L’argent n’est plus tabou. Combien on gagne, de combien on dispose, qu’a-t-on fait de ses revenus, a-t-on payé ses impôts ? Il faut que tout soit transparent et en règle quand on entre en politique surtout si l’on est candidat à la Présidence de la République. Avant, tout était caché, culture judéo-chrétienne oblige. La digue a cédé sous l’avalanche des affaires. La France est en train de s’aligner sur les démocraties anglo-saxonnes ou scandinaves.
Après François Fillon et Marine Le Pen, les juges vont-ils poursuivre Emmanuel Macron ? À l’heure actuelle, c’est loin d’être avéré mais le candidat d’En Marche est déjà sur la sellette. Lundi on apprenait qu’une enquête préliminaire était ouverte sur l’organisation d’un déplacement en janvier 2016 à Las Vegas du ministre de l’Économie de l’époque, un certain Emmanuel Macron. Elle porte sur des soupçons de favoritisme, complicité et recel de favoritisme. À ce sujet En Marche a répliqué, « en aucun cas cette enquête ne vise Emmanuel Macron, ministre de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique en fonction à cette époque, ni aucun membre de son cabinet ».
Manque de cohérence
Ce même jour, l’association Anticor saisissait la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique au sujet du patrimoine du candidat à l’élection présidentielle. Selon elle, sa déclaration manque de cohérence. Anticor reprend par le menu les gains du candidat, ses déclarations et les met en parallèle : « Emmanuel Macron a perçu 2,8 M€ de revenus nets avant impôts, entre mai 2009 et mai 2012, avant d’être nommé secrétaire général adjoint de l’Élysée par François Hollande devenu président de la République. Or le déclarant fait état d’un patrimoine de 1,2 M€ et d’un endettement de 1 M€, soit un patrimoine net de seulement 200.000 € ». Anticor demande à la Haute Autorité de « vérifier le caractère exhaustif, exact et sincère de la déclaration de patrimoine du candidat ».
Pour se lancer dans cette démarche l’association s’appuie sur la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique selon laquelle « chacun des membres du gouvernement, dans les deux mois qui suivent sa nomination, adresse personnellement au président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (article 19) une déclaration exhaustive, exacte et sincère de sa situation patrimoniale concernant la totalité de ses biens propres ainsi que, le cas échéant, ceux de la communauté ou biens indivis. Ces biens sont évalués à la date du fait générateur de la déclaration ».
« Je ne gagnais plus assez pour payer mes impôts »
Emmanuel Macron s’est empressé de justifier l’évaluation de son patrimoine financier. « Comme banquier d’affaires, j’avais le statut d’indépendant. J’ai donc payé sur le montant brut de ma rémunération, des cotisations sociales patronales, salariales, puis l’impôt sur le revenu. Ces cotisations ont augmenté. Elles ont frappé mon dernier revenu de référence, au point que je ne gagnais plus assez pour payer mes impôts. La même année, j’ai en effet à la fois divisé ma rémunération par quinze (en entrant à l’Élysée) tout en expérimentant les engagements fiscaux du président de la République. Par ailleurs j’ai procédé à des travaux dans la maison de famille de mon épouse, partiellement financés par des emprunts bancaires qui tous ont été déclarés. Tout cela est connu de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique qui aurait transmis au parquet depuis longtemps si elle avait relevé un problème », s’est-il défendu.
Cette explication ne satisfait pas Anticor dont le président Jean-Christophe Picard dit : « Si l’argent a été dépensé, il doit y avoir des justificatifs. On veut donc savoir si ces documents ont été transmis à la HATVP. Elle doit répondre à nos interrogations ». Cette polémique autour du patrimoine d’Emmanuel Macron n’est pas nouvelle. Le Parquet financier qui a reçu par courrier une demande de saisine il y a trois mois s’est déclaré incompétent.
Les limites de la transparence
Alors que la défiance à l’égard des politiques atteint des records, les Français exigent d’eux une totale transparence. Selon une étude publiée en janvier par le Cevipof 40 % des Français éprouvent de la méfiance envers les politiques et 75 % estiment qu’ils sont plutôt corrompus. Un tous pourris qui ouvre un boulevard au populisme et à l’abstention alors qu’ill est crucial d’aller voter. « On scrute ma vie au laser, cherchant la moindre erreur, la moindre faille, le moindre scoop », s’est écrié devant la presse un François Fillon empêtré dans ses affaires avant de se livrer à un grand déballage tandis que la substance de son programme restait en attente.
Les Français veulent tout savoir de la vie privée des politiques : ils les veulent tout nus. Mais rappelait il y a quelques jours François Bayrou, « La présidentielle, les Français croient tous que c’est une élection facile. C’est une élection méchante, où vous passez à l’échographie, à l’IRM. Mais cette transparence tous azimuts est-elle la garantie d’un fonctionnement harmonieux de notre démocratie ? ».
F.C.