Les premiers ministres possibles… du Premier ministre Édouard Philippe

Pour le nouveau président de la République l’heure de vérité a sonné. Si, de l’avis général, l’état de grâce qui suit une élection à la présidence n’existe plus, plus que jamais les cent premiers jours d’Emmanuel Macron seront décisifs et ses résultats passés à la loupe. C’est dans ce court laps de temps que se jouera sa crédibilité.

En un peu plus d’un trimestre, il doit montrer sa capacité à engager la nécessaire  transformation  de la société française à travers la flexisécurité du marché du travail, la diminution de la fiscalité sur les entreprises et sur l’épargne pour retrouver une base productive solide, la maitrise des dépenses publiques,  le remodelage la stratégie de la sécurité et  le redressement d’une l’Education nationale  trop fortement bousculée.

En l’élisant, les Français ont condamné Emmanuel Macron à réussir. Les résultats du deuxième tour ont montré que, bien que battue, la vague populiste possède une force non négligeable qui  ressurgira avec plus de chance d’aboutir, si sa réussite n’est pas au rendez-vous. Pour réformer la France, ce jeune homme de 39 ans ne doit se tromper ni dans le choix du Premier ministre ni dans ses nominations au gouvernement et surtout confirmer sa victoire aux législatives de juin.

Après avoir dynamité la gauche, Emmanuel Macron verrait bien la droite exploser. Sa victoire serait complète à ce prix : «  Que divisions et fractures politiques soient surmontées», a-t-il souhaité  dans son discours d’investiture. Jolie formule .Mais une grande partie de droite en embuscade  voit son avenir dans une cohabitation imposée par ses bons résultats  aux législatives. Les Insoumis et le FN   en espèrent une aussi, menée par eux.   La bataille pour le leadership continue.

D’abord un Premier ministre

La nomination au poste de Premier ministre du LR Edouard Philippe, le juppéiste, député maire du Havre, est un pion gagnant de plus avancé par l’Elysée, « un pont » qui doit aider le nouveau locataire de l’Elysée.  Les leaders du Modem ont reçu cette nomination comme « un signal de large rassemblement et de recomposition politique. Il a tout notre soutien. La France a besoin d’une majorité centrale la plus large possible ».

Mais l’arrivée à Matignon d’Edouard Philippe a fait grincer bien des dents à droite. Aussitôt la nouvelle connue, Bernard Accoyer secrétaire général des LR, a parlé « d’une décision individuelle  et en aucun cas d’une coalition gouvernementale ». Cependant tout en assurant « qu’Edouard Philippe ne serait pas exclu de sa formation », et il a demandé « la levée de toute ambiguïté sur les législatives de juin. Ce Premier ministre soutiendra-t-il les candidats d’En Marche ! du président qui l’a nommé ou bien ceux de sa famille politique ? », s’est-il interrogé ouvrant immédiatement un débat qui sera sans nul doute âpre et vif.

Jean-Luc Mélenchon,  le leader des Insoumis a lui aussi clamé sa désapprobation : « La droite vient d’être annexée. Le PS a déjà été absorbé. Les électeurs du Front national sont abandonnés, leurs chefs ont tous déserté. Ne donnez pas les pleins pouvoirs à Emmanuel Macron et à son Premier ministre. Pour le bien de notre démocratie il ne reste qu’une force, cohérente, unie autour d’un programme de gouvernement, c’est la France insoumise, dont je suis le porte-parole. Une cohabitation est nécessaire. Il faut une majorité différente de celle du président de la République, de son bric-à-brac », a-t-il dit dans les média.

Le Parti socialiste a dit sa tristesse « Qui peut croire que la gauche se reconstruira dans une coalition dirigée par un membre des Républicains ?” a dit Benoît Hamon, et Jean-Christophe Cambadélis de son côté, « maintenant c’est clair : avec un premier ministre de droite, le Parlement a besoin de gauche. Les élections législatives trancheront. »

Le Joker Edouard Philippe

Edouard Philippe et Matthieu Schlesinger, le maire d’Olivet (Loiret).

Depuis plusieurs jours le nom de cet énarque de 46 ans qui mesure 1,94m circulait avec insistance. Né à Rouen en 1970, Edouard Philippe est le fils de deux professeurs de Français. Il a passé son bac à Bonn (Allemagne) où son père avait été muté en tant que proviseur du lycée français.

Diplômé de la section » service public » de Science Po,  le Normand intègre l’ENA en 1995 dont il sort dans les quinze premiers et choisit le Conseil d’Etat. Pendant sa scolarité à Science Po, il milite au PS près de Michel Rocard, alors Premier ministre. Après l’éviction de celui-ci de la tête du PS, Edouard Philippe rend sa carte du parti et se rapproche de la droite. Il est marié avec Edith Chabre, directrice exécutive de Sciences Po Paris et responsable du master Droit économique. Ils ont trois enfants.

Jusqu’ici, Emmanuel Macron s’était assuré du soutien des anciens ministres chiraquiens, Dominique Perben, Renaud Dutreil, Jean-Paul Delevoye, des vieux routiers en fin de carrière, et  d’élus LR  de second plan (Aurore Bergé, Marie-Anne Montchamp, le sénateur de l’Yonne Jean-Baptiste Lemoyne) dans l’ensemble des juppéistes. L‘entrée à Matignon d’Edouard Philippe a déjà entrainé l’annonce de d’autres collaborations LR. Fabienne Keller (sénatrice), les députés Franck Riester, Thierry Solère, Laure de la Raudière, Christian Estrosi, Benoist Apparu, Gérald Darmanin ont jugé cette nomination « un acte politique de portée considérable » et appellent la droite et le centre “à être au rendez-vous de l’intérêt général ». Ils considèrent que leur famille politique « doit répondre à la main tendue par le Président de la république ».

Mardi le gouvernement

Le nouveau Premier ministre qui a travaillé dans les différents cabinets du maire de Bordeaux où il  s’est révélé compétent, qui connait bien les rouages du parlement doit maintenant montrer sa capacité à rassembler, ce qu’attend de lui le président de la République. Il doit le montrer dès demain lorsque sera proclamée la composition de son gouvernement pour lequel des noms circulent avec insistance bien qu’à l’Elysée et à Matignon le silence soit de règle. Ce sont ceux de Sylvie Goulard aux Affaires européennes, d’Anne-Marie Idrac aux Finances, de Gérard Colomb (PS) à l’Intérieur, de François Bayrou aux Affaires étrangères,  de Jean-Yves Le Drian (PS) à la Défense, d’Anne-Marie Montchamp (LR) aux Sports, du LR Arnaud  Robinet, maire de Reims, proche d’Edouard Philippe et de Bruno Le Maire à la Santé, de Jean-Paul Delevoye à la Justice, de l’avocate Corine Lepage à l’Education nationale, de Richard Ferrand (PS) aux relations avec le parlement, de Jean-Baptiste Lemoyne (LR) à l’Agriculture, de Thibaud Lanxade (Medef) au Commerce, Thierry Breton, ancien ministre, à la Nouvelle économie, d’Axelle Tessandier (atout numérique d’En Marche) à la Culture… Quid de Bruno Le Maire (LR) qui a fait des offres de service, de Jean-Louis Borloo ? Des tendances, des bruits persistants que les attributions définitives peuvent démentir.

Emmanuel Macron  parviendra-t-il à  créer  cette majorité qu’il appelle de tous ces vœux et dont il a besoin pour entreprendre ses grands travaux ? Beaucoup d’élus LR semblent prêts à franchir le pas. En principe et jusqu’ici le Premier ministre mène la campagne des législatives pour le gouvernement sauf que d’ordinaire il appartient à la majorité présidentielle ce qui n’est pas le cas. La situation est tout à fait inédite. La configuration chamboule tout continue. Emmanuel Macron gagnera-t-il son pari législatif comme il a gagné tous les autres jusqu’ici ? Réponse les 11 et 18 juin.

F.C.

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