Le premier tour de la présidentielle a acté le bouleversement de notre paysage politique. Depuis quelques temps, il était dans l’air, les sondeurs, qui cette fois ne se sont pas trompés, l’annonçaient. Il n’empêche que cette perspective devenue réalité nous laisse pantois et incertains. Prévisible, espérée par certains, elle n’en demeure pas moins radicale et saisissante.
Désormais deux France se dessinent, différentes des clivages traditionnels, d’une part celle des métropoles, vitrine de la mondialisation heureuse, d’autre part celle des zones périphériques, des petites et moyennes villes, des régions rurales éloignées des bassins d’emplois les plus dynamiques et désertées par les services publics.
Bouleversements du paysage politique
Ce vote met en pleine lumière un parti socialiste dans un état de coma avancé. Il ne peut plus le cacher et ne peut plus se le dissimuler. Le bureau national convoqué ce lundi matin 24 avril rue de Solférino a distillé une douloureuse tristesse. Prenant la parole, le premier secrétaire, Jean-Christophe Cambadélis a reconnu : « Nous avons subi une lourde défaite, nous l’assumons », puis, réaliste, il a ajouté, « Cette élection présidentielle n’est ni un début, ni une fin, mais une séquence politique. Un moment cruel pour les socialistes, trop divisés. Ce résultat marque la fin d’une époque. L’analyse de cette défaite prendra du temps, car elle vient de loin ». dans les mois à venir les tensions risquent d’être vives.
Débâcle historique pour les socialistes mais également pour les Républicains qui eux aussi ont convoqué un bureau national. Pour la première fois depuis le début de la cinquième République, un candidat de droite n’est pas au second tour. A qui la faute ? A François Fillon qui, empêtré dans les affaires a porté seul et jusqu’au bout les couleurs de sa famille de pensée et de conviction ? N’est-ce pas plutôt les multiples épisodes de la guerre des chefs qui a occupé les Républicains au point de ne pas suffisamment réfléchir à un programme crédible et à bien montrer qui ils sont ?
Chez eux aussi tout est à reconstruire. « Le rétrécissement de la droite sur une ligne politique exclusivement identitaire et conservatrice nous apparaît sans issue », ont déjà déclaré des partisans d’Alain Juppé, dont Bruno Lemaire et Edouard Philippe. Nicolas Sarkozy a réuni pour déjeuner ses proches, Brice Hortefeux, Christian Jacob, Eric Woerth, Laurent Wauquier et François Baroin qui à la sortie déclarait « Personne à droite ne veut de Marine Le Pen à la tête du pays »
Fatigués, las d’une vacuité qui s’éternisait, les Français ont tapé du poing sur la table. Ils ont donné sa chance à un jeune loup de 39 ans, ni de gauche ni de droite, sorti de nulle part ou presque qui, en moins d’un an, a profité avec talent de cette décomposition rampante et raflé la mise du premier tour, virant en tête. Le Front national qui, lui, avançait à découvert sous la houlette de la fille de Jean-Marie Le Pen a décroché la seconde place qui conduit au second tour. Malgré une mauvaise campagne, le FN a dépassé les 20%.
Attention danger !
L’extrême droite s’est banalisée. Elle est pour la deuxième fois au second tour d’une présidentielle. Avec 7,6 millions de suffrages comptabilisés sur son nom, Marine Le Pen a dépassé de 2,8 millions de voix le score de son père en 2002. La situation est grave : le Front national, parti xénophobe et nationaliste, aux mains d’un clan familial affairiste, est qualifié pour concourir à l’échéance majeure de notre démocratie. Des voix s’élèvent, multiples, de gauche comme de droite, François Fillon et Benoît Hamon surmontant leur déconvenue, Alain Juppé en politique responsable, d’autres syndicales comme la CFDT qui a appelé à voter Macron à la suite de quoi son siège a été vandalisé dimanche soir, des engagés à tous les niveaux, de simples citoyens pour souligner le danger de l’extrémisme et appeler à un vote républicain.
On aurait aimé que Jean-Luc Mélenchon ne s’abstienne pas de donner une consigne de vote à laquelle on aurait pu s’attendre de la part d’un démocrate. Dès cet après-midi, le Président de la République a mis en garde : « La présence de l’extrême droite fait une nouvelle fois courir un risque pour notre pays… Face à un tel risque, la mobilisation s’impose et la clarté des choix. Pour ma part, je voterai Emmanuel Macron », a-t-il déclaré depuis l’Elysée. C’était dire qu’il serait dangereux, voire irresponsable de considérer que la probable élection de Manuel Macron à la présidence de la République est acquise et qu’il serait sans effet de s’abstenir. Le risque d’une abstention massive n’est pas à écarter pour une élection qui tombe en plein milieu du long week-end du 8 mai. Une élection n’est acquise que lorsqu’elle est définitive.
F.C.