Xavier Beulin n’accueillera pas le Président de la République samedi porte de Versailles, comme il le faisait tous les ans depuis 2010. Une plaque sera dévoilée pour l’occasion à l’entrée du salon du pavillon 1. Mort brutalement dimanche dernier à son domicile parisien, le président de la FNSEA a fait l’objet d’un hommage national impressionnant en la cathédrale Sainte-Croix d’Orléans, auquel ont participé François Hollande et une pléiade de ministres et de personnalités politiques.
Photos Marie-Line Bonneau
« Xavier Beulin était un homme engagé, passionné, qui avait le désir du bien commun » a déclaré dans son homélie l’évêque d’Orléans Jacques Blaquart qui a salué, “son charisme et sa volonté de servir à toute épreuve, toujours à fond prêt à servir la cause qu’il croyait juste ».
Durant l’hommage à la cathédrale, on reconnait à droite François Hollande, Bernard Cazeneuve et Gérard Larcher.
L’arrivée du cercueil à la cathédrale.
Jamais la cathédrale d’Orléans n’avait accueilli autant de personnalités. Saint-Croix était archi-comble vendredi à 11 heures pour cet hommage à Xavier Beulin. Plus de 3.500 personnes dont de très nombreux agriculteurs avaient tenu à saluer celui qui a consacré sa vie à la défense du monde rural. L’enfant de Donnery avait acquis une telle dimension que toute la classe politique – candidats à la Présidentielle et anciens ministres – étaient au premier rang des personnalités devant l’autel et le cercueil.
Outre François Hollande, il y avait là le Premier ministre Bernard Cazeneuve, Claude Bartolone, le président de l’Assemblée nationale, Gérard Larcher, président du Sénat, le ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll, Nicolas Sarkozy, François Fillon, Valérie Pecresse, Emmanuel Macron, François Bayrou, Myriam El Khomry, et d’anciens ministres de l’agriculture dont Michel Barnier, Henri Nallet, Bruno Le Maire, Xavier Bertrand et le commissaire européen Phil Hogan.
Amis et anonymes devant la cathédrale
Erik Orsena recueilli devant la cathédrale.
Dès dix heures, la cathédrale était pleine et les services de sécurité ont du refuser l’accès à plusieurs centaines de personnes qui ont du se contenter de voir la messe sur un écran géant installé sur le parvis à gauche de la cathédrale. Jusqu’au début de la cérémonie, un beau portrait de Xavier Beulin a fait patienter les amis ou les anonymes massés derrière les barrières par un froid glacial, alors que retentissaient des cantiques amplifiés par la sono. La rue Jeanne-d’Arc avait été neutralisée pour permettre aux voitures officielles d’acheminer les personnalités venues de Paris.
“Il a voulu servir”
« Il avait sa vision ! ses idées ! Mais avec toujours à l’horizon le désir du Bien commun. Beaucoup, partisans ou opposants, reconnaissent ses capacités d’écoute, de respect de l’autre. Jamais méprisant, on pouvait discuter avec lui. Il s’est brûlé à vouloir trop faire ! trop bien faire ? Une chose est sûre, il a voulu servir ! » a poursuivi l’évêque d’Orléans. Parmi ses combats, Xavier Beulin s’était notamment illustré pendant l’été 2015 en tentant de canaliser les fortes mobilisations d’éleveurs en colère contre la chute des prix du lait, du porc et l’effondrement de leurs revenus.
©Marie-Line Bonneau
Tour à tour au micro devant les personnalités installées à droite de l’autel, des hommages ont été rendus au céréalier de Donnery, passé par toutes les étapes du combat syndical jusqu’à la présidence de la FNSEA. L’un de ses fils a parlé au nom de la famille qui occupait la rangée de chaise à gauche de l’autel, d’un « père parti trop vite et trop tôt », un homme bienveillant, bon et juste, « passionné par son travail qui lui accaparait le cœur et l’esprit ». Il a ajouté « les agriculteurs étaient ta famille, personne n’était plus fier d’eux que toi ». Proche de Xavier Beulin, Eric Orsenna qui avait prêté sa plume à cet hommage, a entendu très ému ces paroles devant le café le Lutetia.
Pour sa part le président régional de la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles) Eric Thirouin a salué « le capitaine, l’inspirateur, le visionnaire. L’œuvre de ta vie est immense, tu as connu des crises, des paysans qui souffrent. Beaucoup auraient renoncé, tu as résisté, proposé. Tu as tracé un sillon qu’il nous reste à suivre ».
Des exploitations plus grandes
©Marie-Line Bonneau
Tout ce que le Loiret et la région comptent d’élus et de responsables agricoles, syndicats, patrons, acteurs économiques qui ont côtoyé Xavier Beulin notamment à l’Open Agri Food, au CESER (Conseil économique et social régional) étaient présent.
Il appelait à privilégier une agriculture restant à taille humaine, tout en regroupant les moyens de production, pour rester compétitifs face à nos voisins européens. Une vision basée sur des exploitations plus grandes, qui ulcérait ses détracteurs parmi les syndicats de gauche et les mouvements écologistes. Xavier Beulin comptait se représenter pour un troisième mandat à la tête de la FNSEA. Dans cette perspective, il avait publié un livre, “Notre agriculture est en danger”, qui fera désormais figure de testament. Pour l’un des participants, André Lopez, l’ancien directeur du CESER, “ce fut une cérémonie très digne, recueillie et c’est très bien que les interventions se soient limitées à trois. Celle du vice-président de la FNSEA était pleine d’émotion et très sincère”.
“Merci d’avoir cru en nous”
Sur les grands livres disposés sur le parvis, des centaines d’anonymes ont jeté quelques mots, « un grand merci », « merci d’avoir cru en nous », « condoléance des paysans corréziens », et d’autres « originaires du Bas-Rhin.
Après cet hommage qui a duré 1h45, le cercueil de Xavier Beulin, une fois les personnalités reparties, est ressorti au milieu d’une haie d’honneur devant la cathédrale.
A l’issue de la cérémonie, Xavier Beulin a été inhumé dans l’intimité dans le caveau familial à Donnery, le village du Loiret où il est né et où, lorsque ses nombreuses casquettes le lui permettaient, il travaillait encore parfois sur son exploitation.
Ch.B
L’homélie de Jacques Blacart, évêque d’Orléans
Je remercie la famille de Xavier Beulin d’avoir choisi ces deux passages de la Bible. Le 1er, tiré de la lettre que l’apôtre Saint Paul écrivait à la toute jeune communauté chrétienne de Thessalonique, et le 2ème, tiré de l’Evangile selon Saint Jean.
Nous avons tous besoin d’espérance pour vivre, d’espérance à long terme. Sinon la vie n’a aucun sens. Nous avons besoin de chercher à répondre à ces questions essentielles ? Qui sommes-nous ? Où allons-nous ? Pourquoi vivons-nous ? Qui y a-t-il après la mort ?
A ces questions existentielles, les deux passages de la Bible donnent des réponses lumineuses.
Dans l’Evangile, Jésus nous parle de cet horizon si familier à Xavier BEULIN : « Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul. Mais s’il meurt, il donne beaucoup de fruit ».
L’observation attentive de la nature, nous dit qui nous sommes.
Malheureusement, souvent, nous ne savons plus regarder et contempler.
Mais si nous prenons le temps de le faire, alors nous comprenons mieux le mystère de la vie et de la mort.
En ce mois de Février, nous attendons le printemps. De la mort de l’Hiver, va jaillir une fécondité nouvelle au Printemps.
Ainsi sommes-nous ! Faits pour vivre d’une vie nouvelle par delà la mort !
Jésus nous invite à miser sur l’espérance mais une espérance active :
Espérance active, parce qu’elle dépend de notre manière de vivre !
Est-ce que je vis pour moi, pour l’image que je veux laisser ? ou pour les autres ?
Xavier BEULIN était un homme engagé.
Un passionné ! Avec le sens de l’engagement pour les autres.
Il avait sa vision ! ses idées ! Mais avec toujours à l’horizon le désir du Bien commun. Beaucoup, partisans ou opposants, reconnaissent ses capacités d’écoute, de respect de l’autre. Jamais méprisant, on pouvait discuter avec lui. Il s’est brûlé à vouloir trop faire ! trop bien faire ?
Une chose est sûre, il a voulu servir !
Très tôt en responsabilité, après le décès soudain de son père, alors qu’il n’avait que 17 ans, Xavier n’a eu de cesse d’être sur la brèche, de s’engager à fond, sans trop penser à sa santé. Avec un charisme évident, une volonté qui semblait résister à toute épreuve, une vision qu’il estimait d’avenir, il était toujours à fond, prêt à servir.
Comment ne pas laisser retentir les paroles de Jésus dans l’Evangile ?
« Celui qui aime sa vie la perd ».
« Celui qui s’en détache en ce monde la garde pour la vie éternelle ».
Le décès inattendu de Xavier BEULIN nous rappelle que nous n’avons qu’une vie pour aimer, nous donner pour une œuvre, pour les autres, pour l’intérêt général, chacun à sa mesure.
Pourquoi vivons-nous ?
– pour l’immédiate satisfaction ?
– pour contenter quelques partisans ? les uns contres les autres ?
– ou pour l’intérêt commun, le bien de tous ! sans exclure quiconque !
– avec cette double conviction :
– que l’homme n’est rien s’il ne donne pas sa vie pour le bien de tous
– qu’il se noie s’il est à lui-même sa propre finalité, c’est-à-dire sans l’évocation du mystère de Dieu.
Pour conclure, je voudrais rappeler simplement ce que disait Saint Paul aux Chrétiens de Thessalonique : Car tel est le fondement de ce rassemblement voulu par la famille de Xavier BEULIN au nom de sa foi chrétienne.
« Il ne faut pas que vous soyez abattus …
Jésus nous le croyons est mort et ressuscité.
De même, nous le croyons, ceux qui se sont endormis (dans la mort)
Dieu, par Jésus, les emmènera avec son Fils.
Ainsi, nous serons pour toujours avec le Seigneur.
Réconfortez-vous donc les uns les autres avec ce que je viens de dire ! »
Il faut nous préparer à cette rencontre, à cette résurrection, à cette vie de plénitude, à ce paradis promis par Jésus. Comment ?
Je laisse à votre méditation ces lignes d’une poésie – en forme de prière – de Sainte Thérèse de Lisieux, sentant sa mort prochaine.
« Ma vie n’est qu’un instant, une heure passagère,
Ma vie n’est qu’un seul jour, qui m’échappe et qui fuit.
Tu le sais, O mon Dieu, pour t’aimer sur la terre,
Je n’ai rien qu’aujourd’hui ».
Qu’il en soit ainsi pour chacun de nous !