Elle fut impératrice d’Autriche et reine de Hongrie, une épouse amoureuse et la mère de seize enfants. Un parcours unique dans l’histoire des monarchies que raconte Elisabeth Badinter.

Fille de l’empereur Charles VI, Marie-Thérèse était « fâchée d’être née femme ». Il est vrai que son père, mélancolique et peu doué pour son métier de souverain avait en vain espéré la venue d’un fils. Une femme empereur cela n’était pas concevable ! Dépité,de guerre lasse, en 1713, il avait modifié l’ordre de succession au trône sans pour autant préparer la jeune princesse au rôle auquel elle accède le 20 octobre 1740. On la croit soumise et faible. Elle va très vite se révéler « l’homme du siècle » selon son éminence grise et ami, le comte Emmanuel Silva-Tarouca. Elle a de qui tenir. Elle compte dans ses ancêtres une grand-mère , une mère et une tante, vives, intelligentes et douées pour la stratégie politique.
A 23 ans, cette impératrice dont les observateurs envoyés par les cours étrangères ne voient pas son règne durer, engage sans tarder contre la Bavière, la France, la Prusse, la Saxe et l’Espagne une guerre destinée à faire reconnaître ses droits à la succession des Habsbourg. Une femme à la tête d’une armée, ce serait stupéfiant encore aujourd’ hui, au dix-huitième siècle c’était impensable, inimaginable.
Soit, mais Marie-Thérèse, l’impératrice-reine est rouée et dotée d’une volonté de fer. Puisque elle appartient au « sexe faible », elle joue de sa féminité. Elle endosse le rôle de la femme trahie et de la victime abandonnée et çà marche. Fine mouche, elle sait se faire aimer et se rallier des partisans.« C’est une grande actrice qui sait moduler sa voix, exprimer tous les sentiments et utiliser tous les registres. Elle sait faire de sa faiblesse une force », écrit Elisabeth Badinter. Véritable bourreau de travail, Marie-Thérèse gouverne sans premier ministre et, ayant éliminé les anciens collaborateurs de son père qu’elle juge, à juste titre, corrompus, elle met en place un état centralisé.
Marie-Thérèse, la femme est aussi une épouse très amoureuse. Très jeune , elle est s’est éprise du très beau mais léger François-Etienne de Lorraine qui a du sacrifier les interêts de la maison de Lorraine dont il est l’héritier aux intérêts du roi de France Louis XV et lui céder son duché. Marie-Thérèse s’efforcera des années durant d’améliorer la réputation de son mari. En vain.
Le couple fait lit commun ce qui a l’époque est une exception chez les royaux. Il en résultera seize enfants dont le dernier sera notre reine Marie-Antoinette et pour lesquels Marie-Thérèse sera une mère attentive. Louis-Etienne disparaît en 1765, plongeant l’impératrice dans un veuvage dont elle ne se départira plus, obligeant les Viennois à mener une vie austère ce qui n’est pas le meilleur de son règne. A son décès, Frédéric II de Prusse qui l’avait beaucoup combattue et n’aimait pas les femmes déclara « elle a fait honneur au trône et à son sexe ».
Dans « Le pouvoir au féminin », Elisabeth Badinter, philosophe acquise à la cause des femmes, livre une biographie très documentée, nourrie d’une abondante correspondance conservées dans diverses archives européeennes.Un bon livre pour tous ceux qui aiment l’histoire et les biographies.
F.C.
Le pouvoir au féminin : Marie-Thérèse d’Autriche, 1717-1780, l’impératrice-reine
Elisabeth Badinter Flammarion 366 pages 21,90 euros