Il y a cent jours Bruno Le Roux inaugurait son costume tout neuf de ministre de l’Intérieur par une première sortie sur le terrain. C’était à Orléans qui a l’habitude d’accueillir les ministres par tombereau. Le successeur de Bernard Cazeneuve avait rendu visite aux militaires de l’opération Sentinelle sur les quais de la Loire et rue des Halles, sur le thème de la lutte anti-terroriste. Puis il s’était longuement attardé au commissariat central, à l’écoute des responsables de la sécurité publique, de la police judiciaire et de l’identité judiciaire.
Ce mardi 21 mars Bruno Le Roux a été contraint de démissionner de son ministère. Encore un ministre dans la tourmente. Bruno Le Roux, actuel ministre de l’Intérieur, alors député, a employé ses filles dès l’âge de 15 et 16 ans, pendant des vacances scolaires mais parfois en parallèle de cours de classe préparatoire ou d’un stage. Elles ont cumulé respectivement 14 et 10 CDD comme assistantes parlementaires entre 2009 et 2016 pour un montant total de 55.000 euros.
La polémique provoquée par ces révélations a immédiatement enflé au sein du gouvernement et dans le monde politique. Une enquête préliminaire a été aussitôt ouverte et confiée à l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF).
Ces révélations ont entraîné une tempête dans laquelle est pris le locataire actuel de la place Beauvau dont plusieurs voix demandent la démission et que le Premier ministre a convoqué. Le ministre qui a reconnu les faits se défend en disant qu’il s’agissait « d’un boulot d’été pour faire du classement », mais un boulot fort bien payé.
Les faits sont certes immoraux mais légaux. Tout député a le droit de recruter qui il veut comme assistant parlementaire y compris sa femme ou ses enfants. À l’heure actuelle 10 à 15% des parlementaires emploient comme assistant un membre de leur famille. Depuis 1997, le salaire des proches employés comme assistants est encadré. À l’Assemblée, ils ne peuvent prétendre à plus de la moitié du budget alloué à cet effet à un député, soit 9 561 euros mensuels.
Les conditions d’emploi ont-elles été respectées ?
Bruno Le Roux lors de son déplacement à Orléans
Selon le code du travail les adolescents de moins de 16 ans ne peuvent travailler que pendant les vacances scolaires et doivent bénéficier d’un repos égal à la moitié de la durée totale des vacances. Deux dispositions qui semblent ne pas avoir toujours été respectées par Bruno Le Roux : sa fille aînée a travaillé en tant qu’assistante parlementaire du 10 juin au 9 septembre 2013. Elle a donc été privée de vacances.
De plus, quinze jours avant l’embauche, l’employeur, qu’il soit le père ou non, doit demander l’autorisation à l’inspecteur du travail et préciser la durée du contrat, la nature et les conditions du travail, les horaires et la rémunération. Il faut donc vérifier si Bruno Le Roux a bien sollicité et obtenu une autorisation administrative pour employer un mineur de moins de 16 ans. Les contrats de travail ont été établis en lien avec les services de l’Assemblée nationale où les collaborateurs sont recrutés sur la base d’un contrat de travail de droit privé par le député qui a qualité d’employeur.
Soupçon d’emploi fictif
Par ailleurs, le planning des deux jeunes filles soulève un soupçon d’emploi fictif. Deux périodes en particulier. La fille aînée a été employée par son père du 10 juin au 9 septembre 2013 alors qu’elle effectuait un stage chez Yves Rocher à Tournai (Belgique). De même la cadette a été embauchée à plein temps alors qu’elle était scolarisée en classe préparatoire à Paris, avec deux semaines de vacances du 18 avril au 4 mai.
MISE À JOUR : Démission de Bruno Le Roux, remplacé par Matthias Felk
Bruno Le Roux a démissionné du poste de ministre de l’Intérieur qu’il occupait depuis trois mois et quinze jours. Il est remplacé par Matthias Felk jusque-là secrétaire d’État au commerce extérieur, et proche de François Hollande.
F.C.