“Orpheline” nous raconte l’histoire d’une femme sous la forme de quatre épisodes joués par quatre actrices différentes dans une temporalité à rebours, sorte d’enquête mi-psychologique mi-policière, chaque épisode expliquant le précédent dans un enchainement de causes qui vont finalement se boucler dans la dernière scène, illustrant une inexorable répétition des situations comme un éternel retour.
Ce scénario, pour le moins original, fonctionne plutôt bien d’autant qu’il est parfaitement servi par quatre actrices à l’étrange ressemblance de physique et de jeu. Mais le cinéma est un art narratif visuel qui recourt de façon courante, notamment dans sa version “policière”, au détail signifiant comme moteur du récit. Par exemple, au début du film “Orpheline”, une femme pour nous inconnue et sortant de prison, au moment de récupérer ses effets personnels, replie négligemment un porte-bébé, détail-indice que l’on retrouvera plus tard en découvrant le bébé, bouclant (“suturant” comme disaient les Cahiers du Cinéma) la présence visuelle de cet objet en lui-même insignifiant. Le cinéma devient par cette forme de narration visuelle, un art magique en induisant une causalité liée à la présence plus ou moins répétée d’objets anodins…
Mais pour revenir à “Orpheline”, la particularité assez systématique de la mise en scène de ce film consiste à initier des indices qui restent en suspend, sans jamais nous permettre de voir ce qu’ils devraient nous dire: on est aux toilettes quand il y a un meurtre, on ne regarde jamais là où il faut quand on recherche des enfants disparus, un pistolet réapparait sans explication, bref le réalisateur crée une frustration intense jusqu’à donner une impression d’amnésie dans un récit qui devient troublant par une mise en scène qui nous cache délibérément toutes certitudes qui pourraient nous rassurer.
Mais après tout, la vie n’est-elle pas elle aussi remplies de questions sans réponse ?
Gérard Poitou
“Orpheline” un film de Arnaud des Pallières 1 h 51
avec Adèle Haenel, Adèle Exarchopoulos, Solène Rigot, Vega Cuzytek