il montre son épaisseur à se situer maintenant au niveau national”.
- Déçu que le perchoir n’aille pas à une femme ?
“Oui ça aurait été un symbole fort et j’ai pensé à Dominique Tripet (conseillère municipale d’Orléans, féministe), mais dès lors qu’il y a eu vote…”.
Comme assistants parlementaires, Richard Ramos a choisi des profils différents et à “temps variable”. Jean-Pierre Delpuech, professeur d’histoire-géographie sera le permanent à la fois à Paris et à Orléans. Une jeune femme, titulaire d’un master, aujourd’hui caissière dans un supermarché, d’origine ivoirienne, sera l’autre assistante. Une troisième assistant sera selon les termes du député, “un diplômé issu des quartiers que je vais essayer de mettre sur les rails”.
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Philippe Vigier (UDI) : nous sommes dans l’opposition
- Une rentrée parlementaire dans une position politique différente au sein d’un groupe des “Constructifs” ?
“Dans une formation UDI qui s’est ouverte aux autres. Nous avons inventé cette idée d’opposition constructive et je suis ravi que certains la découvre. C’est un quinquennat exigeant. Je souhaite la réussite d’Emmanuel Macron, mais autant on votera pour le gouvernement lorsque les choses iront dans le bon sens, autant nous nous opposerons dès lors que les projets gouvernementaux affaibliront les Français ou les fragiliseront.”
- Une position délicate que de se retrouver coincé entre plusieurs feux ?
“On est dans l’opposition…Qu’est ce qu’on a fait dans le quinquennat précédent? Nous avons voté 16 textes, je suis surpris que les journalistes découvrent ce que nous avons fait avant…Sur la loi Macron je l’avais expliqué avant, sur le programme de stabilité sur la loi El Khomri je l’avais indiqué en amont. La France va tellement mal qu’il faut réussir, sinon on sait que ce sera le rendez-vous avec les extrême en 2022”.
- Vous voterez les ordonnances ?
“Vous connaissez mon engagement, dans la campagne des primaires j’ai soutenu Alain Juppé au deux tours et nous n’étions pas très nombreux à l’UDI. Il propose des ordonnances, c’est la seul moyen pour aller vite et faire en sorte qu’on soit capable d’être efficace au service des Français. Je voterai la loi sur les habilitations, et ensuite le contenu des ordonnances, c’est un deuxième texte, on verra ce qu’elle contient. Ce sera le premier test pour le gouvernement pour savoir s’il veut construire ou non une loi avec nous. On verra si c’est une présentation médiatique, symbolique, ou si derrière il y a un vrai travail de construction qui peut se réaliser”.
- Philippe Vigier le meilleur élu de l’UDI en région Centre, comment le vivez vous ?
” Le meilleur élu de France contre un candidat LRM, c’est une fierté. C’est le travail de terrain. La reconnaissance d’une engagement sans faille. Je sais les difficultés de l’Eure-et-Loir, j’y apporte mon engagement et mon enthousiasme”.
- Philippe Vigier n’est plus président de groupe c’est une déception ?
“Pas du tout, il y a une co-présidence avec un député républicain Franck Riester, un député UDI Stéphane Demilly, ce ne sont pas toujours les mêmes visages. S’il y a une vice-présidence c’est parce que j’y ai mis toute mon énergie. La semaine dernière on considérait qu’on était derrière M. Solere et Les Républicains, aujourd’hui l’atterrissage n’est pas le même…”.
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Sophie Auconie (UDI-Indre-et-Loire) :
- Votre victoire a été une surprise?
“La conjoncture m’était favorable car il n’y avait pas de candidat En Marche sur la circonscription. Pour autant, c’était en face une bête politique Mme Touraine. Ce n’était pas gagné. Comme Valls, El Khomri comme Najat Vallaud-Belkacem, des anciens ministres, elle avait bénéficié d’une certaine clémence de la part d’En Marche”.
- Marisol Touraine a perdu aussi parce qu’elle n’a pas annoncé la couleur ?
“Oui, cela s’est retourné contre elle, j’ai bénéficié d’une erreur stratégique de sa part mais au premier tour avec seulement 28,20% j’étais loin, très largement challenger, et ensuite j’ai bénéficié d’une vraie belle mobilisation de mes équipes, des élus et du corps médical”.
- Avoir été députée européenne c’est un plus pour entrer à l’Assemblée nationale ?
“Oui, cela me permet d’avoir un spectre large des arcanes parlementaires et aussi d’imaginer pouvoir créer un lien entre le parlement européen et l’Assemblée nationale, ce qui est dans la volonté du gouvernement de faire mieux d’Europe, et pouvoir y contribuer à travers la commission des Affaires européennes m’intéresse vraiment”.
Guillaume Peltier (LR-Loir-et-Cher) : recréer un grand parti populaire
- Vous allez choisir entre la région où vous êtes le patron de l’opposition et l’Assemblée nationale ?
“Non, comme la loi m’y autorise je vais assumer les deux fonctions car c’est un engagement que j’ai pris auprès des électeurs. Avec Nicolas Forissier, je siégerai à la foi dans l’hémicycle régional pour défendre les intérêts des quelques trois millions d’habitants de notre région et à l’Assemblée pour défendre le monde rural. Nous considérons que cette alchimie est indispensable parce que le monde rural a besoin d’être représenté”.
- Vous serez tout de même moins présent en région, à Neung sur-Beuvron et plus souvent à Paris, vous allez perdre de votre efficacité face à François Bonneau et sa majorité ?
“Vous sous estimez notre capacité de travail, les mardis et mercredis, je serai ici pour défendre le monde rural et reconstruire notre pays qui en a tant besoin dans un esprit responsable pour la France, fidèle à nos valeurs. Et en même temps profondément enraciné les cinq autres jours du jeudi au lundi au service de nos concitoyens, en Sologne et en Vallée du Cher et puis à Orléans, dès jeudi prochain en session”.
- Vous serez un opposant systématique au gouvernement Philippe ?
“Je vous invite à vous rapporter aux preuves que nous avons données depuis dix huit mois au sein du conseil régional puisque François Bonneau lui-même a salué l’esprit constructif du premier groupe d’opposition que j’ai l’honneur de présider”.
- Constructif à la région, pas à l’Assemblée nationale ?
“Il n’est pas nécessaire de s’appeler constructif pour l’être. Avec Nicolas Forissier et tant d’autres nous avons décidé d’associer deux valeurs: la fidélité et la loyauté à notre famille politique à ceux qui nous font confiance, à nos électeurs et en même temps avec un esprit de responsabilité. Fidélité et responsabilité, ce sont les deux jambes sur lesquelles nous allons marcher et dans la région et au niveau nationale”.
- Vous symbolisez aussi le renouveau?
Ce matin j’ai été élu vice-président du groupe Les Républicains, l’un des neuf vice-présidents. Il y avait 26 candidats. C’est un gage de confiance du groupe.
- Et la Droite forte que devient-elle?
“On va la refonder, on va s’adapter au monde qui a changé. Tout en étant responsable et constructif, la Droite forte va évoluer aussi dans ce sens. Nous avons décidé à quelques uns dont Nicolas Forissier, Brigitte Kuster, de nous rassembler pour travailler de manière informelle au sein de notre groupe pour la défense du monde rural et la volonté absolue d’inventer des réponses nouvelles, car le monde a changé et ne pas le comprendre serait une folie. La droite vient de subir une année électorale catastrophique, il va falloir réfléchir aux raisons de cette échec en tirer les conséquences, en tirer les leçons, et recréer un grand parti populaire”.
Propos recueillis par Ch.B