A quelques dizaines de mètres du Vieux-Tours touristique et commercial, de ses terrasses et de sa vie agitée, se cachent d’autres ruelles historiques plus discrètes, mais à l’activité fleurissante. Au sein du quartier du Petit-Saint-Martin, de nombreux ateliers d’artistes et artisans ont trouvé refuge.
Atelier Rouge Pistache
La présence de la vingtaine d’ateliers regroupés dans ces quelques ruelles témoigne d’une vie artisanale et artistique riche. Il faut pourtant être curieux et sortir des rues touristiques pour les trouver et leur rendre visite. Le quartier des artisans, comme il est parfois surnommé et indiqué par deux panneaux patrimoniaux vieillissants (dont un indique d’ailleurs une mauvaise direction), est né sous Jean Royer.
Après la rénovation du Vieux-Tours, le maire de la ville propose à des artisans de louer des locaux municipaux pour y implanter leurs ateliers, rue Eugène Sue, rue du Petit-Saint-Martin ou rue Etienne-Marcel. De cette idée naîtra le quartier dit des artisans. Mais au fil des années, les ateliers restent enfermés sur eux-mêmes et cette partie du Vieux-Tours reste ignorée des passants.
Créations de Mélanie Lusseault
Depuis une dizaine d’années, le quartier des artisans connaît néanmoins un renouveau, initié par l’arrivée de plusieurs artistes souhaitant mettre en avant leur travail et savoir-faire, tout en redonnant un peu de vie à ce quartier historique. Rue du Petit-Saint-Martin, on retrouve Mélanie Lusseault, une des artistes à l’origine de ce renouveau.
Au sein de son atelier Rouge Pistache, la jeune femme a lancé il y a 10 ans l’événement « Le Ptit Baz’art », pour lequel elle invitait une dizaine d’artistes à venir prendre possession des 40 m² de son atelier. « L’idée de départ était de permettre à des artistes n’ayant pas d’atelier comme le mien, de pouvoir montrer leur travail ». Une idée qui séduit rapidement artistes et public, si bien que Mélanie Lusseault propose quelques années plus tard d’ouvrir sa démarche aux ateliers voisins. Partant de cet élément fondateur, est créée il y a trois ans, l’association « Le Quartier des Arts », regroupant aujourd’hui 22 ateliers ou galeries du Petit-Saint-Martin, afin de développer la visibilité de ce « quartier des artistes et artisans ».
Sculpture d’Eric Geffroy
Pour y arriver, plusieurs événements sont organisés comme des week-ends portes-ouvertes en septembre ou comme « Le Bazar » organisé le week-end dernier. Un événement pour lequel chaque lieu pouvait inviter différents artistes, sur le modèle du « Ptit Bazar » originel de l’atelier Rouge Pistache. L’occasion de découvrir ces ruelles et les ateliers installés au cours d’un parcours artistique.
En partant de la rue du Grand Marché, le passant pouvait ainsi découvrir entre autres, l’Atelier de Valérie et ses poupées anciennes, la huitième édition des petits formats érotiques de la Boite Noire, l’atelier Rouge Pistache, l’atelier Pop et ses dessinateurs, la galerie associative Lyeuxcommuns, ou encore les expositions du peintre Laurent Vermeersh et du photographe Ibrahim Suer…
Quelques centaines de personnes ont ainsi flâné samedi et dimanche dans les différents ateliers et galeries. Un public surtout issu « du bouche à oreilles » nous dit-on. Trois ans après la création de l’association, « Le Quartier des Arts » peine en effet à se faire connaître en dehors du cercle d’initiés et les curieux y flânent encore trop peu. Et si la constitution en association devait permettre une reconnaissance des institutions, force est de reconnaître que de ce côté là, beaucoup de choses restent également à mettre en place. « Un exemple tout bête, mais depuis deux ans nous n’avons plus de décorations de Noël dans nos rues » témoigne un des artistes. « Quand on passe rue du Grand Marché où c’est éclairé, cela ne donne pas envie de s’aventurer dans les ruelles perpendiculaires non illuminées. Le signe qui est envoyé c’est : là-bas il n’y a rien à voir ».
Un constat que relève également Mélanie Lusseault, pour qui l’aide de la Mairie pourrait être plus poussée : « Il n’y a pas de signalétique. Les seuls panneaux installés pour indiquer nos ateliers, ce sont ceux que l’on a mis nous mêmes à l’angle de la rue du Grand Marché.
Dans d’autres villes, les quartiers des artisans et artistes sont mis en avant comme quelque-chose d’attractif, ici nos événements peinent à être annoncés dans les agendas de la ville. Cela ne facilite pas les choses ».
A l’angle de la rue du Grand Marché et de la rue du Petit-Saint-Martin
Malgré ce manque de reconnaissance, les artistes ne baissent pas les bras et s’organisent par eux-mêmes pour faire bouger les choses. Un dynamisme visible par exemple à la galerie associative Lyeuxcommuns, située rue Etienne-Marcel. Une galerie ouverte en 2014, pour prendre la suite de l’atelier de la peintre Léna Dessein-Larichesse, avec pour but d’accueillir « ceux qui n’osent pas montrer leur travail ou qui n’ont pas la possibilité d’exposer ailleurs ». Une entraide qui se développe et prend différentes formes entre les différents artistes et lieux.
A l’Atelier Pop, cette entraide prend la forme d’un espace de travail commun entre plusieurs dessinateurs et bédéistes. Elle prend parfois des tournures plus ponctuelles comme l’invitation à partager une exposition. Ce fut le cas ce week-end entre le peintre Laurent Vermeersh, qui a invité le photographe Ibrahim Suer a partagé son exposition pour présenter pour la première fois son travail à l’Imprimerie, rue Bretonneau. Une exposition sur le thème de l’eau et des paysages, avec des tableaux du peintre faisant la part belle aux reflets du ciel et aux contrastes et des photographies d’Ibrahim Suer sur la Loire à Tours.
Exposition d’Ibrahim Suer et Laurent Vermeersh
Une aide logique et naturelle à écouter Mélanie Lusseault et le sculpteur Eric Geffroy : « Nous sommes dans une économie responsable où les rencontres humaines sont importantes » expliquent ceux qui partagent l’atelier Rouge Pistache avec 3 autres artistes jusqu’au 23 décembre. A quelques mètres de là, à La Boite Noire, une autre exposition se tient jusqu’au 28 janvier, celle des toujours très attendus Petits Formats Erotiques. Cette année, ce sont 13 artistes qui ont investi la galerie tenue par Agathe Place.
Des œuvres artistiques et suggestives, qu’ils soient tableaux, sculptures ou dessins. De Fred Le Chevalier à Caroline Bartal en passant par Zelda Bombat, Delphine Courtois ou Bertrand Robert, l’érotisme y est décliné sous toutes ses formes, en version pop, de façon détournée ou non… Une exposition qui attire toujours beaucoup de monde dans cette galerie dont la réputation n’est plus à faire et dont la vitrine rue du Grand Marché pourrait constituer, grâce à sa visibilité, la porte d’entrée nécessaire au Quartier des Arts.
Mathieu Giua
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