A huit heures, mercredi 1er mars, à l’entrée du hall 1 du Salon International de l’Agriculture, Dominique Bussereau, ancien ministre de l’Agriculture et soutien de François Fillon, attend son champion qu’il doit accompagner dans son tour du Salon quand il apprend « l’annulation de la visite ». Le président du Conseil départemental de Charente-Maritime déclare aussitôt à la presse qu’il « ne connaît pas l’aléa. C’est inédit, mais ce n’est pas l’événement de l’année, ce n’est pas le Titanic, ce n’est pas un accident, c’est certainement un problème politique ».
Mais pâle et dépité, il s’en va avec trois compagnons occuper la salle qu’il avait retenu pour prendre un petit déjeuner avec François Fillon et quarante personnes. Peu de temps après, depuis son QG de campagne, François Fillon annonce : « mon avocat a été informé que je serai convoqué le 15 mars par les juges d’instruction afin d’être mis en examen ». C’est le début d’un bien étrange journée qui déstabilise un peu plus une campagne présidentielle déjà très particulière.
« Pas un justiciable comme les autres »
Dès lors, pour le camp Filon, il y a urgence à sonner le rappel des troupes. Une conférence de presse est organisée à la hâte à la mi-journée au QG de campagne. François Fillon plus droit que jamais dans ses bottes y déclare d’entrée de jeu à la stupéfaction de juges qui aussitôt viennent le dire sur les media, « depuis le début, je n’ai jamais été traité comme un justiciable comme les autres. Il est sans exemple, dans une affaire de cette importance, qu’une convocation aux fins de mise en examen soit lancée quelques jours à peine après la désignation des juges, sans qu’ils aient pris connaissance du dossier, ni procédé à des investigations supplémentaires, sur la simple base d’un rapport de police manifestement à charge, c’est-à-dire pour condamner. Dans ce dossier (les emplois présumés fictifs de son épouse) l’État de droit a été systématiquement violé, entre enquête préliminaire ouverte en quelques heures et procès-verbaux communiqués à la presse. La présomption d’innocence a complètement disparu. Je n’ai détourné aucun argent public. J’ai confié comme près d’un tiers des parlementaires des travaux à mes proches. Ils m’ont effectivement assisté et je le démontrerai. Je me rendrai à la convocation des juges, je leur dirai ma vérité, qui est la vérité. Que je ne sois pas un justiciable comme les autres, on le voit au simple choix de cette date du 15 mars, deux jours avant la clôture des parrainages, entièrement calculée pour m’empêcher d’être candidat à la présidentielle, et, au-delà, pour empêcher que la droite et le centre disposent d’un tel candidat ».
« J’irai jusqu’au bout »
Plus jusqu’au-boutiste que jamais, le candidat de la droite et du centre s’en remet aux électeurs et martèle alors « je ne me rendrai pas, je ne cèderai pas, je ne me retirerai pas. J’irai jusqu’au bout, je serai au rendez-vous. Au-delà de la procédure judiciaire j’en appelle désormais au peuple français, à ceux qui me suivent comme ceux qui me combattent. Seul le suffrage universel peut décider » avant de conclure « je ne désespère pas de la justice ». Aussitôt après s’être entretenu téléphoniquement avec Alain Juppé, il déjeune bien en vue, ostensiblement entouré de quelques fidèles Gérard Longuet, Valérie Pécresse et Lionel Tardy dans une brasserie proche de son QG et annonçait qu’il se rendrait dans l’après- midi au Salon de l’Agriculture.
Des soutiens peau de chagrin
Bruno Le Maire annonçait très vite sa « décision de se retirer de ses fonctions auprès de François Fillon parce que ce dernier a renoncé à se retirer comme il l’avait promis en cas de mise en examen, au nom du respect de la parole donnée » et l’UDI qui avait obtenu de son ralliement 70 circonscriptions aux législatives, annonce une réunion extraordinaire en urgence pour envisager la suite. Premières fissures avant d’autres lâchages à venir. Jusqu’où iront les défections ? Que feront les Juppéistes ? À 17h30 l’UDI annonce qu’elle suspend sa participation à la campagne Fillon avec un impact certain sur son dynamisme : François Fillon n’est plus que le candidat des Républicains. Que va faire sa famille politique, va-t-elle continuer à se mobiliser autour de ce candidat qui l’attire dans le pessimisme ou en changer ?
Pour parer au plus pressé l’équipe Fillon a allumé aussitôt un contre-feu en annonçant un meeting de soutien dimanche prochain au Trocadéro, tandis que la visite du Salon, porte de Versailles, sous haute protection se déroule dans un calme relatif entre « Fillon rend le pognon et Fillon président ».
Et pendant ce temps-là, Emmanuel Macron…
Emmanuel Macron qui effectue au même moment sa visite du SIA s’en jamais le croiser déclare, « je ne suis pas favorable à une trêve judiciaire. Ne donnons pas au vote démocratique le rôle de l’absolution » tandis que Benoît Hamon en déplacement en Bretagne qualifie les propos de François Fillon « d’un incroyable violence à l’égard des magistrats et de la justice. Le feuilleton des affaires rend médiocre cette campagne présidentielle ».
En effet, la mise sous tension à ce point d’une élection présidentielle est inédite. Elle intervient dans un climat incertain où Marine Le Pen, bien qu’elle aussi engluée dans des affaires, caracole en tête et où un candidat hybride, un ovni en politique, Emmanuel Macron menace le système bi-partisan auquel nous sommes habitués. Pour échapper au calendrier judiciaire, François Fillon en appelle aux citoyens. Qu’il se retire ou pas, l’affaire Fillon sera jugée dans les urnes. La France traverse une crise politique comme elle n’en a peut-être pas connu depuis 1968. Il n’est pas certain que l’élection présidentielle y mette un terme. Quelle Assemblée sortira des urnes en juin ? Sera-t-elle gouvernable quel que soit celui ou celle qui sera élu chef de l’État ?
Françoise Cariès.

Florent Montillot
“On a atteint un palier particulier, une confusion sans précédent depuis la sortie de la 2e Guerre Mondiale ! Une situation de crise à ce niveau-là, et personne n’évoque la date du 15 mars.
Que se passe-t-il le 15 mars ? C’est la date butoir pour le dépôt des parrainages au Conseil constitutionnel. Après, il sera impossible de pouvoir choisir un autre candidat. Et aujourd’hui, ceux qui ont déjà donné leur parrainage ne pourront pas revenir en arrière.
Concrètement, aujourd’hui, nous ne sommes plus en campagne présidentielle. Nous sommes en campagne sur les affaires.
Aujourd’hui, la légitimité, ce sont les 7 de la primaire de la droite et du centre qui l’ont. Il faut qu’en leur âme et conscience, ils se reunissent en une sorte de conclave, à huis clos, et prennent une décision”.Sur la suspension du soutien à la campagne de François Fillon par l’UDI :
“C’est une décision qui a été prise à l’unanimité. Elle signifie que le candidat doit prendre ses responsabilités, et prendre une position d’ici mardi prochain, date de notre prochain bureau exécutif”.
Sur le sens du mot “honneur” :
“Aujourd’hui, dans une période troublée comme celle-ci, quand on a une haute idée de la France, c’est elle qui doit passer avant son honneur. Quand on a exercé les plus hautes fonctions et qu’on aspire à la Présidence, la situation de la France va au-delà de sa situation personnelle”.
(propos recueillis par F.S)
Le problème posé va au-delà d’une question de droit, il s’agit d’une véritable question de moralité et de transparence : les Français peuvent-ils encore accepter ce genre de pratiques ?”
(…) “À l’occasion de la venue de François Fillon pour un meeting au Zénith d’Orléans mardi 7 mars, les jeunes socialistes du Loiret invitent chaleureusement tous les citoyens à l’accueillir dans un concert de casserole dès l’ouverture des portes à 18h”.
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